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Quand le bronze vaut 128 MDH
Publié dans Les ECO le 15 - 08 - 2012

La flamme s'est éteinte dimanche soir dans le ciel londonien, mettant ainsi un terme à cette édition historique des jeux olympiques. Historique, ces jeux ne l'ont pas été seulement pour le pays hôte. Ils l'ont également été pour le sport national. En effet, avec une seule médaille de bronze au compteur sur les 75 participants marocains, jamais la moisson ne fut aussi maigre pour la délégation marocaine. Même les jeux de Pékin en 2008, considérés jusque-là parmi les moins prolifiques pour le Maroc, affichent un bien meilleur bilan avec une médaille d'argent et une de bronze. Au final, le Maroc se classe à une modeste 79e place de ces jeux, soit le pire résultat depuis au moins 28 ans. Comment peut-on expliquer cette déconfiture ? Comment un pays qui a souvent été parmi les grands favoris dans certaines disciplines, comme le demi-fond, se retrouve-il dans une pareille posture ? Interrogés, plusieurs spécialistes de ces disciplines ne parviennent pas à expliquer les raisons d'un tel échec. Pour Saïd Aouita, «On ne peut rien dire sur le bilan de cette participation, il parle de lui même. Il faut désormais que les différentes parties concernées se réunissent, dès le retour de la délégation marocaine, afin de faire le point sur ce qui ne marche pas». L'ancien champion olympique du demi-fond va même au-delà ; «on a besoin aujourd'hui d'une véritable stratégie pour pouvoir aborder les prochaines échéances dans les meilleures conditions». Il semblerait qu'au gouvernement, on partage l'ambition de Aouita. La réaction du ministre de la Jeunesse et des sports ne s'est pas fait attendre. Mohamed Ouzzine a en effet déjà promis de se pencher sur cette question dès ce début de semaine, en se réunissant avec les différentes représentations sportives pour dresser un bilan de la participation aux JO, avant de tracer une feuille de route pour préparer les prochaines échéances. En attendant, les réactions du monde sportif se multiplient. Nawal Moutawakil, vice-présidente du Comité olympique international, s'est dite pour sa part «indignée des contre-performances du Maroc à ces jeux, alors que tous les moyens ont été mis à la disposition des athlètes». Il faut dire qu'au lendemain des déboires de l'édition chinoise des jeux olympiques, les officiels marocains avaient promis une véritable stratégie et un travail de fond pour redresser la barre, particulièrement dans l'athlétisme. On se rappelle qu'au lendemain du retour de la délégation marocaine de Pékin, le Comité National Olympique Marocain (CNOM) s'est attelé à la mise en place d'une stratégie visant à assurer une bonne préparation des athlètes marocains aux jeux de Londres. Des sommes considérables ont été investies depuis trois ans pour mieux préparer les athlètes afin de faire bonne figure à Londres. Le programme du sport de haut niveau créé sur orientation royale et lancé juste après les résultats en demi-teinte de Pékin devait mobiliser en tout, plus de 330 MDH. À la veille du départ de la délégation marocaine aux jeux de Londres, des sources fédérales parlaient de «128 MDH déjà consommés pour la préparation des JO de Londres». Résultat des courses : le Maroc inscrit le record de la médaille de bronze la plus chère du monde. Les 128 MDH investis ont en effet à peine fait émerger Abdelaati Iguider, seul point d'éclaircie dans la participation marocaine. «Il ne faut pas oublier que c'est grâce à ce programme que nous avons pu envoyer à Londres 75 athlètes, soit la délégation la plus importante de l'histoire de la participation marocaine aux JO», ajoute les mêmes sources. Du coup, il devient clair que le problème du sport national n'est pas un problème de moyens financiers, comme se plaisaient à le répéter certains après chaque échec, mais plutôt de stratégie et de mise en œuvre. Au-delà de l'aspect purement sportif, ces jeux resteront historiques pour le Maroc en raison surtout des scandales sur le dopage qui y ont éclaté. Jamais en effet le Maroc n'a été au cœur d'une polémique autour du dopage comme il l'a été à Londres. Trois grands favoris au podium de leur discipline, à savoir, Meriem Alaoui Selsouli, Amine Laâlou et Abderrahim Goumri ont été pour rappel testés positifs. Ils n'ont donc logiquement pas pu prendre part aux disciplines sur lesquelles ils étaient inscrits, réduisant ainsi les espoirs de consécration du sport national à Londres. À qui incombe la responsabilité ? Comment a-t-on pu en arriver là ?
Si pour Goumri, c'est dans le cadre du programme de la fédération internationale d'athlétisme «Passeport biologique» que l'athlète a été suspendu, pour Selsouli et Laâlou, il s'agit de la détection, non pas d'un produit dopant, mais plutôt d'un diurétique, plus précisément le furosémide. Les diurétiques qui permettent de perdre rapidement du poids par l'urine sont également des masquants. Ils permettent de diminuer la concentration des produits dopants détectés dans les urines. C'est la raison de leur interdiction. Ces deux athlètes cherchaient-ils réellement à masquer des produits dopants, ou s'agit-il d'une simple erreur qui leur aura coûté cher ? À ces questions, il sera difficile de trouver des réponses, puisque les deux athlètes ont déjà été déclarés coupables par l'opinion publique. Outre la suspension des athlètes, c'est surtout l'ampleur qu'aura pris cette affaire qui laisse aujourd'hui perplexe. Au lendemain de l'annonce de ces cas de dopage, certains sont même allés jusqu'à déclarer que des membres de la fédération seraient impliqués dans ces affaires. Said Aouita aurait même confié une déclaration du genre à un quotidien de la place. Interrogé sur ce point, il se contente cette fois-ci de répondre «No comment», comme si celui qui avait promis de divulguer des informations compromettantes le 12 août avait finalement décidé de faire marche arrière. D'ailleurs, au jour J, Aouita est resté moutus et bouche cousue. Cependant, il n'a pas été le seul à renvoyer à l'implication de la fédération dans cette histoire, puisqu'un athlète en activité aurait fait les mêmes déclarations à une agence de presse allemande, avant de se rétracter quelques jours plus tard. C'est dire tout le remue-ménage qui a entouré cette affaire, une affaire qui s'est finalement avérée lourde en conséquences, car si les yeux des Marocains sont restés braqués sur l'hécatombe de l'atléthisme national aux JO, ce n'est pas pour autant que le reste des disciplines s'en sont bien tirées. Au contraire. Mise à part la trop chère médaille de bronze d'Iguider, ce sont tous les autres sportifs nationaux (natation, football, boxe...) et toutes les fédérations participantes qui sont revenus bredouilles de Londres. De quoi relancer vivement le débat sur la mise à niveau du sport national et la mise en œuvre de véritables stratégies pour rendre au sport national ses lettres de noblesse. Une lourde tâche qui attend le ministre de tutelle à peine sur la ligne de départ.
Lire aussi:Le dopage , une vieille histoire
L'exception Iguider
Les Marocains s'attendaient certainement à beaucoup plus du 1.500 mètres, une discipline qui a longtemps hissé très haut le drapeau du Maroc, mais Abdelaati Iguider aura pu finalement gagner les cœurs. Un petit tour sur les réseaux sociaux et on s'aperçoit rapidement que le natif d'Errachidia se dégage du lot. C'est surtout les conditions dans lesquelles il a couru qui ont donné à sa médaille de bronze une valeur en or. La finale du 1.500 m s'est en effet déroulée
à un moment où quasiment tous les espoirs de médailles pour le Maroc s'effondraient et la polémique autour du dopage avait atteint son apothéose.En dépit decetteforte pression, Iguider a tenu tête aux grands favoris du 1.500 m et aurait même pu créer la surprise sur le 5.000 m si ses jambes et son moral n'avaient pasfléchi à quelques dizaines de mètres de l'arrivée.
Abdeslam Ahizoune, président de la FRMA
Il ne faut pas lier la participation de l'athlétisme marocain aux JO au seul fait des cas de dopage. Il y a lieu d'observer le nombre d'athlètes qualifiés et la diversité des disciplines. C'est un travail de longue haleine couronné par la médaille d'Iguider, la seule d'ailleurs de tous les sports représentant le Maroc à Londres. La FRMA a fait d'énormes efforts pour lutter contre ce fléau, qui a toujours existé de par le monde. Je regrette ces deux cas de dopage, même si au Maroc les médias ont surdimensionné l'incident, ce qui a eu un impact négatif sur le moral des autres athlètes de la délégation. Ces cas ne seront ni les premiers ni les derniers. Cependant, il va falloir déterminer les responsabilités et traiter sérieusement les accusations gratuites et sans fondement.


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