Employeurs, gare à vos déclarations à la CNSS. Cette dernière veut en effet mettre un terme à l'impunité qui sévit dans le secteur privé, précisément chez les PME qui ne déclarent pas leurs employés. Depuis le début du semestre en cours, la caisse est en effet passée à une nouvelle étape dans le cadre de sa chasse aux mauvais «déclarants». Désormais, les entreprises qui ne déclarent pas leurs salariés ou même celles qui tardent à le faire risquent de se faire appliquer une astreinte de 50 DH par salarié et par mois. «Il faut savoir que les droits des salariés aux prestations servies par la CNSS sont intimement liés aux déclarations faites par leurs employeurs», explique-t-on auprès de la caisse. Or, quand ces déclarations ne sont pas faites ou sont mal faites, quoi de plus logique que d'en sentir l'impact sur les dites prestations. C'est ce à quoi tente aujourd'hui de remédier la CNSS. «Afin que la liquidation de ces prestations soit effectuée en continu et dans les meilleurs délais, la CNSS appliquera désormais les astreintes en cas de déclaration tardive ou d'insuffisance de déclaration», ajoute-t-on auprès de la caisse. Comment cela va donc se traduire sur le terrain ? Selon les responsables de la CNSS, l'astreinte sera calculée en fonction de la dernière déclaration faite par l'employeur. Tout mois de retard, ou fraction de mois de retard, donnera ainsi lieu à l'application de la pénalité. Il faut également souligner que cette mesure n'est pas née du jour au lendemain puisqu'elle est déjà prévue dans le cadre de la loi régissant la sécurité sociale au Maroc depuis 2004. Toutefois, jusque-là elle était laissée de côté. Ce ne sera désormais plus le cas et la CNSS compte sévir contre les employeurs qui ne respectent pas leurs engagements. Que dit la loi ? En effet, dans les textes régissant le régime de sécurité sociale, notamment la loi 17-02 dans sa version modifiée de 2004, il est clairement prescrit que l'employeur est tenu d'adresser à la CNSS, aux conditions et dans les délais fixés par le règlement intérieur de la caisse, une déclaration de salaires pour chacun des salariés occupés dans l'entreprise. Dans la pratique, les déclarations de salaires doivent être envoyées à la CNSS au plus tard avant le 10 du mois qui suit. Selon la réglementation en vigueur, une astreinte de 50 DH est applicable, dans la limite de 5.000 DH, dès lors qu'il y a insuffisance dans la déclaration des rémunérations ou omission de salariés. Il en est de même pour le défaut de production aux échéances prescrites du document. Une astreinte de 50 DH peut alors être appliquée pour chaque salarié figurant sur la dernière déclaration produite par l'employeur sans que le total des astreintes puisse excéder 5.000 DH. Si le retard dépasse un mois, l'astreinte est automatiquement appliquée pour chaque mois ou fraction de mois de retard supplémentaire. Qu'en est-il si l'employeur n'a jamais produit de déclaration auparavant ? Le texte de loi n'a pas omis cette question et prévoit que l'astreinte soit encourue pour chaque salarié dont le contrôle a révélé l'emploi dans l'entreprise sans que le total des astreintes puisse excéder 5.000 DH par échéance. En d'autres termes, l'application de la pénalité est dans ce cas conditionnée par les contrôles faits par les agents de la CNSS. Ces astreintes doivent être acquittées dans les quinze jours de leur signification par lettre recommandée et sont recouvrées comme en matière de cotisations. 1,2 million de salariés non déclarés En mettant en application ce texte, la CNSS met donc un coup de pied dans la fourmilière. Désormais, rien n'échappera aux contrôleurs de la caisse. Il faut dire que ce resserrement, bien qu'il puisse être perçu d'un mauvais œil par les employeurs, ou du moins d'une partie, tombe à point nommé et pourrait s'avérer bénéfique pour ceux qui ont l'habitude de bien faire leurs déclarations. En effet, selon les dernières données disponibles auprès de la caisse, ce sont aujourd'hui au Maroc plus de 1,2 million de salariés qui ne sont pas déclarés à la CNSS en raison notamment «d'un manque de sanctions répressives à l'encontre des contrevenants», fait-on savoir au sein même de la CNSS. Ceci aura eu pour effet, malgré les efforts de sensibilisation déployés, de maintenir la couverture sociale à un niveau insuffisant. Au final, ce sont les salariés qui en paient le prix vu que, selon les mêmes données de la caisse, plus de 75% des assurés ayant atteint l'âge de 60 ans ne peuvent pas jouir de leur retraite, car n'ayant pas atteint le seuil minimal du nombre de jours requis en grande partie à cause des non-déclarations faites à un moment ou un autre de leur parcours professionnel. Au-delà de cet aspect, c'est d'un point de vue purement financier que la nécessité d'appliquer l'astreinte pour convaincre les «mauvais élèves» devient importante. En récupérant le manque à gagner induit par les non déclarations, la CNSS pourra en toute logique disposer de moyens lui permettant de relever la qualité des prestations servies aux salariés des entreprises. De plus, et à l'instar de la quasi-majorité des régimes en place au Maroc, la pérennité de la CNSS n'est pas totalement assurée. La caisse affiche en effet aujourd'hui un horizon de viabilité, certes plus étendu que les autres régimes de base, mais bientôt encombré puisque le premier déficit devrait intervenir en 2026, ce qui lui laisse 16 ans à peine de marge de manœuvre. Une augmentation du nombre de déclarants devrait donc lui permettre d'allonger cet horizon de quelques années supplémentaires. Par ailleurs, force est de souligner que ces dernières années, la CNSS a fait preuve d'une volonté de faciliter au mieux les procédures de déclaration. En plus de mettre sur son site internet un tutoriel permettant aux PME d'élaborer leurs déclarations avec exactitude, la caisse a également pris la vague de la généralisation des services en ligne et ceci, en donnant la possibilité à ces entreprises de faire directement leur déclaration sur la toile sans pour autant avoir à subir les désagréments des déplacements ou encore des envois de courriels. Les PME sont donc aujourd'hui plus que jamais appelées à utiliser ces nouveaux moyens de facilitation des déclarations de salariés. Omar Souabni, Directeur des études et de la communication de la CNSS. La dissuasion par la sanction Les Echos quotidien : En quoi consiste l'astreinte que compte désormais appliquer la CNSS ? Omar Souabni : Le principe est simple. Nous appliquons une astreinte de 50 DH par salarié en cas de déclaration tardive des salariés par l'entreprise. Un bordereau qui arrive par exemple au-delà du 10 du mois suivant enclenche cette astreinte. C'est également le cas en cas de constatation d'insuffisances, qu'elles soient au niveau du nombre des salariés déclarés ou en encore des salaires. Comment expliquer que même si elle figure dans la loi depuis plusieurs années, cette pénalité n'a jamais été appliquée ? Cette astreinte était effectivement prévue depuis plusieurs années au niveau de la loi. Cependant, les conditions pour la mettre en œuvre n'étaient pas réunies. C'est notamment une question de traçabilité. Aujourd'hui avec les systèmes et procédures mis en place par la CNSS, à l'image de la télé-déclaration utilisée d'ailleurs par près de 40% des entreprises affiliées, nous pouvons savoir à quel moment exactement un bordereau a été transmis. À combien sont estimés les salariés non déclarés aujourd'hui ? Nous estimons le nombre de salariés non déclarés à 1,15 million de personnes. Nous obtenons ce chiffre en confrontant les statistiques du HCP sur la population active et les données dont nous disposons sur les salariés déclarés, en tenant compte des populations au chômage. Ce nombre aurait été encore plus important si des efforts n'avaient pas été fournis ces dernières années par la CNSS, notamment au niveau des prestations, de leur qualité et des délais de leur exécution. Malheureusement, il y a aujourd'hui une insuffisance en matière de sanctions dissuasives. La loi ne prévoit pas d'arsenal qui permettrait d'inciter davantage les entreprises à se conformer aux obligations de déclarations. C'est d'ailleurs l'une des propositions qui ont récemment été faites au Conseil d'administration de la CNSS et qui devrait constituer l'un des principaux axes sur lesquels la CNSS va travailler à l'avenir.