Compte tenu de sa vulnérabilité face aux changements climatiques et aux crises sanitaires, le tourisme doit progresser vers un modèle plus durable au Maroc. C'est la recommandation formulée par Hassan Aboutayeb, Consultant en tourisme et développement durable et fondateur de l'Ecolodge Atlas Kasbah. Plusieurs destinations dont le Maroc s'apprêtent à reprendre leur activité touristique. À votre avis, quelles sont les leçons à tirer de cette crise ? Le tourisme était d'ores et déjà fragilisé comme l'a montré la faillite du plus ancien tour-opérateur au monde, Thomas Cook, en septembre dernier. Le temps est donc d'autant plus à l'introspection et aux changements de modèles touristiques. L'ère du post-Covid va davantage modifier la demande touristique. Dans cette perspective, l'Organisation mondiale du tourisme a rappelé à l'occasion de la journée mondiale de l'environnement, le 5 juin 2020, que la durabilité ne doit plus être un créneau du tourisme mais doit être la nouvelle norme pour chaque partie de notre secteur. Actuellement, plusieurs grandes villes touristiques mondiales telles que Venise, Amsterdam, Rome, Barcelone...ont déjà manifesté leur volonté d'instaurer de nouvelles normes pour encourager le tourisme durable et atténuer les effets négatifs de l'overtourisme. L'un des objectifs est de créer des «territoires de santé» en accompagnant les professionnels afin de garantir la sécurité sanitaire et environnementale de tous, en l'occurrence les collaborateurs, les touristes et les citoyens. En France, les pouvoirs publics annoncent que le tourisme de demain doit être plus durable, participatif et digital. Pour cela, ils vont intégrer des critères environnementaux dans l'obtention des soutiens financiers aux entreprises touristiques et hôtelières. Qu'en est-il du Maroc ? Au Maroc, un consensus se dessine pour la période post-Covid-19, essentiellement autour de l'économie circulaire et du développement durable. Je pense que le moment est donc venu de faire le choix de la durabilité au sens large du terme afin de relancer le secteur touristique et atténuer l'impact économique de la pandémie. À nous, acteurs du tourisme au Maroc, de faire preuve, comme par le passé, de solides compétences en matière de créativité, d'innovation et de résilience afin de construire un tourisme durable qui anticipera les tendances de la demande touristique de demain. Parmi ces tendances, le fait de voyager plus longuement et avec moins de fréquence et une digitalisation croissante en amont, pendant et après le séjour. Le Maroc possède tous les atouts des meilleures destinations de ce tourisme de bien-être. Dans ce sens, les destinations les plus plébiscitées pourraient être les zones à moindre concentration de population, notamment le milieu rural. Quant aux buts du voyage, les visiteurs devraient privilégier les paysages, la pratique d'activités récréatives et les rencontres avec des locaux à une distance sociale confortable. En outre, le tourisme de bien-être devrait se développer afin de répondre à une recherche de confort émotionnel plutôt que purement matériel. Le débat sur le marché national refait toujours surface comme une soupape en cas de crise. Est-ce le cas durant cette période de post-Covid ? Le tourisme intérieur doit être mis en avant et restructuré. Certes, il ne compensera pas la baisse des flux touristiques internationaux mais il permettra de soutenir l'économie et pourrait ainsi assurer les emplois du secteur. Pour coordonner cette restructuration ainsi que des actions de relance intégrées pour les marchés internationaux, des mécanismes de gouvernance spécifique doivent être créés au niveau régional. Ces organes de gestion de crise doivent proposer des feuilles de route et des stratégies communautaires adaptées au contexte local tout en renforçant l'expérience digitale du territoire. À moyen-terme, ces mécanismes pourront aussi anticiper les enjeux qui nous attendent en particulier le réchauffement climatique. Certes, il a des impacts moins brutaux et immédiats que le Covid-19, néanmoins, il est bien plus menaçant : sécheresses, inondations, déstabilisation généralisée des systèmes alimentaires et économiques, création de nouvelles pandémies. Par exemple, les études prospectives ont démontré qu'au rythme actuel, plusieurs plages du royaume vont disparaître d'ici 25 à 30 ans, notamment Agadir, Essaouira, Rabat, Tanger et Saïdia. Notre secteur doit donc participer à limiter davantage les émissions de gaz à effet de serre et les impacts du climat et mettre en place, dès à présent, des stratégies d'adaptation et d'anticipation des tendances touristiques durables. Le Maroc jouit d'une image de marque très positive en tant que modèle international dans la gestion de la crise du Covid. De ce fait, il faut capitaliser sur cette réalité afin de relever le défi pour que notre pays devienne également un modèle de tourisme post-covid à la fois résilient et durable après la reprise.