Réunis la semaine dernière, pour une conférence-débat sur le thème «Lutte contre la pêche illicite : moyens et pistes de renforcement», le Collectif pêche et développement durable a réussi, malgré la tension qui a régné lors des débats, à tracer une liste de recommandations communes. Et pour cause, les nombreux professionnels du métier ont profité de cette occasion «rare» pour interpeller les représentants du ministère de tutelle sur les nombreux dysfonctionnements qui caractérisent le secteur, notamment dans le sud du territoire. Des dysfonctionnements et des malversations qui menacent la préservation des ressources halieutiques nationales. Le secteur de la pêche est à ce point entaché par des dysfonctionnements que ses acteurs, qu'il s'agisse de la pêche hauturière, côtière ou artisanale, en sont arrivés à demander aux autorités de tutelle d'«annoncer, pour des besoins de visibilité et de contraintes de marché, la durée du repos biologique arrêtée à trois mois». «Etendu à l'ensemble du territoire», l'arrêt biologique ne semble pas décourager les téméraires du métier pour enfreindre l'interdiction de pêcher pendant ces périodes de reproduction nécessaire. «Pour 60 ou 70 kg, j'ai connu des petits pêcheurs qui se sont fait incarcérer des jours durant avant de passer en jugement. Récemment, un pêcheur s'est fait arrêter avec 400 kg pendant l'arrêt et il est resté libre», relate un pêcheur du sud du Maroc. Pour l'ensemble des acteurs présents, pêcheurs, membres de fédérations, voire même conseillers parlementaires, la pêche illicite pendant les arrêts biologiques continue à avoir cours parce que, comme le résume Kamal Sabri, président de la Chambre des pêches maritimes de l'Atlantique Nord, «les sanctions ne sont pas à la hauteur des malversations». Il faut parer au plus urgent... «Pour une capture évaluée à 1 MDH, l'amende n'est que de 10.000 DH, vous pensez que c'est dissuasif ? Il faut une amende correspondante de 2 MDH! Cela en fera réfléchir plus d'un», explique-t-il. Il n'est pas sûr alors qu'une simple annonce de la durée soit efficace pour repousser les contrevenants, ni la recommandation d'ailleurs de «préciser que l'activité de la pêche reprendra le 15 novembre, pour une durée de 9 mois». Il faut parer au plus urgent, et cela commence par exemple par la «suppression des systèmes de collecte et de déclaration de capture sur l'honneur». Une pratique, semble-t-il, très répandue au port de Casablanca. «Beaucoup déclarent sur l'honneur avoir pêché 400 kg, ce qui est énorme pour un seul pêcheur, et se contentent de montrer l'engin qui est supposé les contenir», explique Sabri. Le poulpe, un cas à part Cette pratique revêt un caractère nettement plus sérieux quand on sait que ces autorisations obtenues sur l'honneur «sont renvoyées par la suite dans les régions du sud contre dédommagement», continue Sabri. C'est tout particulièrement le cas pour la pêche au poulpe. Devant la diminution des réserves le long du littoral du sud, les «rentiers» du secteur rivalisent d'ingéniosité pour sauvegarder leurs marges. Une des pratiques les plus en vue ces dernières années est celle qui consiste à «charger un camion sans contrôle, en déclarant une autre sorte de poisson que le poulpe», explique, Moulay Hassan Talbi, professionnel et le plus ardent des défenseurs du secteur dans la région de Dakhla. De fait, le collectif recommande «d'arrêter l'état des stocks de poulpe détenus par les entrepôts frigorifiques au début du repos biologique, et à la veille de la réouverture de la pêche» et de déclarer, en parallèle, «l'état des ventes de poulpe réalisées par les flottes côtières et artisanales au niveau des halles», et, pour les pêches hauturières, d'«activer le fonctionnement du VMS (Système de géolocalisation en mer), fixer sa date de mise en application et son mode opératoire dans les plus brefs délais».