Cela fait une semaine que la ville d'Assilah vibre au rythme de son célèbre moussem culturel international. Plutôt calme, cette petite ville s'est transformée en un espace de réflexions savantes, de débats de sages, de créations artistiques plurielles et de théâtre à ciel ouvert. D'ailleurs cela fait 34 ans, que ce moussem tente à travers des tables rondes et des rencontres animées par des intellectuels d'ici et d'ailleurs, d'élucider l'écheveau des différentes questions qui touchent non seulement le monde arabe mais aussi l'humanité. Cette année encore, des intervenants de gros calibre animent les journées de ce moussem et ce jusqu'au 15 juillet. C'est ainsi que l'on a discuté dès les premiers jours de cette manifestation de la thématique : «les eaux effervescentes de la Méditerranée : crise au Nord et soulèvement au Sud». D'ailleurs, un aréopage d'acteurs politiques, experts, chercheurs et représentants des médias des pays des deux rives de la Mare Nostrum, s'est réuni dans le cadre de la 27e session de l'Université d'été Al Moatamid Ibn Abbad, pour débattre de cette question. Ces mêmes intellectuels se sont penchés par la suite, sur «les changements qui animent la région et les évolutions possibles, à la lumière des nouvelles législations politiques et économiques adoptées par les pays des deux rives». Lors de cette 34e édition dédiée au «Maghreb pluriel», on a discuté et on débattra des «prémisses d'un socle théorique nécessaire à cette transition au Maghreb», où les changements actuels inversent formellement les termes traditionnels de l'art, pour leur substituer un langage nouveau mixé entre compréhension d'une actualité partagée par tous et quête des particularismes, de «la femme et de la démocratie dans le monde arabe», ou encore du «rôle des élites dans les perspectives de l'édification de l'Union du Maghreb». De la calligraphie pour comprendre le monde Détrompez-vous ! Le moussem d'Assilah n'est pas seulement cet air de sérieux. Aux côtés des colloques et des tables rondes, des expositions, des pièces de théâtres... sont aussi au programme. En effet, nombreux sont les artistes peintres qui participent régulièrement à cet événement. C'est le cas du calligraphe syrien Khalid Saai. Auteur d'une fresque murale saisissante (l'arche de Noé qui se bat contre vents et marées), l'artiste marque en force sa présence à Assilah. Par sa vision singulière, ses outils propres, l'artiste, qui vit entre Damas et Dubaï, exprime une réalité arabe, une tragédie syrienne ouverte sur l'inconnu. Les éléments du tableau chez Khalid ne sont ni des visages, ni des images, mais plutôt des lettres iconiques flexibles, légères, qui repoussent les limites de sa fonction première, qui consiste à créer du sens, pour entraîner l'explosion d'une matière artistiques visuelle. La calligraphie est conçue par l'artiste syrien, en tant qu'un passage du niveau de l'art calligraphique avec son caractère mosaïque descriptif, à l'art plastique abstrait qui plane dans des univers artistiques visuels. Un choix qui implique pour le calligraphe de laisser les lettres emprunter des chemins de mouvement, de flexibilité illimitée, pour qu'elles puissent tisser des liens nouveaux non-linguistiques et épouser les éléments de couleur et d'espace. «C'est notre champs de jeu que nous présentons au monde, notre riche mémoire civilisationnelle», tient-il à souligner. À 42 ans, Khalid Saai a réussi à s'imposer comme l'un des artistes calligraphes les plus en vogue en ce moment. Installé entre Damas et Dubaï, il a déjà raflé bon nombre de prix à travers le monde. Il faut dire que la calligraphie attire de plus en plus l'attention des instituts étrangers. Il s'agit, entre autres, du British Museum et d'autres instituts allemands. «C'est une reconnaissance internationale à cette forme de création, qui ne cesse de prendre de l'ampleur, jour après jour», affirme Khalid. C'est ainsi que se développe une conscience accrue quant à la valeur culturelle de cet art, de nature à enrichir une certaine identité au sein même du socle culturel arabe. Fatima-Ezzahra Saâdane avec map