Le ministère de l'Agriculture avait-il besoin de lancer une nouvelle étude pour réorienter sa stratégie de restructuration de la filière céréalière trois ans tout juste après la mise en œuvre du contrat-programme avec les opérateurs du secteur ( www.lesechos.ma) ? La question mérite vraiment d'être posée si l'on tient compte de l'accueil réservé à l'appel d'offres pour la sélection d'un cabinet, que vient de lancer le département d'Aziz Akhannouch, mais aussi des pistes de réflexion disponibles comme celle présentée dernièrement à Rabat lors d'une conférence organisée par l'institut CDG en collaboration avec l'Association marocaine des anciens de Sciences Po (AMASP). Ce qui est sûr, c'est que les principaux axes présentés lors de la rencontre sur la sécurité alimentaire au Maroc peuvent servir de piste plausible dans le cadre de la nouvelle approche du ministère. C'est en tout cas le point de vue de Mohamed Jlibene, ancien directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) où il s'est notamment chargé de la responsabilité de la sélection variétale du blé tendre. Pour ce dernier, la sécurité alimentaire du Maroc est possible à condition de savoir utiliser les leviers qu'offrent la recherche agronomique sur les céréales, ainsi que les moyens technologiques en matière d'agriculture. Un point de vue qui s'appuie sur les chiffres qui ont été présentés à la lumière des expériences menées et en tenant compte du contexte actuel ainsi que des défis de l'heure de l'agriculture marocaine, principalement la filière agricole. Il faut dire que la demande nationale en céréales s'élève, actuellement à 121.211 Mqx et qu'à l'horizon 2020, elle atteindra la barre des 136.30 Mqx. Dans le même temps, la production nationale de céréales qui accuse un déficit de près de 50 Mqx, verra son niveau s'aggraver à 63 Mqx. Un défi énorme pour le Maroc qui doit multiplier ses importations céréalières dans un contexte marqué par une instabilité des prix, assez élevée, sur les principaux marchés internationaux. Partenariat «Le progrès technologique disponible peut potentiellement permettre à la production nationale de satisfaire la demande, pourvu que les technologies soient transférées aux agriculteurs et le plus rapidement possible», a souligné Jlibene. L'expert a ainsi mis en exergue la faiblesse de l'utilisation des outils technologiques au niveau de l'agriculture marocaine, notamment, en matière d'amélioration du rendement. À ce niveau, parmi les principales tares relevées, figurent la faible intégration entre les différents maillons de la filière semencière, l'absence de système de délimitation de la carte variétale, le nombre limité de variétés commercialisées et une demande faible sur la semence d'orge. Par ailleurs, l'expert a soulevé la question du déclin de la sélection variétale publique disponible alors que la «sélection variétale privée est en progression, mais reste dépendante de l'étranger». Des obstacles qui s'ajoutent à la faible disponibilité en intrants, ainsi que de véritables conseils agricoles pour le choix des variétés. Ce dernier point amplifie, d'ailleurs, «la faible sensibilité des responsables agricoles au développement technologique». C'est pourquoi, la nécessité s'impose de multiplier les efforts dans le sens de l'amélioration de l'intégration entre les différents maillons de la filière semencière, l'instauration d'un système de délimitation de carte variétale, afin de cibler les variétés et la promotion de la commercialisation des nouvelles variétés, sur la base des résultats enregistrés par la recherche. Pour Mohamed Jlibene, le développement d'un véritable «partenariat recherche-développement», constitue un préalable à l'accélération d'un transfert de technologie plus efficient qui permettra, à terme, d'insuffler une dynamique certaine au développement de l'agriculture marocaine. L'enjeu à ce niveau est double puisqu'en plus de renforcer la sécurité alimentaire du royaume, il sera question de réduire le déséquilibre commercial du Maroc, surtout au moment où l'accord sur la libéralisation du commerce des produits agricoles, produits agricoles transformés, de poissons et des produits de la pêche, vient d'être adopté par la Chambre des représentants. Selon le ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Youssef Amrani, «il permettra un meilleur accès des produits agricoles marocains au marché européen». Un autre défi pour les professionnels marocains qui devront jouer sur l'atout qualité, afin de faire face à la concurrence rude sur les marchés internationaux.