Difficile d'imaginer le festival Gnaoua et musiques du monde d'Essaouira sans lui, serait-on tenté d'affirmer. Il y participe depuis des années, et à chaque fois, sa prestation sur scène impressionne. «Je suis un habitué du festival... Pourtant, j'ai l'impression que c'est la première fois que je vais monter sur scène», explique le maâlem Hamid El Kasri. Cette année, il s'essaie à une expérience nouvelle. Celle de mélanger les rythmes gnaouis avec ceux du jazz, du blues et du rap. En effet, El Kasri a participé à une résidence artistique organisée dans le cadre de la 15e édition du festival Gnaoua. Résultat : une rencontre avec le talentueux artiste britannique Soweto Kinch. Ce n'est pas tout, les deux artistes seront rejoints sur scène par la chanteuse britannique de jazz, Eska. Le concert prévu ce soir au Borj Bab Marrakech, promet d'être riche en émotions... La raison ? Kinch, célèbre saxophoniste, développe une musique où se mélangent harmonieusement le jazz et le rap. Il rappe comme il souffle dans son saxo, évoquant les belles heures de Blue Notes et traite des thématiques d'actualité, de l'argent, de l'industrie du disque, du racisme, de l'exclusion dans un style mellow et puissant. Hamid, lui est connu pour avoir réussi à concilier les rythmes gnaoua du nord et du sud du royaume. Ce n'est pas la première fois que le maâlem Hamid partage la scène avec des artistes étrangers. En 2004, il avait présenté l'une des fusions les plus marquantes de l'histoire de l'événement avec feu Joe Zawinul, célèbre pianiste autrichien. Trois ans après, il s'est produit aux côtés de Karim Ziad et de Jean-Phillipe Rykiel, dans un concert haut en couleurs. L'année dernière, il a enchanté le public du Borj lors de son concert inédit avec Hamayun Kahn et Shahin Shahinda. L'histoire a commencé à Ksar El Kébir Né à Ksar El Kébir en 1961, Hamid El Kasri a une longue histoire avec la musique gnaouie. Tout a commencé à l'âge de sept ans. À l'époque, le petit Hamid manifeste un intérêt particulier pour cette musique. Une passion qui lui a été transmise par le mari de sa grand-mère, un esclave du Soudan. Il commence alors à apprendre les règles du métier grâce à de grands maîtres, notamment Alouane et Abdelouahed Stitou. «La musique des gnaoua représente tout pour moi. Ce n'est pas une passion, mais plutôt une vie. C'est pourquoi j'ai essayé tout au long de ma carrière de faire des recherches dans ce registre, afin d'avoir une idée claire et précise sur ce genre musical». Commence alors une nouvelle page dans la carrière du jeune artiste. Bien outillé, il se lance dans l'aventure. Il multiplie les rencontres avec des musiciens gnaouas et occidentaux. Son nom commence à se faire connaître dans le milieu... C'est ainsi que l'on commence à l'inviter aux festivals, qu'on lui propose des résidences artistiques... Hamid réussit après de longues années, à se faire une place dans le paysage artistique national. «J'ai travaillé dur pour pouvoir me faire une place dans ce domaine... Toutefois, je tiens à préciser que le festival d'Essaouira a beaucoup aidé les maâlems gnaouis à se faire connaître auprès du grand public». Les expériences se multiplient au Maroc et à l'étranger et l'enfant de Ksra El Kébir, méconnu il y a quelques années, devient l'une des stars de la musique gnaoua au Maroc. «Il n'y pas de secret. Il faut juste persévérer et y croire. On ne peut jamais atteindre un objectif sans mettre en place les moyens nécessaires pour le faire». Il le dit avec un sourire dans la bouche, un amusement dans les yeux. Pourtant, le maâlem Hamid El Kasri a oublié de préciser qu'il doit surtout sa réputation à sa voix profonde et intense. De Chellah à Essaouira Omniprésent, El Kasri qui a croisé son propre savoir avec celui d'autres confréries aux styles différents, vient de se produire au festival Jazz du Chellah qui s'est clôturé dimanche dernier. Fidèle à lui-même, le maâlem Hamid n'était pas seul sur scène. Il était en effet accompagné par le batteur algérien Karim Ziad (il n'est autre que le directeur artistique du festival Gnaoua d'Essaouira) et des Gnaouas de Rabat. Cette rencontre réussie prouve encore une fois qu'El Kasri a su fédérer avec grâce les musiques Gnaoua du nord avec les musiques du sud. Parmi les meilleurs représentants de cette musique Gnaouie, Hamid el Kasri est aujourd'hui un véritable ambassadeur de la musique gnaoua dans le monde entier. D'ailleurs ce n'est pas pour rien, qu'il est un peu partout... Et puis, il évoque un point important, celui de la sauvegarde de l'authenticité de la musique Gnaoua. «Il faut être tout le temps à l'écoute du public et qu'il faut moderniser la musique Gnaoua pour qu'elle puisse atteindre un large public. Toutefois, il ne faut pas que cette musique ancestrale perde son authenticité. C'est notre devoir à tous de préserver cette musique qui fait partie de notre patrimoine».