Un air de déjà vu et beaucoup de discours et de bonnes intentions hier sous la coupole. Ceux qui s'attendaient à du concret et à un agenda clair des chantiers en cours et des dossiers prioritaires du gouvernement devront prendre leur mal en patience. Le chef de gouvernement et les élus ont souligné le fait que ce rendez-vous est historique, mais dès que les questions ont attaqué le vif du sujet, Abdelilah Benkirane a eu du mal à garder son sang froid et la note diplomatique qu'il voulait donner à ses réponses. Il faut dire que le tir groupé de l'opposition était bien synchronisé. «Le chef de gouvernement a perdu sa boussole», lançait hier après-midi Hassan Bouhriz, représentant du RNI sous la Coupole. Manque de visibilité sur le plan législatif, retard du gouvernement a émettre certaines lois organiques, dont celle relative aux prochaines législatives, non-respect des promesses concernant la parité lors de la récente nomination des walis et des gouverneurs, l'opposition n'y est pas allée de main morte avec le chef de l'Exécutif. Le premier grand oral de Benkirane aura, comme prévu, été l'occasion pour les députés de l'opposition de mettre le doigt là où ça fait mal. L'USFP renchérit en critiquant la méthode, mais également le contenu des réformes annoncées par le gouvernement. Pour sa défense, Benkirane rétorque qu'un «nouveau gouvernement ne peut résoudre des problèmes qui perdurent depuis 50 ans, en quatre mois», dans un message où il a tenté de demander du temps, de l'indulgence et un soutien derrière le gouvernement pour l'intérêt national. C'est le RNI qui a ouvert le bal des questions orales, qualifié de moment «démocratique par excellence» par Chafik Rachadi, le président du groupe du parti de Salaheddine Mezouar. Le président du gouvernement a été plus enclin durant cette séance à tempérer les ardeurs de l'opposition. Le plan législatif était à la tête de l'ordre du jour. Benkirane a indiqué qu'un mécanisme de suivi serait mis en place pour mettre en application l'ensemble des amendements qui sont prévus par la Constitution et «qui concernent 140 projets de loi et 140 décrets, qui devront être élaborés durant cette législature», a-t-il expliqué. Le plan législatif accordera la priorité à 8 lois organiques qui concernent respectivement l'amazighité, le Conseil national des langues, la grève, les pétitions, la loi organique du gouvernement, celle des recours pour inconstitutionnalité des lois , la Cour constitutionnelle et enfin celle concernant les régions. Sur ce dernier volet, Benkirane n'a pas écarté la possibilité de tenir les prochaines élections avec les anciennes lois. «Il faudra dissiper les doutes des citoyens concernant la tenue des élections», a plaidé le président du gouvernement. Le calendrier de l'adoption des lois organiques pressantes n'a pas été par contre précisé. Pour les lois ordinaires, le rapprochement avec le droit européen sera poursuivi et «aura la priorité», a tenu à insister Benkirane. Lors du débat, le chef du parti majoritaire au pouvoir a dit «ne pas avoir peur du temps» et qu'il ne veut surtout pas confondre vitesse d'exécution et précipitation. Le gouvernement a nié aussi durant cette séance toutes les accusations relatives à l'absence d'une démarche participative dans l'élaboration des lois attendues. L'opposition retient toujours les conditions dans lesquelles la loi organique sur les entreprises stratégiques a été finalisée et dans laquelle le gouvernement a été peu ouvert aux formations de l'opposition, qui tenteront de se reprendre lors du débat du projet au sein de la commission de la législation, contrôlée par le RNI.