La rupture qui se prépare au patronat ne se fera finalement pas que dans l'approche genre. Le tandem qui devrait se retrouver au soir de mercredi prochain à la tête de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) est bien parti pour marquer son passage. Il est particulièrement attendu pour tracer le territoire d'un patronat fort et citoyen. Les impressions, réactions et doléances suscitées lors de la tournée régionale bouclée en fin de semaine dernière par le tandem Meriem Bensaleh Chaqroun et Salah Eddine Kadmiri, respectivement candidats à la présidence et à la vice-présidence de la CGEM, dans le cadre de la campagne électorale, ont permis de planter le décor du programme et des promesses de la nouvelle patronne des patrons. Au-delà du fait même qu'elle sera la première femme de l'histoire à présider le patronat national, la candidate à la présidence semble d'ores et déjà investie d'une toute autre mission, moins conventionnelle. Une mission qu'elle semble hériter du contexte dans lequel elle prend les rênes de la CGEM. La transition politique que vit le pays et les enjeux socioéconomiques auxquels le gouvernement de Benkirane doit faire face, impose au patronat d'être plus entreprenant et plus ferme sur ses positions, tout en continuant bien sûr à accompagner le gouvernement en tant que partenaire économique et social dans les grands chantiers nationaux. Perception Ce changement est d'autant plus voulu et invoqué - quasi en chœur - par plusieurs représentations régionales, qui ont accueilli les deux candidats, tout au long de la semaine dernière. C'est le cas, notamment, des patrons de la Chaouia Ouardigha et de l'Union régionale du Centre. Le message adressé à Bensalah est clair et insiste sur «la nécessité d'améliorer l'image de marque de l'entrepreneur, notamment auprès des administrations publiques». Pour les opérateurs économiques de la Chaouïa, ce besoin de changement serait d'autant plus ressenti auprès des administrations de la justice et des impôts. Même son de cloche auprès de l'Union régionale du Centre. Réunie à Rabat avec les candidats, les responsables de la structure locale parlent aussi de changement de perception générale auprès des pouvoirs publics. Pour ces derniers, «les chefs d'entreprises jouent un rôle important dans la croissance du pays, et doivent être perçus à leur juste valeur». Les attentes des représentations régionales sont toutefois et évidemment bien loin de se limiter à ce besoin d'autoaffirmation dans leur rôle de créateurs de richesse pour le Royaume. Elles veulent aussi plus d'autonomie et de marge de manœuvre. Promotion du «self» Elles insistent en effet, quasiment toutes, sur l'affirmation de leurs spécificités respectives. Cela correspond, en quelque sorte, à la nécessité de passer à une régionalisation plus avancée des programmes d'action de la CGEM. Un besoin que le futur tandem présidentiel du patronat n'aura certes pas de mal à mettre en œuvre, puisque le contexte constitutionnel le pousse à s'y conformer d'office pour l'exercice de son prochain mandat. Cet aspect sera certainement un des grands axes de la réforme structurelle et interne, que devrait mettre en œuvre la future patronne des patrons, au sein de la CGEM. La question a en tout cas été plus d'une fois soulevée, à Tanger, parmi les attentes de la représentation du patronat dans la région du Nord. Celle-ci demande «davantage de moyens aux bureaux régionaux de la CGEM, pour que chaque région puisse travailler en fonction de ses spécificités et répondre au mieux aux problèmes des régions». Une priorité qui a également trouvé écho auprès des opérateurs économiques des régions d'Agadir et de Laâyoune. Là, l'accent est en effet mis sur «la nécessité de renforcer la collaboration entre le siège du patronat et les unions régionales, pour une meilleure visibilité des réalités de chaque région et pouvoir ainsi planifier des stratégies sectorielles et des actions plus appropriées». Les chefs d'entreprises de la région Souss Massa Drâa ont pour leur part insisté sur l'indépendance de l'Union régionale et l'amélioration de la coordination avec les instances centrales de la confédération patronale. Autant de doléances qui, en grande partie ont trouvé écho auprès du tandem candidat et ont donné lieu même à des engagements fermes. Après avoir réussi à fédérer les voix, derrière sa candidature à la tête de la CGEM, Meriem Bensalah semble avoir également eu les faveurs des patrons dans les régions qui fondent ainsi beaucoup d'espoir sur celle que l'on surnomme «la dame de fer», pour donner un nouveau souffle à la CGEM. Une tournée régionale sans fausse note, qui augure d'un bon présage pour le vote mercredi. Entre temps, les deux candidats consacreront ce début de semaine à des réunions internes avec les fédérations et autres commissions intérieures pour boucler leur campagne électorale. Les sept promesses de la future présidente À quelques jours des élections, il est utile de revenir sur les détails de ce que propose le binôme de candidats à la tête de la CGEM. Bensalah et Kadmiri se donnent pour objectif majeur de «réhabiliter l'acte d'entreprendre». Ce slogan de campagne devrait être décliné, dans la pratique de l'exercice de leur futur mandat, à travers sept axes majeurs qui ont été présentés aux représentations régionales, tout au long de la semaine écoulée. Les priorités de ces axes d'actions portent notamment sur le renforcement de l'industrie marocaine, ainsi que sur le développement de la compétitivité de l'offre Maroc. Dans ce sens, plusieurs problématiques ont d'ailleurs été abordées lors de la tournée régionale des deux candidats, telle la nécessité de «mettre à niveau les zones industrielles», qui pour la plupart ne respectent pas les minima en termes d'offre qualitative et quantitative. Le développement du capital humain et de la formation, est également dans le programme de la future présidente. Cela devrait également s'accompagner d'efforts de facilitation de l'accès aux financements, ainsi qu'aux marchés publics. Ces points rejoignent les besoins exprimés au niveau de la plupart des régions, concernant plus particulièrement les petites et moyennes entreprises. L'amélioration de l'environnement juridique de l'entreprise, sa responsabilité sociale, ainsi que le développement du partenariat public privé, sont aussi présentées comme des priorités pour le mandat Bensalah.