Premier dossier... et déjà une première grosse polémique autour des choix du gouvernement Benkirane. L'affaire des cahiers des charges audiovisuels est en effet le signe que le gouvernement Benkirane aura du mal à faire passer les grands dossiers sur lesquels il est attendu. Mohamed Najib Boulif, ministre délégué des Affaires générales et de la gouvernance, n'a d'ailleurs pas hésité à faire le rapprochement entre ce dossier et celui de la compensation, lors de son intervention à la Chambre des conseillers mardi dernier. «Aujourd'hui, on nous reproche de s'être précipité dans le dossier des cahiers des charges, alors qu'au même moment on nous reproche de tarder dans la réforme de la compensation», a-t-il répondu à l'un des députés de l'opposition. En effet, la compensation devrait être le prochain dossier chaud du gouvernement, à en croire les déclarations de Boulif, qui parle «de projet finalisé et qui sera proposé à l'adoption dans les prochaines semaines». Ne risque-t-il pas de créer autant la polémique au vu de la sensibilité de ce dossier qui touche à des secteurs vitaux ? Même sans ce remue-ménage des cahiers des charges de l'audiovisuel, le dossier de la compensation était déjà promis à des débats houleux au point où cette réforme était clairement devenue une question de courage politique. Si le gouvernement semble, à ce jour, disposer de ce courage à même de lui permettre de réformer la Caisse de compensation, il devient cependant évident qu'il commence à subir des critiques virulentes, quant à sa démarche dans la résolution de pareil chantier. Le dossier de la justice, ou encore celui de la retraite... Tout aussi urgents, s'inscrivent d'ailleurs dans ce même contexte. Faudra-t-il gérer les polémiques qui pourraient naître du projet de réforme à proposer ? Ou bien, faudra-t-il taper du poing sur la table ? Arguant de l'importance de ces réformes. En tout cas, une chose est sûre, c'est que pour faire passer des textes de réformes aussi sensibles, le gouvernement doit d'abord rallier ses rangs. On a vu dans le dossier 2M que les membres PJDistes de l'Exécutif se vouaient une solidarité inébranlable. À aucun moment en effet, les PJDistes du gouvernement n'ont manqué de soutenir leur ministre de la Communication. Cependant, nul n'ignore que pour faire passer les textes, le PJD à lui seul n'a pas la majorité absolue au Parlement. Du coup, il devient indispensable de rallier les parties de la majorité à la cause commune. Et c'est principalement à ce niveau que Benkirane sera attendu. Car voir les parties de l'opposition fustiger El Khalfi pour ses cahiers des charges, c'est normal, mais que ce soient les parties de la majorité elles-mêmes qui critiquent la démarche adoptée, cela devient problématique. Tant que les tensions persisteront entre les parties formant le gouvernement, il sera difficile de faire passer des réformes dans un climat serein et les cahiers des charges de l'audio-visuel n'en sont que la parfaite illustration. Que faire dans ce cas ? Faut-il privilégier une démarche de concertation, afin que les réformes décidées soit «digérées» plus facilement et peu importe si cela prend du temps pour mettre tout le monde d'accord ? Ou bien, faut-il se passer des longues tractations et finaliser les réformes dans les délais les plus brefs, quitte à ce que cela ne déplaise à certains partis de la majorité ? Ni l'une ni l'autre des options n'est évidente. De quoi compliquer davantage la mission du PJD en tant que parti majoritaire du gouvernement. Séance de rattrapage Alors que le gouvernement doit apporter des modifications aux cahiers des charges, les députés ne comptent pas laisser traîner le dossier. Le ministre de la Communication devra en effet s'expliquer, dès vendredi, devant la commission de l'enseignement, de la culture et de la communication à la Chambre des représentants. La programmation de cette réunion intervient suite à la demande formulée, par sept groupes parlementaires. Le ministre de tutelle avait exprimé sa disposition à un dialogue approfondi sur les cahiers des charges et la réforme de l'audiovisuel au sein de la commission. En sus de Mustafa El Khalfi, cette rencontre avec les parlementaires devrait se dérouler devant des représentants de la Haca, ainsi que des professionnels du pôle public des médias. Si le ministre a clamé haut et fort ces derniers jours que les cahiers des charges ont été établis selon une démarche de concertation, contrairement à ce que prétendaient les responsables des chaînes publiques, la commission parlementaire aura cette fois-ci l'occasion de veiller elle-même sur le degré d'implication des principaux concernés, dans les modifications à apporter aux textes tel qu'il a été conçu dans sa première version. Ce serait également l'occasion pour El khalfi de collecter des propositions d'amendements éventuels pour la version «bis» de ses cahiers des charges.