Au moment où les yeux sont rivés sur la polémique autour des cahiers des charges du pôle audiovisuel public, un autre mégaévénement passe presqu'inaperçu au Parlement. Il y a quelques jours, la commission des Finances a annoncé une tournée dans les institutions publiques qualifiées de stratégiques pour examiner leur mode de gestion, à la lumière des révélations du dernier rapport de la Cour des comptes. Le grand invité de cette tournée n'est autre qu'Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank al-Maghrib (BAM) et grand témoin du développement économique et financier de notre pays. La gouvernance des établissements publics et la gestion des deniers publics sont en effet le cheval de bataille du programme du gouvernement Benkirane, ce qui impose un arrêt sur image sur cette initiative de la commission présidée par Noureddine Khayroune (PJD). La symbolique est forte, d'autant plus que l'annonce a été faite juste après les 100 jours du gouvernement, et que les signaux se multiplient de la part des ministres pour montrer, dans quelle mesure, le gouvernement peut apporter du concret au débat national autour de la bonne gouvernance. D'ores et déjà, c'est essentiellement la gestion financière et le mode de gouvernance qui seront sous la loupe de ladite commission, laquelle a décidé d'axer ses efforts, durant la session de printemps, sur une liste de 12 établissements publics. Il est à noter, à ce titre, que les dates d'audition ont été arrêtées pour six d'entre eux (Caisse de dépôt et de gestion, Conseil économique et social, ministère de l'Economie et des finances, Office chérifien des phosphates, Conseil de la communauté marocaine à l'étranger et Société centrale de réassurance), alors que celles des autres établissements listés (BAM, Casablanca Finance City, ONE-ONEP, ONCF, Royal Air Maroc et Offices régionaux de l'investissement agricole) ne sont pas encore fixées. Dans la foulée, ce sont six EP (entreprises publiques), dont la CDG, l'ONCF, la SCR et la RAM qui verront leurs modes de gestion scrutés. Hormis cette dernière entreprise publique actuellement en restructuration pour garantir sa pérennité, les trois autres institutions s'en sortent plutôt bien. En témoigne la qualité de leurs réalisations financières à fin 2011. En effet, la CDG, dont les investissements se sont hissés à plus de 10 MMDH l'année dernière, est parvenue, en dépit d'un environnement boursier défavorable, à maintenir la croissance de ses principaux agrégats en faisant état d'un résultat net retraité de la plus-value de la cession de Méditel de 2010, en progression de 20% sur une année. Sa filiale, la SCR a réussi, également, à dégager une capacité bénéficiaire en forte appréciation (+14,2% à 391,6 MDH) portée essentiellement par la réassurance, notamment sur la vie.Toutefois, la suppression définitive de la cession légale prévue en 2013 devrait vraisemblablement pénaliser l'évolution du chiffre d'affaires du réassureur national. Quant à l'ONCF, il a affiché un bénéfice net de 70,9 MDH en 2011 contre une perte de -214,8 MDH une année auparavant. Sa capacité bénéficiaire reste grevée par des charges financières élevées, découlant d'un vaste programme d'investissement. Rien que pour 2012, une enveloppe de 7,6 MMDH a été allouée à la rénovation des gares et des trains passagers afin de palier à la baisse attendue du trafic frêt, suite au choix de l'OCP de se tourner vers la solution pipeline. S'agissant du producteur de phosphate national, qui fera l'objet, le 22 mai prochain de la visite de la commission des Finances pour l'examen de l'exécution de son programme d'investissement (une enveloppe de plus de 100 MMDH est à engager sur la période 2010-2020), il a enregistré des agrégats financiers en nette amélioration. Profitant de l'envolée du cours de phosphate sur le marché international, il a consolidé revenu, bondissant de 29,6% à 56,4 MMDH pour un résultat net part du groupe établi à 16,3 MMDH (+84,5%). Pour dire que, dans un premier temps, ce sont les EP stratégiques qui ont été ciblées par la commission, qu'elles soient bénéficiaires ou qu'elles représentent le risque de grever encore plus les dépenses publiques. En somme, le calendrier de la commission des Finances s'annonce être bien chargé pour les prochains mois. Certes, il s'agit là d'un tournant dans la vie de cette instance, qui, par la force des choses, pourrait devenir redoutable. Mais avec quelle force de frappe ? Aurait-elle des compétences à la hauteur de ses ambitions, lesquelles sont en phase avec le programme gouvernemental 2012 prévoyant l'amélioration de la gouvernance des EP, la généralisation de la contractualisation des rapports Etat-EP ainsi que la réforme du dispositif de contrôle des EP ? Bref, si les enjeux sont de taille, tout est dans la manière de les appréhender. Des techniciens pour CFC Une commission technique sera constituée au sein de la commission des Finances pour accomplir sa mission au siège du Moroccan Financial Board, la société gestionnaire de Casablanca Finance City (CFC), qui figure aussi sur la liste des entreprises publiques concernées par le contrôle. Un choix qui répond aux orientations de la politique gouvernementale en la matière et qui donnent la part belle aux projets structurants, contribuant à renforcer la compétitivité du Maroc. Le rendez-vous avec le management de cette institution n'est pas encore arrêté. L'objet de la visite, est, quant à lui, défini. Il devra porter sur la préparation de la législation régissant ce pôle aux ramifications internationales. Un chantier qui est déjà sur la bonne voix.