Les investisseurs marocains coincés sur Ennakl. Attijari Tunisie aurait subi des dégâts dans trois de ses agences dans la capitale tunisienne. Le doute subsiste sur l'évolution de l'économie locale et son impact sur les réalisations des sociétés marocaines implantées dans le pays À quel degré le Maroc peut-il être impacté par les événements de Tunis ? L'ouverture de plus en plus appuyée de l'économie marocaine sur l'internationale pose cette question avec d'autant plus de pertinence. Des cas les plus concrets, car les plus connus, trois «entreprises» illustrent cette situation. Ennakl, les porteurs ont peur D'abord, la star de la Bourse venue tout droit de Tunis, il y a quelques mois. Elle a fait tourner la tête des investisseurs qui ont, tout de suite, fait montre d'un engouement marqué dès son introduction. Vrai cas d'école, car la première entreprise étrangère à être aussi cotée sur la place casablancaise, Ennakl s'avère aujourd'hui donner froid dans le dos de ses actionnaires marocains. Au-delà d'avoir à subir les pertes sèches d'un cataclysme boursier à Tunis, sa vraie caractéristique -qui est son problème aussi- est liée à la composition de son tour de table. En effet, Il est bien connu que l'entreprise a pour principal actionnaire et PDG, Mohamed Sakher El Materi qui n'est autre que le gendre du Président tunisien déchu, Zine El Abidine Ben Ali. Dans la foulée des dénigrements qui touchent les affaires des proches de Ben Ali, Ennakl se trouve donc par la force des choses, mêlée au lot. Lundi à Tunis, l'autorité du marché n'a pas hésité à suspendre toute la séance «dans le but de protéger l'épargne investie». À Casablanca, le titre a été bel et bien coté à l'ouverture. Conséquence : Ennakl affichait une chute de cours dépassant 30%, ce qui a conduit à sa réservation à la baisse sans qu'aucune transaction ne se concrétise. «Ce mouvement vendeur a été enclenché, principalement, suite aux recommandations de certaines sociétés de Bourse qui conseillaient dans la matinée de se débarrasser du titre à n'importe quel prix», nous confie-t-on au sein du marché. Lors de cette séance, près de 20% des titres d'Ennakl en circulation à la Bourse de Casablanca faisaient l'objet d'ordres de vente, dont la majorité au prix du marché. Le gendarme de la Bourse ne s'est manifesté qu'à la mi-séance, avec la suspension de la valeur. Fort de sa stratégie d'expansion à l'international, le groupe bancaire Attijariwafa bank a placé de grandes ambitions sur ses filiales à l'étranger, dont Attijari Tunisie, l'une des plus rentables du groupe. Depuis le début des émeutes, des sources locales parlaient de trois agences de la filiale locale d'Attijariwafa bank, qui auraient subi des actes de vandalisme. La gravité de ces actes devrait imposer des coûts importants au groupe, soulignent nos sources, dès que la situation sera rétablie. En attendant, il s'avère que c'est dans la capitale Tunis que ces pertes ont été enregistrées, alors que dans d'autres régions, l'activité de la banque semblait se poursuivre normalement. Il est à noter qu'à l'heure où nous mettions sous presse, nous n'étions pas encore parvenus à confirmer cette information auprès du top management de la banque. Par ailleurs, nul n'est en mesure d'évaluer l'impact de la récente crise sur l'activité même d'Attijari Tunisie, sachant que cette filiale est l'un des principaux contributeurs aux réalisations du groupe à l'international. Cette incertitude, nous confie-t-on, est principalement liée à celle de l'économie locale en général. En effet, si le temps de Benali a été assez prospère pour la Tunisie économiquement, avec un essor considérable ces dernières années, le doute subsiste aujourd'hui quant au maintien des mêmes performances pour la nouvelle ère qui se dessine et, partant, sur les réalisations d'Attijari Tunisie et des autres entreprises marocaines présentes dans le pays des carthaginois. Chaâbi, populaire même à Tunis L'autre conquistador marocain à Tunis est le groupe Chaâbi. Pour ce cas, précisément, la donne s'avère être totalement différente. Si pour le premier cas, les actionnaires font les frais de la situation, et le groupe devra payer la facture pour le deuxième cas, pour ce cas-là, l'effet est moindre. «Les Tunisiens ne vont tout de même pas saccager une usine qui emploie des centaines de citoyens, voire des milliers», commente Faouzi Chaâbi. En effet, le groupe dispose de deux unités industrielles, dont les employés sont majoritairement de nationalité tunisienne. Une assurance, fondée selon le responsable du groupe, qui expliquerait ce moindre impact des derniers évènements qui ont secoué la Tunisie sur ce géant marocain. Soulignons que la ruée des businessmen marocains vers la Tunisie a été initiée par le groupe Ynna Holding en 1984 avec notamment la création de la société El Mawassir (canalisations pour l'eau potable, l'assainissement, l'irrigation et le gaz). À saisir 32e C'est le rang de la Tunisie en termes de compétitivité dans le dernier classement du World Economic Forum. Le Maroc n'arrive qu'à la 75e place. 3,5% C'est le taux de pénétration des exportations marocaines sur le marché tunisien. 360 C'est le montant en millions de dirhams du stock des IDE en provenance du Maroc et profitant à la Tunisie. Que pèsent les IDE marocains en Tunisie Le courant d'affaires en provenance du Maroc et destiné aux pays du Maghreb arabe ne représente que 2,8% dans le total des échanges commerciaux du Maroc. Cela n'a pas empêché que la Tunisie séduise particulièrement les hommes d'affaires marocains. Ainsi, en 2009, les Marocains ont investi l'équivalent de 184 millions de dirhams marocains, soit 38% de plus qu'en 2008. Le stock des investissements directs dans le pays a ainsi atteint un volume de 360 millions.