Ça creuse dans le green building. L'Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (ADEREE) a posé, mardi, ce que l'on pourrait appeler, à juste titre, les premières pierres de ce que devrait être le bâtiment tertiaire ou d'habitat au Maroc, à partir de 2013. Une dizaine de projets pilotes pour l'application des éléments techniques de la réglementation thermique – développés dans le cadre du programme national d'efficacité énergétique dans le bâtiment – auront été dévoilés. L'ADEREE aura de fait bénéficié, de la part de la Commission européenne (CE), d'un soutien financier de 10 millions d'euros, visant la réalisation de ces projets de démonstration des mesures d'efficacité énergétique. Ces initiatives, neuf plus exactement, ont été soumises à l'appel à projets de l'ADEREE/UE par des opérateurs publics et privés, sélectionnées par une commission mixte composée des deux entités, et contractualisées en décembre 2011. L'accompagnement financier proposé par l'UE devrait ainsi permettre une subvention de 50 à 100% du surcoût généré sur le projet par l'introduction des pratiques d'efficacité énergétique. Dans le détail, le public a été le mieux fourni. Low cost... mais efficace Cinq des projets sélectionnés sont en effet des logements à caractères sociaux proposés par le groupe Al Omrane (GAO), le reste étant des projets de bâtiments tertiaires (2), une résidence touristique ainsi qu'un projet d'habitat de moyen standing, développés par des promoteurs du privé. Pour la structure publique, c'est un total d'un peu plus de 4 millions d'euros qui lui a été attribué pour l'exécution de projets d'efficacité énergétique. Le premier – avec la plus grosse contribution européenne parmi les cinq projets d'Al Omrane – porte sur la construction de 390 logements sociaux «Tamazirte» dans la localité de Tinghir. Coût du projet : 71 MDH, dont 1,46 million d'euros d'accompagnement européen, pour des travaux qui devraient démarrer dès le mois prochain. Ces logements seront ainsi dotés de solutions EE (Efficacité énergétique), en l'occurrence la mise en place de brises-soleil et de stores extérieurs, d'isolation des toitures, des murs et des planchers bas, et la mise en place de vitrages performants, etc. Ce projet devrait s'étaler sur les deux prochaines années. La deuxième grande subvention européenne décrochée par le promoteur public dépasse un peu le million d'euros, pour le projet «Jacaranda» de 280 logements sociaux à Tamansourt. L'investissement total de réalisation de ce projet, en cours depuis novembre dernier, est de près de 69 MDH. Les trois autres initiatives d'Al Omrane sélectionnées sont celles de «Al Ourod2» de 248 logements sociaux (982.000 euros d'accompagnement) à Al Aroui, 96 logements sociaux à El Hajeb (un peu plus de 464.000 euros de subvention européenne), ainsi que le siège social du groupe à Chrafate. Ce dernier projet porte sur un investissement total de 11,78 MDH, dont une contribution européenne de 168.500 euros. Lourd...mais rentable Dans le privé, le groupe El Fal, spécialisé dans la promotion immobilière, a proposé un projet de cité «Fal El Hanaa» de 1.500 appartements moyen standing (35 à 65 m2, en R+4), à Aïn Sebaâ. Une part de 42% de la capacité totale du projet sera ainsi construite selon les normes d'efficacité énergétique, soit 637 appartements. Le budget global, cofinancé par la subvention européenne, est estimé à quelque 927.000 euros, pour des travaux de réalisation lancés depuis janvier dernier. «Les unités seront ainsi dotées d'isolations thermiques (double vitrage, isolation thermique des façades et terrasses), des dispositifs de chauffes eau solaires (plus de 40% des besoins en eau chaude sanitaire), etc», indique Amal Rizlaine Benani, responsable au sein de cette enseigne privée de promotion immobilière. La Société générale des travaux du Maroc (SGTM) est l'autre opérateur privé contribuant au programme pilote. Le groupe, déjà bien présent dans les infrastructures, s'est vu attribuer la subvention européenne pour deux grands projets, hôtelier et tertiaire. Le premier concerne ainsi la construction d'un hôtel club à la station balnéaire et touristique Port Lixus, à Larache. L' «Oasis Lixus» s'étalera ainsi sur une superficie de 45.390m2, et sera doté de 255 chambres. Le projet comprendra, à terme, quatre niveaux : Un rez-de-chaussée abritant la réception, les restaurants, le spa et des chambres. «Ce projet est une première expérience locale et régionale. Il est conforme aux dispositifs nationaux visant à intégrer progressivement la dimension environnementale et d'efficacité énergétique dans le secteur de l'hôtellerie», commente Mohamed Kabbaj, administrateur à la SGTM. Le second projet du groupe s'inscrit dans un type de bâtiment tertiaire à usage de bureaux. Il s'agit du futur siège de la SGTM à Casablanca, qui s'étend sur une superficie de 2.000m2, dont 1.000m2 construits au sol et 8.500m2 de surfaces de planchers. Ainsi, sur la base de tout ce qui précède, une tendance semble nettement se dégager : l'efficacité énergétique tend à être un «luxe» de construction que seules les grandes enseignes du secteur pourraient se permettre. Accessible ? La problématique EE devrait effectivement mettre un peu plus de temps à prendre chez les PME et PMI, du fait de la lourdeur des investissements, de l'avis de la plupart des opérateurs du privé. Le côté onéreux de l'efficacité énergétique est principalement lié au fait qu'elle fait appel à de nouvelles techniques de construction bien particulières, à des technologies plus efficientes de consommation d'énergie électrique, donc plus chères, ainsi qu'à des matériaux spéciaux de construction parfois difficiles à trouver sur le marché local. Un devis qui pèse généralement sur le coût d'un chantier, comparé aux méthodes et matériaux classiques de construction. «Il faut cependant savoir que c'est un investissement rentable, sur un terme plus ou moins éloigné», insiste Saïd Mouline, le directeur de l'ADEREE. Ce dernier sait pertinemment qu'il lui en faudra des arguments et beaucoup de sensibilisation pour arriver à convaincre les opérateurs du secteur, en l'occurrence les promoteurs immobiliers, de la viabilité d'une structure plus efficace en énergie, malgré des investissements en sus. Pour Mouline, «cette première opération de financement des surcoûts a surtout pour objectif de faciliter la mobilisation des acteurs, par rapport aux nouvelles dispositions d'efficacité énergétique». Le message est donc clair : démontrer...avant de passer au coercitif avec la réglementation thermique attendue en 2013. Lire Aussi ...Développer sur du «vert»