Le philosophe français Edgar Morin reste incontestablement l'invité phare de la 17e édition du SIEL. En effet, il a animé plusieurs rencontres lors de ce Salon pour le grand plaisir du public. Outre la rencontre inaugurale, vendredi dernier, l'intellectuel français a participé à des panels portant notamment sur le monde moderne et le besoin de philosophie. Toujours aussi vif, Edgar Morin a partagé ainsi sa vision philosophique avec le grand public. Une vision largement détaillée dans son dernier livre «La voie». Dans cet essai édité en 2010, il fait à la fois un constat angoissant des maux de la société contemporaine et tente de donner quelques pistes pour l'avenir. Un livre qualifié de «pessimiste» par les médias français puisque il y prédit une catastrophe de l'humanité. «Ce n'est pas un livre pessimiste. Dans La voie, j'ai essayé de me projeter dans le futur à partir des meilleures informations dont je dispose sur mon temps. Vous savez, je suis opti-pessimiste», explique le sociologue. Vous avez parlé d'intellectuel ? Lors de sa première rencontre avec le public marocain dans le cadre du SIEL, Edgar Morin a tenu à expliquer le mot «intellectuel». «L'intellectuel peut être écrivain, romancier, poète... qui décide de poser des problèmes fondamentaux sur la place publique. Je pense là à Voltaire, Diderot, Rousseau, Zola et son fameux «J'accuse» ou encore à Sartre et à Camus. Ce sont des écrivains et philosophes qui se sont engagés dans la vie publique. Ils ont ainsi traité les problèmes globaux de notre temps», précise Morin. Malgré la complexité de sa pensée, Morin a réussi à faire passer des messages à l'assistance grâce notamment à un langage très accessible. C'est ainsi qu'il a évoqué la relation entre la passion et la raison, parlé de l'homme qui ne cesse de fabriquer des mythes ou encore de la notion de l'espoir qui est devenue, selon lui, très complexe. «Devant une crise, nous avons une possibilité d'invention et une autre de destruction. D'où la nécessité d'ouvrir une voie», ajoute-t-il. Mondialisation et globalisation Pour Edgar Morin, le processus de mondialisation a vu le jour à la fin du XVe siècle avec notamment la conquête des Amériques. La globalisation, elle, commence en 1989 avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement des économies dites socialistes, l'universalisation du marché ou encore la constitution d'un réseau de télécommunications à travers tout le globe. «Ce sont deux notions différentes», tient à souligner Morin. Et d'ajouter que la globalisation a été derrière la valorisation des droits de l'homme et de la femme dans plusieurs pays. «(...) Enfin la globalisation a produit comme l'infra-texture d'une société-monde. Une société nécessite un territoire comportant de permanentes et innombrables intercommunications, ce qui est arrivé a la planète ; elle nécessite sa propre économie, ce qui est le cas de l'économie mondialisée ; mais il lui manque le contrôle de l'économie; il lui manque les autorités légitimes dotées de pouvoir de décision; il lui manque la conscience d'une communauté de destin, indispensable pour que cette société devienne Terre Patrie. Aussi ce ne sont pas seulement les souverainetés absolues des Etats-Nations, c'est aussi le mouvement techno-économique de la globalisation qui, parce qu'incontrôlé, empêche la formation d'une société monde», peut-on lire dans son livre «La voie». Philosophe engagé (on se rappelle tous de son soutien au livre «Indignez-vous» de Stéphane Hessel décrié en France), Morin n'a pas omis de rappeler durant toutes ses interventions que l'humanité est acculée à devenir solidaire pour faire face à ses propres défis, comme le réchauffement climatique, la prolifération du nucléaire ou encore la dégénérescence économique. «Il faut humaniser la mondialisation, développer un mouvement de régénération pour maintenir l'espérance... Ce qu'on peut espérer c'est non plus le meilleur des mondes, mais un monde meilleur». Une note optimiste qui nous invite à chercher la voie ou les voies. FzS Dates clés Distinctions Bibliographie Sommaire