Le Maroc s'est récemment doté d'une stratégie nationale pour l'amélioration de la compétitivité logistique. Ce plan a pour objectif d'optimiser la gestion des flux de marchandises à travers la définition et la mise en œuvre d'un schéma national de plates-formes logistiques. À terme, la stratégie prévoit une réduction de 35 % des émissions de gaz à effet de serre liées à la logistique. Seul bémol, le plan ne prend en compte que l'élément «Transport» dans ses calculs. En effet, lorsqu'on parle de chaîne logistique verte, on a souvent tendance à l'associer spécifiquement au transport routier alors qu'elle doit viser la réduction de l'empreinte environnementale d'un produit tout au long de son cycle de vie. La création de plateformes logistiques peut elle-même prendre en compte le facteur environnemental et intégrer des matériaux propres. De même, «Opter pour les engins élévateurs électriques ou encore couvrir les toits des plateformes (de plusieurs milliers de mètres carrés) par des panneaux photovoltaïques peut réduire sensiblement les émissions de CO2 dans ces structures», explique Driss Herrati, directeur du cabinet Avenir formation, spécialisé en logistique. Si ces concepts sont de plus en plus utilisés à l'étranger, il n'en est encore rien au Maroc. Le Plan logistique du pays n'a pas pour ambition de bousculer les choses. «Si une entreprise souhaite investir dans ce concept, rien ne l'en empêche, mais rien non plus ne l'y oblige», affirme Khadija Bourara, responsable de la communication du ministère de l'Equipement et des transports. Aucun cahier des charges spécifique n'est donc imposé. Quant à la réglementation, «si le ministère de l'Environnement ou de l'énergie décident d'intégrer cette variable à ce projet, nous le ferons», précise Khadija Bourara. Et de continuer: «La raison en est que trop de contraintes risqueraient de « faire fuir les investisseurs». Si l'argument semble tenir la route, ce n'est pourtant pas toujours vrai. Il suffit de regarder de grands projets comme celui de Renault, où la protection de l'environnement n'a pas été un obstacle. Quoi qu'il en soit, le sujet est certes intéressant pour le ministre du Transport, «mais pour le moment, nous sommes encore loin de ce débat», nous fait-on savoir. Si aucune action environnementale n'est encore obligatoire dans la logistique, les professionnels, eux, font de leur mieux pour y arriver. Cependant, en l'absence d'encadrement et d'accompagnement, la majorité des actions portent uniquement sur le Transport. Dans ce volet, la formation à la conduite écologique occupe une place importante. À commencer par le Giac translog, structure fédératrice des professionnels de la logistique et du transport au Maroc. «Nous avons mis en place un plan d'actions qui inclut une partie non négligeable dédiée à la formation des chauffeurs et conducteurs d'engins à l'éco-conduite», affirme Mohamed Karaouane, directeur du Giac Translog. «Ces formations sont aujourd'hui très prisées sur la place parce que l'éco-conduite peut réduire jusqu'à 30 % la consommation en gasoil d'un camion et par conséquent ses émissions de CO2», explique Driss Herrati qui en a fait sa spécialité. L'expérience a été conduite avec des entreprises telles que Kraft food, Les eaux de Oulmes ou encore Tanger. Le seul fait d'adopter certaines règles de conduite fait économiser énormément d'argent à l'entreprise, mais l'éco-conduite à elle seule n'est pas suffisante. L'état de l'engin est également un facteur important. En effet, «il faut savoir que 70% du parc national est âgé de plus de 8 ans», explique Mohamed Karaouane. Si l'on en est arrivé là, c'est d'abord parce que 92% du secteur est fragmenté. Seules une cinquantaine d'entreprises sont réellement structurées. L'absence d'accompagnement et de subventions est l'un des freins au rajeunissement du parc. «Les nouveaux camions, consommant moins de gasoil, coûtent en moyenne 5.000 à 7.000 euros de plus que les autres», partage Amine El Menjra, directeur de MB Transport. «L'Etat avait imposé, du jour au lendemain d'ailleurs, la commercialisation de ce type d'engins il y a quelques temps. Malheureusement, l'expérience n'a duré que deux semaines». «On avait très vite compris qu'il nous fallait une marge de manœuvre pour écouler nos stocks avant de commencer à importer ces types de camions», explique un professionnel. Depuis, l'obligation a été retirée. Il ajoute: «un nouvel arrivant préférera toujours acheter deux engins d'occasion plutôt que d'investir dans un neuf». Or, les véhicules d'occasion sont un obstacle au développement du secteur. C'est pour cette raison que certains professionnels militent pour la prime à la casse. En effet, la solution paraît efficace pour le renouvellement du parc national. Une expérience a d'ailleurs été menée dans ce sens, mais elle a très vite pris fin. Le deuxième point sur lequel les professionnels les plus avancés sur la question essaient de jouer est celui de la fidélisation des conducteurs. Leur donner une formation pérenne serait plus avantageux. Partant, la recette est beaucoup plus simple aux yeux de Amine El Menjra. «Les conditions de travail des chauffeurs représentent un élément à prendre en considération. S'ils sont payés à temps et qu'ils sont fidélisés à travers des avantages sociaux, leur rendement est toujours meilleur. Plus on les valorise, mieux est leur conduite», analyse-t-il.