Les vacanciers espagnols s'apprêtent à accueillir la reprise avec un sentiment du déjà vu. Les pronostics sur l'état de santé de l'économie ibérique reprennent de plus belle. Les analystes du Financial Times ont dégainé leurs armes contre les gestionnaires espagnols. Cette semaine, le ton alarmiste a repris du service après une brève trêve. Les économistes prévoient même une rechute. La timide croissance réalisée durant les premiers mois de 2010 n'a pas eu l'effet escompté. La demande interne a fortement baissé comme prévu, conséquence de l'augmentation de la TVA en juillet. Du côté des travailleurs marocains, l'incertitude peuple les esprits. Hassan Arabi, président de Asisi (Association Solidaria para la integracion sociolaboral de inmigrantes marroquies en Madrid) brosse un tableau très sombre. «Nous n'avons aucune visibilité pour les mois à venir», nous déclare t-il. Selon cet acteur associatif, l'hémorragie du chômage se poursuit et il n'existe aucun moyen d'y faire face. Les Marocains résidents en Espagne continuent d'être la première cible de cette récession qui tarde à déguerpir. Pour Hassan Arabi, nos citoyens décampent vers d'autres cieux comme solution provisoire. Ce constat confirme les statistiques relatives aux immigrés dans une situation régulière en Espagne. La communauté marocaine a baissé notoirement en Catalogne et à Madrid, deux régions à forte concentration marocaine. Selon les dernières statistiques rendues public début août, 98.000 étrangers ont quitté le sol ibère durant les trois derniers mois. Le rapport révèle que les Marocains ont cessé de trôner sur la liste de la première communauté étrangère en Espagne. Désormais, les Roumains occupent la première place avec 793.205 résidents légaux contre 758.900 marocains, d'après le rapport de l'Observatoire permanent de l'immigration. Soit une perte de 16.154 de titres de séjour. Quant au nombre de cartes de résidence délivré, il a baissé de 2,03% durant les trois premiers mois de cette année. Une première en Espagne depuis 2008 où l'ensemble de la population étrangère a dégringolé d'à peine 0,50%. Certains immigrés tombent dans la clandestinité Toutefois, ces chiffres ne veulent en aucun cas dire que les immigrés désœuvrés ont rebroussé chemin. En l'absence de contrat de travail pour renouveler leurs papiers de résidence, certains tombent dans la clandestinité et la population étrangère est la première qui paye les pots cassés. Selon la dernière étude annuelle sur l'immigration et le marché de l'emploi, le taux de chômage parmi les immigrés frôle 27,9% contre 16,8% pour les Espagnols. Contrairement à toute attente, ces derniers n'ont pas occupé les emplois délaissés par les immigrés. Ce qui contredit la thèse soutenue, à tort, par certains partis de la droite, selon laquelle les étrangers sont à l'origine du fort taux de chômage dans les rangs des espagnols. Les travailleurs marocains broient du noir vu que peu d'alternatives se présentent à eux. Même la période estivale, où le marché de l'emploi se ravigote grâce aux métiers liés au tourisme, n'a pas réussi à assouvir la forte demande en matière d'emploi émanant des bureaux de chômage espagnols. D'ailleurs, et comme nous le précise le président d'Asisi, les Marocains ne sont pas concernés par ces métiers, qui profitent plus à des profils qualifiés. «Ces postes nécessitent des qualifications qui font défaut à nos compatriotes. L'hôtellerie, par exemple, requiert un niveau de formation qui dépasse les Marocains, inaptes à prétendre à ce type de professions». Peu...voire pas du tout qualifiés Le problème de formation des travailleurs marocains se pose avec acuité en Espagne. D'ailleurs, sur la liste des candidats à un poste, le Marocain est le premier à essuyer un refus catégorique, nous assure notre interlocuteur. «Si un Roumain ou tout autre citoyen de l'Europe de l'Est présente sa candidature, celle du Marocain est systématiquement rejetée», ajoute Arabi. Reste la voie de l'économie parallèle, une issue de secours en attendant des jours meilleurs. Même si l'étude sur l'immigration et le travail minimise l'ampleur de ce phénomène. Mais, tout porte à croire que ces chômeurs ont trouvé refuge dans le secteur informel. Noureddine en est l'exemple. Cet ex-travailleur dans un chantier de construction a troqué le marteau contre l'encens qu'il vend dans les artères madrilènes à côté de ses confrères africains lesquels étalent leurs marchandises à même le sol : sacs à main falsifiés, paires de lunettes, DVD piratés, ..., en somme, des mini Derb Ghallef ambulants. Noureddine est officiellement sans emploi, mais verse, par le biais d'un contrat de travail fictif dans le secteur agricole, des cotisations à la Sécurité sociale. C'est ce qui explique d'ailleurs la baisse du nombre des cotisants affiliés au régime dit normal (construction et services) et le maintien du nombre des affiliés au sein du régime agraire et de celui lié aux travaux domestiques. Cette situation d'instabilité profite plus aux employeurs. Selon Asisi, la crise enregistre un regain des abus sociaux de la part des patrons. Les heures de travail sont rarement rémunérées et dans certains cas les vacances ne sont pas accordées. Quel avenir donc attend les Marocains d'Espagne ? C'est la question que nous avons posée au département ministériel chargé des Marocains à l'étranger et à laquelle nous n'avons pas eu de réponse, malgré nos incessantes relances. Ce qui confirme l'absence de toute stratégie en matière d'immigration auprès des responsables de ce dossier qui résume les immigrés en des soirées folkloriques ou des rencontres insipides. Ce qui confirme aussi cette sensation qu'ont les immigrés marocains, en Espagne ou ailleurs : celle d'être confinés au rôle de producteurs de devises pour le pays. Quant à leurs problèmes et préoccupations, c'est au pays hôte de réfléchir à des alternatives !