Ils ont cru trouver le remède contre la crise, mais la loi a fini par les rattraper. Les Marocains d'Espagne bénéficiant d'allocations de chômage et d'aides du gouvernement doivent passer à la caisse. Leur longue absence du territoire espagnol est en passe de leur coûter cher. Vendredi 25 juin, des dizaines de Marocains ont manifesté devant le siège du bureau de travail dans la municipalité de Fuenlabrada, dans la région de Madrid, pour protester contre une directive les obligeant à restituer les aides au chômage dont ils ont bénéficié. La décision de cet organisme étatique est tombée après avoir constaté que les sans-emploi marocains inscrits au bureau du travail ont déserté l'Espagne durant la période de la rétribution des aides. Selon les concernés, la décision est injuste et arbitraire, car elle s'attaque aux Marocains, en exclusivité. «Dans les files d'attente, un responsable du bureau a demandé à nos compatriotes de se munir de leur passeport avant de se présenter au guichet», déclare Hassan Arabi, président de Asisi, Asociación solidaria para la integración sociolaboral del inmigrante. Discriminatoire peut-être, mais loin d'être illégale. Car selon les lois du travail, toute personne recevant les prestations du chômage ne devrait quitter son territoire de résidence que durant 15 jours annuellement. La clause est écrite noir sur blanc dans le contrat donnant accès aux prestations du bureau de travail. En revanche, le sans-emploi devrait s'activer dans la recherche d'un travail, faire des entretiens et envoyer des demandes d'embauche. De plus, le bénéficiaire est appelé à se présenter tous les trois mois au bureau gérant son dossier pour suivre l'évolution de son cas, tout en avisant les autorités de toute absence. Préparez vos passeports ! La polémique a éclaté au grand jour lorsque les responsables espagnols ont exigé la présentation du passeport pour pouvoir vérifier les déplacements de la personne. Fort malheureusement, aucun organisme n'a pris le soin de lire les clauses du contrat, encore moins les associations qui prônent la défense des droits des travailleurs immigrés. Déjà, les Marocains pèchent par une grande ignorance des lois espagnoles. Malgré le nombre impressionnant d'associations et de groupement de défense des droits des immigrés qui pullulent sur la péninsule ibérique, aucune entité n'a jugé nécessaire d'informer les travailleurs sur leurs droits et obligations. Or, ces organisations reçoivent des aides colossales de la part du gouvernement espagnol pour s'acquitter de cette tâche. Comme nous l'explique Jamal Ouraoui, médiateur à la municipalité de Fuenlabrada, le bureau du travail est l'employeur des chômeurs. «Il est légitime qu'il demande à ses salariés des comptes car dans une quelconque entreprise, le travailleur ne part pas en vacances sans une demande préalable à son patron», explique ce responsable, ajoutant que le demandeur d'emploi est sommé de solliciter une autorisation au bureau de travail dont il dépend s'il désire se déplacer en dehors du territoire espagnol. Mais les Marocains crient à la discrimination, car c'est la seule communauté à qui l'on exige la présentation du passeport, certainement pour les raisons de proximité géographique, mais aussi après constat d'absences prolongées des Marocains. Il est à noter que la mesure a toujours existé, mais c'est la première fois qu'elle est mise à exécution. Son application est attribuée à la récession et cette chasse aux dépenses à laquelle s'attelle l'Etat espagnol. Même les étudiants en Espagne n'y échappent pas. Des universités réclament aux boursiers marocains qui n'ont pas validé certaines matières, le remboursement des aides octroyées. Selon Mohammed Dahiri, professeur universitaire et chercheur en immigration, la décision est un acte isolé des bureaux du travail et non une volonté politique du gouvernement. «J'ai eu des contacts avec des membres du gouvernement, qui m'ont assuré qu'il n'y avait aucune directive dans ce sens». Dahiri est persuadé que les municipalités feront, sous peu, machine arrière. En attendant Ameur... Mais Kamal Rahmouni, le président de l'association des travailleurs marocains en Espagne, Atime, ne partage pas cet avis. «Il existe de fortes possibilités que d'autres régions appliquent cette mesure, car si la communauté de Madrid l'a instaurée, d'autres n'hésiteront pas à le faire aussi. Et c'est à ce moment où le problème prendra des dimensions alarmantes», met en garde Rahmouni. Lundi, ils étaient quatre nouveaux bureaux à réclamer leur dû aux sans-emploi déserteurs. Dans certains cas, la somme à rembourser s'élève à 18 mille euros. Hassan Arabi reconnaît volontiers que certains Marocains ont passé la mesure en s'installant au Maroc pour une longue durée, au moment où ils devaient se mettre à chercher activement un travail, sinon s'inscrire dans des cours de formations pour se recycler. Aux yeux de cet acteur associatif, la situation réclame une intervention des autorités consulaires pour mettre la pression sur leurs homologues espagnols afin de retirer cette mesure. En attendant, le président d'ASISI exhorte les autorités consulaires à faire les bouchées doubles pour livrer de nouveaux passeports aux Marocains d'Espagne afin de les présenter vierges de toute trace de la police des frontières. Une ruse pour échapper à la sanction. Conscients que les Marocains procéderont à un renouvellement du document de voyage, les bureaux exigent des certificats de passage des frontières, délivrés par les autorités marocaines. Moins rusé et plus légal, Atime conseille aux Marocains d'épuiser toutes les voies administratives existantes. «Il est possible de présenter des recours auprès de cette administration et en cas de rejet, reste la voie judiciaire», préconise Rahmouni. Chose déjà en cours, car selon le médiateur associatif, des dizaines de Marocains affluent quotidiennement à son bureau, demandant une aide pour la rédaction des recours. Le sésame biométrique Un malheur ne vient jamais seul. Les Marocains d'Espagne en savent quelque chose. À l'approche de l'été, certains ont procédé au renouvellement de leur passeport pour faire un saut au Maroc. Mais selon des déclarations des associations, l'obtention du document est un véritable chemin de croix. L'ancien document est remplacé désormais par le passeport biométrique, lequel requiert trois mois pour sa délivrance. Les associations se plaignent non seulement de la durée des formalités, mais aussi du coût, jugé exorbitant. Environ 70 euros par personne pour l'obtention dudit document. «Pour une famille de quatre membres, la facture est salée. En effet, le nouveau document exige que tous les membres de la famille en détiennent un, même les enfants , explique Kamal Rahmouni. Dans ces temps de crise, où les familles ont du mal à joindre les deux bouts, «une telle dépense est lourde de conséquence sur leurs bourses, surtout quand on sait que le passeport biométrique exige, en premier lieu, l'obtention d'une carte d'identité biométrique, donc un autre document à refaire», ajoute le responsable associatif. Des manifestations ont eu lieu devant le consulat du Maroc à Madrid pour protester contre la lourdeur de la machine administrative. Et c'est une autre paire de manches si les personnes concernées par la restitution des aides décident de renouveler le précieux document dans l'objectif de berner l'administration espagnole. Selon Dahiri, le timing est mal choisi pour imposer le passeport biométrique. Cette année, 2,5 millions et de Marocains résidents à l'étranger sont attendus au pays. Ceux qui avaient prévu de se prélasser sous le soleil marocain devraient revoir leurs plans, car vu l'état d'avancement de ce chantier, le sésame pour accéder aux frontières ne viendra pas avant des mois.