C'est le tandem qui fera l'avenir du tourisme : lutte contre l'informel et développement des investissements. De fait, quelques heures avant que Nizar Baraka ne prêche sa «bible» - 225 pages - des finances 2012, Lahcen Haddad dégageait quelques grandes lignes concrètes de la tutelle touristique. L'une d'elles a des relents d' «épuration» du secteur - dans le sens premier du terme et sans état d'âme -, à travers une véritable chasse à l'informel. Vendredi, le ministre a cosigné, avec son homologue de l'Intérieur, une circulaire conjointe relative au classement hôtelier et à la lutte contre l'informel. Il s'agit de la mise en place d'une démarche intégrée et élaborée par les ministères de l'Intérieur et du Tourisme. Ce programme s'articulera autour de deux volets. Le premier vise le «préventif», et comporte des actions qui devront se réaliser à travers l'application des dispositions légales et réglementaires de la loi 61-00, régissant les processus d'autorisation et de classement des établissements touristiques. L'objectif est «d'assurer l'obtention de tout établissement d'hébergement touristique en construction, en rénovation ou en extension, d'un classement technique provisoire, ainsi que de systématiser le classement d'exploitation dès l'ouverture d'un établissement d'hébergement touristique», note-t-on auprès de la tutelle. Le second grand volet de ce dispositif interministériel est constitué d'actions «correctives». Celles-ci consistent à mener une opération de régularisation de la situation du parc hôtelier non classé, qui sera lancée courant avril 2012. Une manière sous-entendue de «formaliser» l'informel. La mise en œuvre de cette action sera accompagnée par une sensibilisation desdites structures, sur l'importance de l'adhésion au système de classement. Cela devrait leur permettre, selon le ministère, de «se mettre à niveau dans des délais raisonnables, avant un contrôle de classement». Haddad se transforme en gendarme, sachant que les opérations de régularisation ont déjà commencé à Marrakech. Quoi qu'il en soit, le ministre du Tourisme aura à bétonner ses arguments pour réussir à drainer cette partie des professionnels. Le message est clair : au-delà du besoin d'élargissement de l'assiette fiscale du secteur - qui n'est pas exclusif au tourisme, d'ailleurs -en persuadant l'informel à la régularisation, Haddad veut aussi offrir l'image d'un secteur en «remise en ordre»... histoire de dérouler le tapis rouge aux investissements, notamment étrangers. Investissements Sur ce dernier volet en tout cas, la tutelle se veut rassurante. «Le secteur jouit toujours de la confiance des investisseurs, malgré la conjoncture mondiale difficile», lâchait Haddad au sortir d'un conseil de gouvernement jeudi dernier, durant lequel il a longuement étalé l'état d'avancement de la Vision 2020. Pour renforcer ce constat, un chiffre : «les investissements contractuels ont atteint plus de 12 milliards de dirhams en 2011», selon le ministre. Le tourisme a également été le 2e secteur pourvoyeur d'emplois à la fin de l'année dernière, avec 470.000 postes directs créés, selon les chiffres officiels. Sur le prospectif, des solutions visant, à court terme, à redynamiser le secteur et à assurer sa compétitivité, ont été annoncées, sans grands détails. Elles devraient en tout cas se matérialiser à travers la mise en place de mécanismes de soutien, au profit des établissements d'hébergement touchés par la conjoncture et d'autres dispositifs de financement, à l'adresse des unités hôtelières. Les enjeux, pour l'Etat semblent ainsi tendre à la consolidation du tourisme interne, ainsi qu'à la crédibilité du produit touristique marocain. Concernant ce dernier point, Haddad vient encore de se liguer avec un autre collègue - celui de l'Equipement et du transport, Aziz Rabbah - sur la constitution d'un groupe de travail chargé de mettre au point un plan à court et à moyen termes pour la promotion du tourisme national. Les transports, qu'ils soient aériens (RAM), maritimes ou routiers, ont en effet un grand rôle à jouer dans la promotion de la destination locale, en développant les voies et moyens d'accessibilité. L'objectif est de créer des emplois et de drainer des investissements étrangers, sans oublier la promotion du principe de bonne gouvernance dans le secteur. L'ère Benkirane a bel et bien commencé pour le tourisme... La «traque» est lancée sur la Toile aussi La tutelle touristique s'attaque à l'immatériel. Elle veut débusquer les acteurs et quantifier le poids d'un boulet qui pèse - en silence - sur la croissance du secteur. En effet, en plus de la régularisation du «non classé», une étude est également en cours de réalisation auprès du ministère du Tourisme. Il s'agit plus précisément d'un projet «d'état des lieux de l'hébergement touristique informel commercialisé principalement via Internet (location de meublés), réalisé en collaboration avec l'Observatoire du tourisme. À terme, cette étude devrait permettra notamment d'analyser les canaux de distribution de ce type d'hébergement, afin de mettre en place des mesures spécifiques, notamment en termes d'encadrement de réglementation, de contrôle, de fiscalisation... Par ailleurs, dans une logique de modernisation des outils de suivi et de pilotage de l'activité touristique nationale, les ministères de l'Intérieur et du Tourisme s'attelleront à la mise en place d'un système de déclaration électronique des nuitées. Ce système devrait aussi permettre de fiabiliser les flux d'informations relatifs aux nuitées réalisées au niveau des différentes structures d'hébergement touristique et de se doter, en conséquence, d'un dispositif de suivi en temps réel de l'activité touristique.