Si certaines banques de la place peinent à lever des fonds à l'international, BMCE Bank infirme la tendance. Cette dernière vient en effet de débloquer une première enveloppe de 3,5 millions de dollars, soit près de 30 MDH, en février dernier au titre de la convention de partenariat signée en novembre 2011 avec la China Development Bank Corporation (CDBC), l'une des leaders sur la place chinoise. C'est une première opération d'envergure dans la coopération Maroc-Chine entre les deux institutions financières, la convention concerne une ligne de financement de 200 millions de dollars, soit près de 1,7 MMDH, et dont les remboursements sont contractualisés pour une durée de 10 ans. Présente en Chine depuis 15 ans, grâce à son bureau de représentation à Pekin, BMCE Bank est l'une des rares banques arabes à entretenir des relations économiques et commerciales avec des établissements de la place chinoise. Aujourd'hui, l'heure est à la consécration avec les premiers déblocages. Le prochain, d'un montant de 50 millions de dollars cette fois, soit 424 MDH, sera réalisé dans les prochaines semaines. «L'ensemble du prêt sera consommé avant la fin de l'année» ajoute M'fadel El Halaissi, DG de BMCE Corporate Bank. Modernisation et compétitivité des PME marocaines «Cette opération s'inscrit dans le cadre de notre politique de diversification du réseau de nos correspondants. C'est surtout une marque de confiance dans la BMCE et dans l'économie marocaine que nous témoigne la CDBC», explique M'fadel El Halaissi. Etranglées par la conjoncture internationale et par des institutions européennes qui leur recommandent de renforcer leurs fonds propres, notamment à travers le mécanisme européen de stabilité, les banques européennes rechignent de plus en plus à financer des établissements bancaires étrangers. Pour la BMCE Bank, l'alternative a été de répondre aux approches de la CDBC. «Les Chinois sont très intéressés par l'Afrique. Les financements conjoints sur des projets africains se multiplient. C'est dans le cadre de cette stratégie qu'ils sont venus nous voir. C'est aussi bien stratégique pour eux que pour nous. Cela nous permet en effet de fluidifier nos entrées en devises» affirme M'fadel El Halaissi. Ce dernier rappelle d'ailleurs que le gouvernement chinois a mis en place un fonds doté d'une enveloppe de 2 milliards de dollars pour le financement d'infrastructures en Afrique, par ailleurs gérée par la CDBC. Concrètement, les 200 millions de dollars levés auprès de cette banque d'Etat chinoise sont destinés au financement de projets d'investissements de PME ou PMI marocaines. Avant même la signature de la convention de prêt, plusieurs projets à financer étaient répertoriés. Dans l'aéronautique, l'agroalimentaire, le textile, les services... nombreuses sont les activités financées ou à financer par cette ligne de 200 millions de dollars. Le critère principal pour qu'une PME bénéficie de ce financement est le poids de l'export dans son activité : «Il faut qu'un certain pourcentage du chiffre d'affaires à l'export de l'entreprise couvre au moins le montant de l'amortissement, intérêts inclus», précise ainsi M'fadel El Halaissi. Avec les deux premiers déblocages, ce ne sont pas moins de 25 projets qui ont déjà été ciblés. Entre 10 et 20 MDH sont attribués pour chaque projet. L'enveloppe globale concerne donc une centaine d'entreprises. C'est une première étape dans la collaboration entre les deux banques, ces dernières n'hésiteront pas à aller plus loin dans le futur. «D'autres choses sont à venir» conclut ainsi M'fadel El Halaissi. M'fadel El Halaissi, DG de BMCE Corporate Bank. «La convention signée avec CDBC n'est qu'une première étape» Les Echos Quotidien : Pourquoi la Chine s'intéresse-t-elle à l'Afrique ? M'fadel El Halaissi : La Chine a compris avant presque tout le monde que le prochain gisement de croissance et de matières premières était l'Afrique. Elle a un milliard de consommateurs potentiels en Afrique, ces derniers ont envie de consommer. Le continent africain est d'ailleurs devenu un terrain de compétition pour l'élite des pays émergents, la Chine et l'Inde principalement. C'est à celui qui se positionnera le plus rapidement et le plus sûrement. C'est bien pour cela que la Chine place beaucoup d'argent en Afrique. Quelles sont justement vos relations avec la Chine ? Nous y sommes installés depuis une quinzaine d'années déjà, et nous sommes d'ailleurs l'une des seules banques arabes présentes en Chine. Nous disposons d'un desk à Pekin pour gérer nos relations économiques et commerciales avec les différents contacts tissés sur le marché chinois. Notre présence sert beaucoup pour les sociétés d'import-export. La convention signée avec la CDBC n'est qu'une première étape. D'autres projets sont prévus avec cette même institution financière. Parmi les projets financés figurent des call centers ou des entreprises opérant dans le textile. Connaissant la conjoncture de ces activités, comment évaluez-vous le risque ? Cette ligne de financement permet de financer des activités dont nous analysons le risque comme pour tout autre octroi de crédits. Pour ce qui concerne l'offshoring par exemple, nous considérons qu'il s'agit d'un marché extraordinaire dans lequel beaucoup reste à faire. L'activité reste intéressante. Tout comme le textile. Nous finançons également quelques unités liées au tourisme. Pour être financée, la PME concernée doit générer une partie de son chiffre d'affaires en devises. Il faut notamment qu'un certain pourcentage du chiffre d'affaires à l'export couvre au moins les frais d'amortissement du crédit, intérêts inclus. Nous limitons donc les risques. L'appétit africain de BMCE Depuis sa première opération en Afrique, avec la prise de participation réalisée dans la Banque de développement du Mali au début des années 90, BMCE Bank ne saurait miser plus sur le potentiel africain, tant elle en a fait déjà beaucoup. La consécration est venue en 2007, lorsque la banque marocaine a acquis 35% du capital de Bank of Africa. Progressivement, la participation de ce grand groupe bancaire dans le continent africain, où il est déjà présent dans 12 pays, s'est renforcée : BMCE Bank détient aujourd'hui 67% du capital. Basé à Bamako, au Mali, le DG est d'ailleurs marocain. «Nous pensons avoir beaucoup à partager avec le reste de l'Afrique, notamment notre savoir-faire. Tous les ans, nous élargissons au maximum notre réseau dans des pays où nous ne sommes pas encore présents», affirme M'fadel El Halaissi, DG de BMCE Corporate. Les dernières prises de participation en date, ont eu lieu à Djibouti et au Rwanda, où BMCE Bank s'est implanté en 2011. En 2012, le Burundi pourrait bien être le prochain.