Dans une lettre d'adieu publiée le week-end dernier, le consul de Tétouan Javier Jimenez Ugarte a écrit que les moments difficiles ont refait surface entre le Maroc et l'Espagne, sur fond de Melilia et de Sebta. Ce diplomate qui a occupé durant cinq ans, des postes clés dans la diplomatie espagnole au nord du Maroc a témoigné de sa préoccupation quant à cette montée de tensions entre les deux voisins. Fin de la lune de miel entre le Maroc et l'Espagne ? C'est le moins que l'on puisse dire, après l'avalanche de protestations formulées par le Maroc à l'encontre des forces de l'ordre espagnoles opérant au niveau des postes frontaliers de Sebta et de Melilia. Une grande majorité des Espagnols y voient une cabale contre le gouvernement de Zapatero, lui-même dans de beaux draps à cause de la crise économique. «Il s'agit d'une tentative de créer des problèmes artificiels à travers de prétendues agressions policières», souligne La Razon. Ou encore, «le Maroc profite de l'inertie de la diplomatie espagnole pour réitérer ses revendications sur Sebta et Melilia», peut-on lire ici et là. Selon la presse de la péninsule, les multiples sorties diplomatiques du Maroc tendent toutes vers un seul objectif : revigorer le dossier revendicatif de Sebta et Melilia. Selon El Pais, c'est une méthode toute nouvelle dans la revendication des deux enclaves et les tensions rappellent celles qui se sont produites lors de la visite du Roi d'Espagne aux présides en novembre 2007. Dans sa lecture des faits, El Pais a mentionné que c'est la première fois que la Map diffuse un reportage sur les immigrés subsahariens victimes des abus des forces de l'ordre espagnole, qui sont dans une situation irrégulière au Maroc en précisant qu'eux aussi, des fois, furent expulsés de nuit vers l'Algérie. Si certains milieux considèrent les protestations marocaines comme une réactivation de la revendication de souveraineté du Maroc sur Sebta et Melilia, selon certaines publications, le Maroc ne s'aventure pas à jeter la pierre au gouvernement de Zapatero et choisit ses mots avec précaution en préférant incriminer les forces de l'ordre. S'il y a bien un groupe qui se réjouit de cette bisbille diplomatique, c'est bel et bien le Parti populaire. Il a saisi au vol ce rififi entre les deux riverains pour faire d'une pierre deux coups : d'une part, faire porter le chapeau au Maroc, accusé selon lui d'attiser les relations bilatérales en émettant des jugements rapides comme celui de taxer les forces de l'ordre espagnol de racistes, bien avant d'entamer une investigation et d'une autre part épingler la diplomatie espagnole et par ricochet le gouvernent de son ennemi juré, José Luis Zapatero. Guerre des nerfs Selon les dires du Parti populaire de Melilia, le Maroc est l'enfant terrible de cette histoire qui empoisonne les relations de bon voisinage. Une députée du parti populaire à Melilla, a affirmé dans une conférence de presse, que le gouvernement marocain tire parti de la faiblesse du gouvernement de Zapatero. La députée a fustigé le silence du département d'Angel Moratinos suite à la mention du Maroc de Melilia comme ville occupée. L'élue a qualifié de «retentissant» le silence du gouvernement espagnol face à cette déclaration, considérant que «Melilia n'est pas une ville occupée, qu'elle est une terre espagnole avant que le Maroc existe comme pays. Il est l'heure que le gouvernement adopte une position ferme pour mettre fin une fois pour toute aux agissements du Maroc», a-t-elle martelé. Le PP envisage même de porter cette affaire devant le Sénat afin d'élucider les raisons d'un tel silence. Un avis partagé par le journal La Razon, qui a expliqué sur ses colonnes que le communiqué de riposte de la diplomatie espagnole manquait de rigueur et de fermeté face à l'utilisation par le Maroc dans sa condamnation, du terme ville occupée. «Ce qui explique un consentement de la part du gouvernement de Zapatero, puisque l'Exécutif disposait d'une occasion pour rejeter cette qualification et ne l'a pas saisie», poursuit-on. La publication voit dans le rapprochement entre l'Espagne et l'Algérie, les motifs des attaques diplomatiques perpétrées par le Royaume. Une sorte de crise de jalousie que le Maroc vit mal. Racisme vs machisme ! Pour le PP, les faits n'ont pas des relents de racisme, mais plutôt de «machisme», en référence au premier incident qui a déclenché cette série de protestations. «Les Marocains refusent l'autorité des femmes policières au niveau des postes frontaliers», a indiqué le PP qui a formulé une demande au Sénat pour acculer le gouvernement espagnol à sortir de son mutisme. Dans un communiqué, l'Association unifiée de la Guardia Civil a rejeté en bloc toute accusation d'abandon de huit immigrés subsahariens. Une version soutenue et défendue bec et ongles par la délégation de Melilia. Cette dernière a encensé le professionnalisme de ces forces de l'ordre qui «veillent sur les droits de toutes les personnes sans aucune distinction». Les responsables du PSOE, le parti au pouvoir, évitant d'embraser davantage le conflit, ont tous livré des déclarations qui reconnaissent le degré de tension qui règne aux postes frontières, spécialement en été. Une situation qui donne lieu à des divergences et mène des fois à des accrochages, reconnaissent-ils. La secrétaire de politique internationale et de coopération du PSOE a indiqué que les deux voisins ont toujours œuvré de concert pour dépasser ces incidents qui sont monnaie courante dans chaque frontière conflictuelle. Quant à la porte-parole de l'immigration du PSOE au sein du congrès des députés, elle préfère parler de conflit frontalier au lieu de racisme. La responsable socialiste a reconnu que les tensions au niveau des frontières ont toujours existé et sont même un décor habituel. «Les nerfs sont à fleur de peau», a ajouté la porte-parole socialiste en admettant la délicatesse de la tâche. En revanche, la députée n'a montré aucun appui ni soutien aux forces de l'ordre espagnoles.