Rachid Chaabita, Professeur chercheur et directeur du Centre d'études et de recherches sur les migrations internationales et le développement durable (Cermid) Les Echos quotidien : Les migrants semblent être les premières victimes de la crise économique mondiale. Pensez-vous que les mécanismes juridiques actuellement en vigueur au niveau international permettront de garantir la protection de leurs droits dans les pays d'accueil ? Rachid Chaabita : La Convention de l'ONU sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille est entrée en vigueur en juillet 2003. Son objectif premier est de protéger les travailleurs migrants, une population particulièrement vulnérable, de l'exploitation et de la violation de leurs droits humains. Malheureusement, l'ensemble des pays européens n'a pas encore ratifié cette convention, ce qui cause des entraves pour la protection des droits des immigrés. D'ailleurs, la majorité des politiciens européens ont déclaré l'année dernière que parmi les solutions immédiates pour limiter les effets néfastes et pervers de la crise économique internationale, il y a celle d'expulser un grand nombre d'émigrés installés légalement, mais qui sont moins qualifiés, surtout ceux d'origine maghrébine, ce qui a conduit à l'exclusion et à la discrimination. Comment le Maroc pourra-t-il alors répondre aux atteintes des MRE dans le contexte actuel, marqué par une récession économique dans les pays d'accueil et un afflux des migrants ayant perdu leur emploi ? Le Maroc peut intervenir sur deux axes. Le premier est juridique. Le Maroc devra pousser ses partenaires européens, surtout la France, l'Espagne et l'Italie où les MRE représentent plus de 2/3 de la diaspora marocaine, à des négociations pour signer et ratifier des conventions bilatérales. Ces conventions permettront au Maroc de défendre les intérêts et le droit des Marocains du monde. Les Marocains migrants doivent être traités comme les égaux des ressortissants du pays d'accueil, dans le respect des rémunérations et des conditions de travail (heures supplémentaires, heures de travail, jours de repos par semaine, congés payés, sécurité, santé, conditions de fin de contrat, âge minimum, restrictions du travail domestique, avantages de la sécurité sociale et accès aux soins médicaux). En outre, il faut sensibiliser la diaspora marocaine, là où elle se trouve, à son droit social et juridique. Une telle information doit être disponible pour les travailleurs marocains migrants gratuitement et dans un langage qui leur soit compréhensible. Le deuxième aspect est pragmatique, le Maroc doit consolider son environnement socioéconomique, afin de le rendre propice pour les émigrés en retour par des facilités d'investissement et surtout d'appui à l'intégration dans les champs de développement et de modernité que connaît le Maroc. Il ne faut pas non plus oublier la nécessité de limiter le décalage en termes de logistique, d'organisation, de transparence et d'options de développement économique stable entre les niveaux d'évolution du milieu de résidence à l'étranger et au Maroc. La protection internationale des travailleurs migrants ne pourra-t-elle pas, à terme, anéantir les efforts consentis pour éradiquer l'immigration clandestine ? Je dirais non pour plusieurs raisons. Les droits des travailleurs migrants, tels qu'établis par la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille se regroupent sous deux catégories générales. D'abord, les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui sont applicables à tous les travailleurs migrants, y compris les clandestins. Cette catégorie n'est en fait rien d'autre qu'une répétition des droits fondamentaux consacrés par la Déclaration universelle des droits de l'homme et élaborés par les traités internationaux adoptés par la plupart des Etats. Ensuite il y'a les droits spécifiques des travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui sont applicables seulement aux travailleurs migrants en situation régulière. Cette convention propose un certain nombre de mesures pour lutter contre les mouvements migratoires clandestins comme définis par l'article 68 de la convention. D'ailleurs, pour éviter cet amalgame entre migration légale et «illégale» en termes juridiques, il serait préférable que l'Occident ratifie au moins la partie 4 c'est-à-dire la deuxième catégorie des droits que je viens d'énoncer, de cette convention, ce qui permettra de garantir le droit des émigrés.