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L'eau, ce défi africain !
Publié dans Les ECO le 23 - 02 - 2012

C'est dans la ville de Marrakech que l'Association africaine de l'eau (AAE) a choisi de débattre de la question des «mécanismes et initiatives novateurs de coopération pour le développement durable des secteurs de l'eau et de l'assainissement en Afrique», thème de son 16e congrès et de l'exposition internationale sur l'eau qui ont démarré leurs travaux lundi 20 février, pour se clôturer aujourd'hui, en présence de plusieurs responsables, experts, chercheurs, décideurs et bailleurs de fonds. Pour donner de l'élan aux actions que mène l'AAE, celle-ci a tenu samedi dernier dans la ville ocre son assemblée générale, au cours de laquelle, le choix des membres a été porté, à l'unanimité, sur la présidente de la South African Association Water Utilities (SAAWU), la Sud-Africaine Duduzile Myeni, en tant que nouvelle présidente de l'AAE, en succession au Sénégalais Mamadou Dia, directeur général de la Sénégalaise des eaux (SDE). Il a été décidé aussi de retenir la candidature de la Côte d'Ivoire pour abriter, en 2014, les travaux du 17e congrès de l'AAE. La finalité de ces Assises est de concevoir une réflexion sur nombre de problématiques liées à la gestion et à la préservation des ressources hydriques en Afrique, notamment, au prisme des changements climatiques profonds caractérisés par l'irrégularité de la pluviométrie, la succession des périodes de sécheresse, l'augmentation des besoins en eau, en raison d'un boom démographique en nette augmentation, la prolifération des facteurs de pollution, et l'urbanisation effrénée...
Généralisation de l'accès à l'eau potable... le défi
Garantir l'accès à l'eau potable à l'ensemble des citoyens africains est un défi majeur à relever, ont souligné unanimement les experts présents. Or, l'entreprise demeure délicate. Bien que les efforts entrepris aient enregistré des progrès notables et encourageants en matière d'eau et d'assainissement en Afrique, le défi d'accès à l'eau bute sur les écarts des moyens financiers entre les uns et les autres membres de la communauté africaine, ont-ils rappellé. Ils estiment aussi que l'accès à l'eau potable demeure le maillon faible de nombre de pays africains. En filigrane de ce double écueil, la gestion rationnelle globale de l'eau pose encore problème dans la plupart des pays, quand bien même ceux-ci ont entrepris des réformes édifiantes depuis le début des années 90. L'ensemble des participants, chacun selon son domaine d'intervention, s'accordent à souligner l'impératif selon lequel il conviendrait de développer des approches innovantes pour une gestion efficace des ressources, d'apporter des solutions pour élargir les services aux populations urbaines les plus pauvres et d'engager une réflexion sérieuse sur l'utilisation raisonnée des eaux usées dans l'agriculture.
Selon nombre d'experts au fait des questions hydriques en Afrique, les mécanismes d'approvisionnement innovants ont été déployés et implémentés à travers le continent, afin d'accroître et d'améliorer la qualité des services aux pauvres. En dépit de cela, il convient d'en faire davantage afin de mesurer l'impact des bonnes pratiques pour pallier les effets de l'exode rural, et du nombre croissant de personnes concentrées en zones urbaines en Afrique, ainsi que de faire constater que l'utilisation des eaux usées dans l'agriculture est un phénomène croissant, en particulier là où, les densités des populations sont en forte croissance et où, l'eau potable se raréfie, tout en déplorant le fait que malgré les larges bénéfices potentiels de l'utilisation des eaux usées, celles-ci pourraient avoir des effets nocifs, notamment sur la santé et l'environnement, en fonction du niveau de leur traitement, du type d'irrigation, et des conditions locales. L'un des moyens de réduire la raréfaction de l'eau sans que cela comporte pour autant un risque envers la santé, et de minimiser la pollution de l'eau, serait de développer des capacités pour l'utilisation des eaux usées en toute sécurité dans leur usage agricole, estiment-t-ils.
La coopération...
Les experts et les spécialistes des questions hydriques en Afrique n'ont pas hésité à mettre en avant l'importance de la coopération et du partenariat interactif, lesquels ne peuvent, au final, qu'influer sur les processus décisionnels des politiques publiques africaines dans les secteurs de l'eau et de l'environnement, en interaction dynamique avec la protection de l'environnement. Le monde étant aujourd'hui à la globalisation, d'autant plus que la maîtrise de l'eau et la généralisation de l'accès à cette ressource ne sont possibles que dans le cadre et grâce à une coopération élargie entre l'ensemble des acteurs intervenants dans le secteur de l'eau. L'implication de la communauté internationale dans son ensemble pour gagner les paris liés à l'eau et à l'assainissement au début de ce troisième millénaire, témoigne du sentiment d'urgence à partager, pour que l'eau ainsi que les services d'assainissement, des facteurs clés du développement humain, soient accessibles dans des conditions optimales pour tous. La préservation des ressources hydriques passera nécessairement par l'accroissement et le renforcement des capacités, et la mise en synergie des efforts des acteurs politiques, des opérateurs économiques, de la société civile locale et transnationale, des agences de développement international, des organismes de promotion de la coopération bi et multilatérale, et des instituts de recherche et de développement.
Enjeu de société
Sur un autre volet, les participants se sont attachés à rappeler que la démographie est – elle l'a toujours été – un faisceau façonnant les politiques publiques plurisectorielles. L'on comprend que les décideurs publics lui accordent un intérêt particulier. Selon eux, en Afrique, plus qu'ailleurs dans le monde, la question démographique constitue une véritable problématique à ramifications plurielles. Car, non seulement l'essor démographique pèse sur les équilibres micro et macroéconomiques des Etats africains, de plus ou pire, elle plombe tous les efforts de progrès et de développement communautaires de chacun des Etats africains. Comme une véritable bombe à retardement, la question démographique est intimement liée à la gestion de l'eau et de l'assainissement en Afrique, expliquent-ils. À cet égard, une récente étude du PNUE (Programme des Nations Unies de l'Eau) et de l'ONU-Habitat laisse constater que l'essor des centres urbains est plus rapide en Afrique que dans le reste du monde. En conséquence de cette excroissance urbaine, le continent africain est confronté à de gigantesques défis en matière d'approvisionnement en eau potable et d'accès aux services d'assainissement. Selon cette étude, 40% des africains (400 millions d'habitants) vivent dans les zones urbaines, dont 60% dans des bidonvilles, avec tous les écueils conséquents liés à l'assainissement et à l'eau potable. Outre un contexte mondial conflictuel, les difficultés traditionnelles liées à la nature démographique et sociologique des nations africaines, le monde est frontalement soumis à une crise économico-financière aux dimensions et aux étendues sans précédent, l'Afrique en subit par là même l'impact évident. Pour eux, la croissance démographique urbaine galopante dans les villes sub-sahariennes continuera de constituer un défi majeur pour les services d'approvisionnement et d'assainissement d'eau, une situation d'autant plus complexe que les nouveaux arrivants s'installent de façon non planifiée et que les plus paupérisés doivent êtres desservis eux aussi.
Des pistes existent
Tout en rappelant que plus de 90% des activités d'approvisionnement en eau et d'assainissement liquide sont gérés par des compagnies des eaux publiques, et pas nécessairement dans des conditions idoines, ils se sont interrogés sur les rôles à confier aux partenariats publics-publics pour améliorer la gestion des opérateurs publics afin de généraliser l'accès à l'eau et à l'assainissement dans les pays en développement, en particulier les pays pauvres d'Afrique subsaharienne. Afin de faire face aux besoins croissants en investissements dans les secteurs de l'eau, qui excèdent, le plus souvent, les capacités financières du secteur public, de nouvelles méthodes de gestion ont été développées, à la fois, en zone rurale et urbaine, dont la plus courante étant la gestion déléguée à travers des régies et des sociétés privées spécialisées, bien que les coûts demeurent toujours élevés et finalement supportés par les consommateurs, déplorent-ils. Sur le rôle et la localisation de fournisseurs à petite échelle, ces experts considèrent qu'il est de plus en plus soulevé, à la lumière de la capacité des compagnies d'eau, nécessitant l'amélioration et l'extension de leurs services aux régions antérieurement non desservies. Il s'agit tout au moins de combler une lacune cruciale, déplorant le fait que ces fournisseurs opèrent en dehors des systèmes d'approvisionnement et d'assainissement d'eau nationaux, et sont souvent considérés comme étant «illégaux» remettant en cause les questions relatives à leur formalisation et à leur réglementation.
Point de vue
Loïc Fauchon,
Président du Conseil mondial de l'eau.
L'Afrique nécessite une augmentation des budgets consacrés à la préservation des ressources hydriques, avec l'impératif de prendre en considération l'impact des changements climatiques dans toutes les stratégies visant la promotion de l'eau, une source qui se fait de plus en plus rare en quantité et en qualité. Pour la promotion et la valorisation des ressources hydriques, nous continuons à nous appuyer sur trois piliers à savoir la gouvernance (organisation institutionnelle), la finance, c'est-à-dire la capacité à déterminer et à trouver des financements plus importants et enfin la connaissance, à travers le transfert des connaissances. Il faut échanger les savoir-faire et les bonnes pratiques dans tous les sens, en sortant du cadre classique nord-sud. Il faut savoir que l'Afrique a besoin, plus que les autres continents, d'une solution concernant le financement de l'eau, rappelant qu'il existe un ensemble de solutions telle que la remise des dettes liées à l'eau, sachant qu'il y a là, la capacité à garantir des fonds mobilisables pour contrôler le prix de l'énergie nécessaire à l'eau. De plus, il faudrait penser à rapprocher la gestion de l'eau du citoyen, lui donner la parole, il n'y a pas de stratégie nationale efficiente sans concertation avec les populations. Enfin, demain nous serons obligés de garantir la sécurité de l'eau à travers celle de l'énergie, ou celle de l'énergie à travers celle de l'eau car l'une est indispensable pour produire l'autre.
L'ONEP...5 milliards d'euros en dix ans
Le programme d'actions mis en place au cours de la dernière décennie par le management de l'Office national de l'eau potable, a bénéficié d'un investissement global de l'ordre de 2,5 milliards d'euros et à permis d'atteindre des résultats significatifs. En milieu urbain, la pérennisation, la sécurisation et la consolidation des infrastructures existantes alimentent les différentes villes et centres du royaume, et se sont traduites par le renforcement de la production par un débit supplémentaire de l'ordre de 860.000 m3/jour. En matière d'alimentation en eau potable du milieu rural, cette période a été marquée par la mobilisation de financements substantiels, et la réalisation d'un nombre conséquent de projets, ce qui a permis de desservir une population additionnelle de près de 6,5 millions d'âmes et d'atteindre un taux d'accès de 92% à fin 2011, contre 48% en 2001. C'est ainsi que le taux d'accès national à l'eau potable a atteint 97% faisant du Maroc un véritable cas d'école à l'échelle africaine au regard des objectifs du millénaire définis par les Nations Unies. Concernant l'assainissement liquide, l'ONEP a, à la date d'aujourd'hui, mis en service 42 stations d'épuration au cours des dix dernières années, et intervient dans la gestion du service d'assainissement au niveau de 80 villes, totalisant une population de 3 millions d'habitants équivalent à 635.000 clients, soit plus du tiers des clients de l'eau potable desservis par l'ONEP. En termes de volume de traitement des eaux usées, ce sont près de 166.000 millions de m3 qui sont quotidiennement épurés à travers les stations existantes.


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