Il a vu défiler une pléthore de figures illustres de la musique. De Ali Farka Touré à Manu Dibango, de Nusrat Fateh Ali Khan à Kultur Shock, en passant par Taj Mahal, Carlinhos Brown, Cheikh Lô et Alpha Blondy. Pour ne citer qu'une dizaine d'artistes parmi les milliers qui ont traversé les Pyrénées espagnoles avant d'accoster sur le lac artificiel de Lanuza, situé à quelques kilomètres de la France. Le motif de pèlerinage de ces artistes et partant, celui de leur fans, porte le nom de «Pirineos Sur» (Pyrenées du Sud). D'abord festival international de grande envergure, «Las Culturas» n'en est pas moins un motif national de regain d'une contrée bucolique que la nature n'a pas épargné de ses caprices. Un scénario local veut qu'à la fin des années 70, des inondations emportent, sans signal préalable, les maisons villageoises de toute la vallée Tena. C'est sur l'ordre de Franco que l'expropriation des habitants ne tarde pas à les déplacer vers les hauteurs des sommets pour qu'un barrage prenne place, annonçant, par conséquent, le chaos d'une région qui ne captive plus que des randonneurs occasionnels et autres skieurs. Puis vient le festival «Pirineos Sur» ! Une première édition a donc lieu en 2001, annonçant le début d'une nouvelle ère dans la région, et avec, la célébration et la reconnaissance des cultures du monde. L'amicale des artistes Depuis la création de «Pirineos Sur» en 2001 par la députation de la Huesca (province située dans la communauté autonome d'Aragon), chaque édition célèbre une région, une identité ethnoculturelle, sinon un événement historique significatif. C'est le cas de cette 19e édition qui a pris fin dimanche dernier au gré de la célébration du bicentenaire de l'indépendance latino-américaine. Aussi loin du Maroc qu'elle puisse paraître, tant par sa thématique que par sa philosophie, cette dernière édition avait été pourtant annoncée lundi 17 mai 2010 à l'institut Cervantes de Casablanca. En effet, l'équipe organisatrice du festival maintient des relations amicales et artistiques avec ses confrères marocains, nommément Momo et Hicham, les co-directeurs du Boulv'art Festival. Le premier contact avec la nouvelle génération du «plus beau pays du Monde» a eu lieu en 2006, quand Amel Abou El Aazm, alors manager du groupe de fusion Darga, s'est transporté avec ses co-équipiers à la rencontre de cieux plus cléments. À la première rencontre, succès, admiration mutuelle et échange culturel prennent forme avec le duel «Lafabricadeideas», en la personne de Yolanda Lopez et Ruben Caravaca. Ainsi, en 2007, les rappeurs Hkayne y sont conviés à leur tour, confirmant ainsi les chances de fusion des deux pays sur le plan culturel. Maroc et Espagne, bien de choses à échanger En 2009, une co-production entre le festival «Pirineos Sur» et le «Boulv'art Festival» a eu pour dessein de «Casser le mur» entre les artistes des rives de la méditerranée. Dirigée par l'espagnol Luis M. Bajen, la résidence Romper El Muro qui avait réuni Oum, Hicham Bajjou, Dj Mood , Badr Belhachemi (Ex-Darga) et Foulane Bouhssine et des artistes espagnols a connu une large consécration sur le plan international et, continue après avoir sillonné combien de scènes internationales, de conquérir les fans marocains en cette saison estivale. Sans se chevaucher, une deuxième résidence a eu lieu cette année, inscrite dans ce même esprit d'échange et de convergence de la musique espagnole, tradi-moderne, à celle du Maroc. Les artistes de cette nouvelle formation, Mohamed Barry, Brahim Terkemani, Mohamed Yassine et Ali Aït Tahiri ont rejoint les membres de la formation d'Alejandro Monserrat, une des références aragonaises en Flamenco. Ensemble, ils ont cohabité, écrit, composé et performé pour une première fois au Maroc, au «Boulv'art» des jeunes musiciens(2010) et à l'institut Cervantes quelques jours plus tard. Jusque-là, le pays d'Alejandro Monserrat n'avait pas encore vu la prestation commune des musiciens de la méditerranée. Samedi 17 juillet dernier, sur le lac de Lanuza, des centaines de spectateurs sont venus scruter le fruit de l'effervescence de cette musique d'«Alejandro Monserrat & Al Baida» où des rythmes gnaouis, chaâbi, et autres plus classiques ont alterné les rythmes folkloriques espagnoles et chants saisissants. L'attraction musicale en question a suivi le concert de l'envoûtante Oum qui a ouvert le bal à cette soirée africaine. Les deux prestations n'ont pas laissé indifférents les journaux espagnols locaux et autres internationaux. «C'est une rencontre attractive et remarquable, de par sa qualité artistique et parce qu'elle a lancé un défi pour éperonner les vertus d'un musicien et interprète comme Alejandro Monserrat», disait Elperiodico. Heraldo.es, quant à lui, parle dans sa version électronique du 17 juillet dernier, du sortilège d'Oum, celle qui a cassé le moule d'une génération d'artistes maghrébins. Bien dit ! Clôture en hommage à Ali Farka Touré Ali Farka Touré a brimbalé le lac artificiel de Lanuza en 2000, et c'est sur cette même scène que le festival lui rend hommage 10 ans plus tard. La charge a été confiée à ses fidèles disciples, Afel Bocoum et Toumani Diabaté. Afel Bocoum est un musicien, guitariste et chanteur malien, né à Niafunké en 1955. C'est dans cette petite ville nichée sur le fleuve niger qu'il vivait avec le grand Ali Farka Touré. Ensemble, ils ont joué près de 30 ans, partageant la même passion pour la musique et l'agriculture. Afel n'avait que 13 ans, quand il a débuté sous l'aile du maître. Dans les années 80, le jeune protégé fonde son propre groupe qu'il baptise Alkibar, littéralement «messager du grand fleuve» en langue Sonrhaï; le groupe réunit des musiciens aux instruments traditionnels comme la Njarka (violon à une corde), la Njurkel (guitare à deux cordes), la calebasse et la guitare acoustique. Enfin, c'est Toumani Diabaté qui a clôturé vingt jours de sonorités latino-américaines. Considéré comme l'un des plus grands joueurs de Kora, née d'une famille de griots et de virtuoses de Kora, l'artiste malien signe une carrière dans laquelle bien d'artistes de renom marquent de leurs talents. On peut citer sa collaboration avec le regretté Ali Farka Touré avec qui, Diabaté co-produit en 2005, un album titré «In the heart of the moon», lequel a obtenu le grammy awards du meilleur album traditionnel de musique du monde en 2006.