J'ai décidé aujourd'hui, pour mon plaisir et pour me venger un peu, de jouer le rabat-joie pour ceux et celles, bien chanceux et bien chanceuses, qui se dorent la pilule, la tête à l'ombre et les pieds au soleil et vice-versa, et qui feignent d'ignorer que bientôt, il va falloir rebrousser chemin pour se remettre sur le droit chemin. Je me venge et ça me fait plaisir car, cette année, et contrairement à eux et elles, j'ai zappé mes vacances d'été pour des raisons qu'il serait trop fastidieux de vous énumérer. Je disais donc que tous les vacanciers et toutes les vacancières vont bientôt faire demi-tour, car c'est bientôt la faim. Je dis «bientôt», mais en fait, je devrais dire «très bientôt» car il n'y a plus que 15 jours qui les séparent, et nous avec, de ce sacré mois du ramadan, mois de piété et de dévotion, certes, mais aussi d'abstinence et de privations. Alors, justement, certains et certaines, sentant la faim et la soif prochaines, s'en donnent à cœur joie risquant de mettre à dure épreuve leur cœur, et parfois aussi leur foie, en faisant les bouchées doubles et les gorgées troubles. J'en connais même qui s'efforcent de rester éveillés jour et nuit, se goinfrant comme des boulimiques incurables, buvant comme des buvards insatiables, et festoyant comme des fêtards infatigables. Et ça peut durer plusieurs semaines avant la date de la diète. À les voir ainsi, on croirait qu'ils se préparent à la fin – la faim ? – du monde. Et puis, il y a les autres, probablement très nombreux, qui jouent sur tous les tableaux et, donc, qui gagnent à tous les coups. Pour faire court, je dirai que cette faune, qui fait partie en général de la fine fleur, mange à tous les râteliers. Dans cette catégorie, il y a, grosso modo, deux sortes. Il y a ceux «qui ne sont pas là, dans tous les sens du terme. On pourrait les appeler les «M.A.R.R.E.» ou «Marocains Anti Ramadan Réfugiés à l'Etranger». Ceux-là, accompagnés ou non de leurs propres celles-là, émigrent carrément vers des contrées plus ou moins lointaines, le temps que les braves gens d'ici-bas reviennent à la normale. Et puis, il y a ceux que j'appelle «les caméléons» car ils s'adaptent à tous les milieux et à toutes les ambiances. Le jour, en cachette ou même à la lumière du jour, font tout ce qui est banni et outrepassent tout ce qui est interdit. Et, le soir venu, en gandoura ou en burnous, ils redeviennent comme nous tous, c'est-à-dire comme vous et moi, et d'ailleurs plus vous que moi, de parfaits dévots tout en émoi. Attention : je ne suis ici ni pour remettre les pieux sur le tapis, ni pour tirer les oreilles des fans de «Mali». En fait, je ne suis le porte-voix de personne car, comme chacun sait, les voies du Seigneur sont impénétrables. Dans tout ça, moi je voulais juste me venger de ceux qui sont partis sans moi. Le reste, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé. Pardon : mon bol de harira. En attendant le croissant, amusez-vous bien les copains, mais n'oubliez pas que c'est bientôt la faim. Fin !