Et de six pour les journées musicales de Carthage qui investissent la ville de bonheur et de talent depuis le 11 octobre. L'évènement qui met en avant la scène musicale nationale et internationale a fait son levé de rideaux la veille du résultat des élections présidentielles. Historique. Sur la grande avenue Habib Bourguiba, un vent de liberté souffle sur Tunis. Les Tunisiens profitent de la musique et des concerts autrement. Ils viennent d'élire un nouveau président, un président qu'ils ont choisi ! «Le peuple a voté, on est fiers de notre Tunisie !», scande la jeunesse en mouvement. Il va sans dire que le festival musical de Carthage a un arrière goût de liberté et de fierté. L'équipe du festival qui a assumé jusqu'au bout de ne pas reporter l'évènement malgré les menaces et les conseils, savoure une ambiance particulière telle des festivités après le grand changement. Le festival dont le directeur est Imed Alibi se balade de genres en genres, d'univers en univers, de salle en salle, de scène en scène à la Cité de la culture, de l'avenue Habib Bourguiba à la Cathédrale de Tunis en passant par le Palais Ennajma Ezzahra. Une scène musicale riche et variée Révolution arabe ou pas, les musiciens tunisiens ont toujours eu ce petit supplément d'âme. Depuis le Printemps arabe, la scène a changé, elle est plus engagée, plus libre. Le parfait exemple pour illustrer cela est le groupe Gultrah Sound System. Les pionniers de la scène tunisienne, un groupe formé en 2006 fondé par Halim Yousfi (guitare, chant), Wissem Ziadi (violon, chœur) et Malek Halim (percussion, chœur) avait déjà anticipé la Révolution avec une soif de changement, des textes engagés et enragés sur la société tunisienne et maghrébine et tous les maux qui la sévissent. Sur des airs de reggae, musique de revendication, le Bob Marley maghrébin parle des tabous, de la corruption, de la misère, des injustices. Sur scène, il a un charisme qui embarque tout le monde : fans avertis ou curieux qui ne savent pas encore ce qui les attend. Engagé socialement, politiquement et sentimentalement, le leader du groupe se laisse prendre par l'émotion pendant la chanson «Ween» en piano voix. Un moment d'une profonde sincérité où le public et lui ne faisaient qu'un. En plus de paroles puissantes, la musique est entraînante et riche. Le stype reggae jazz funk fusionné est sublimé tantôt par des notes mélancoliques d'un violon toujours à sa place ou par des rythmes endiablés de percussions. Un concert d'une rare intensité qui a transporté l'audience dans l'univers aussi unique que nécessaire de Gultrah Sound System. Une programmation qui ose Les 6e journées musicales de Carthage, c'est toute une programmation diverse qui ose les genres différents. En commençant les festivités par le surdoué Amine Bouhafa qui a raflé le César de la meilleure musique pour Timbkutu et l'Orchestre symphonique tunisien, le festival annonçait déjà le ton d'un évènement avec une personnalité bien trempée et du goût avant tout. Un beau hasard, celui qui a fait que le soir des résultats des élections présidentielles, Amzigh Kateb de Gnawa Diffusion était au programme des festivités. Un concert mémorable et d'une belle intensité qui restera dans les annales de ce rendez-vous musical riche. Le poète algérien à la voix profonde a chanté l'amour, la révolution, les valeurs humaines. Un concert qui a raisonné d'une manière particulière et qui a marqué le musicien auteur compositeur et interprète. Emu par l'alchimie avec son public, Amazigh Kateb a avoué être honoré de chanter «un soir de liberté et de démocratie comme celui là». Viendra le tour de la Marocaine Asmâa Hamzaoui et Bnat Timbouktou. La maâlema au guembri a séduit par une voix qui a résonné dans toute la grande place et un répertoire tagnaouite qui a touché les âmes. Les soirs se suivent mais ne se ressemblent pas. Les concerts s'enchaînent et les découvertes sont meilleures à chaque fois. La puissance de l'interprétation de 100% Lornoar qui vient du Cameroun a laissé le public sans voix. Seule au milieu de la scène, avec sa guitare, la musicienne a chanté de toute son âme l'amour et la paix. Au fur et à mesure de son show, elle laissera place à une véritable bête de scène qui chante comme elle danse ou joue de la guitare, sans complexe et avec «les tripes». La rockeuse africaine a déchaîné la foule, debout pour danser sur les dernières chansons. Un tourbillon de folie avant d'atteindre la spiritualité avec Faiz Ali Faiz, du Pakistan. Un voyage musicale incroyable où le musicien ancré sur terre chante le divin, le beau, l'aérien. Un festival qui propose un tour du monde pas comme les autres et qui se poursuivra jusqu'au 18 octobre avec la Marocaine Soukaina Fahsi ou le Palestinien Faraj Suleiman pour ne citer qu'eux. La semaine s'apprête à être courte et intense…