Ouadih Madih. SG de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC) Ce représentant de la défense du consommateur fait le bilan de dix ans de relations avec les organisations professionnelles des médecins. Madih revient sur l'évolution des plaintes des patients et les efforts déployés pour améliorer la relation médecin-patient. De cette expérience, il dresse un bilan amer. Comment a évolué la relation médecin-patient au Maroc? D'abord, il y a deux niveaux dans cette relation. En premier lieu, une relation médecin-patient, et un deuxième niveau médecin-consommateur. Pour le premier type, la base de cette relation est la confiance, et elle est du ressort du médecin. L'intervention médicale s'appuie sur ce principe fondamental. Je dirai même que c'est un préalable à la guérison guérison. Cette première partie est, admettons, acquise. Maintenant, il y a la deuxième relation qui est purement commerciale. C'est à ce niveau que nous intervenons, et c'est dans ce ce registre que d'énormes problèmes se posent entre les deux parties. Pourquoi y a-t-il autant de problèmes entre les deux parties? Les médecins ont tout simplement une faible formation en matière de droit commercial et de management. Souvent, les médecins du secteur privé ignorent les lois régissant la relation commerciale. Résultat, un non-respect de la réglementation, un-non respect de la tarification et une sur-facturation. C'est ainsi que durant des années, nous avons reçu des centaines de réclamations des citoyens relatives à la santé dans le secteur privé. Pour illustrer mon propos, je vous donne un exemple. La dernière réclamation reçue dans un nos centres est la suivante: un dentiste refuse de délivrer une facture à un patient. La réponse du médecin était symptomatique de son ignorance de la loi. À la demande du patient souhaitant une facture, le dentiste lui répond: «Notre Ordre nous a interdit de donner des factures»! Aujourd'hui, le patient marocain est prêt à payer le prix fort, mais il demande le respect de la loi. Un journaliste de la SNRT est accusé par l'Ordre des médecins de salir l'image de cette profession. Votre commentaire? Les propos de M. Ammoura ne sont pas dénués de fondements. En tant que protecteur des consommateurs, je l'affirme: des médecins ne respectent pas le droit du consommateur, le droit du patient et les lois marocaines. Nous avançons ce constat avec des documents et des cas précis. La surfacturation, le «noir», «le chèque de garantie» ne sont pas des vues d'esprit, ces pratiques existent sur le terrain. Et bien sûr, nous le dirons à chaque fois: tous les médecins et cliniques ne sont pas impliqués dans ces pratiques. Il faut donc que cette hypocrisie cesse. Ce n'est pas à chaque fois qu'un médecin est critiqué que cette profession doit mobiliser ses troupes, avec le ministère de la Santé venant à leur rescousse. Comment ont évolué les plaintes reçues par votre fédération les dix dernières années? Après une période de hausse, les plaintes sont désormais en baisse. La raison est toute simple: les gens ne croient plus aux recours. Certes, nous avons traité des cas avec des médecins et des cliniques qui étaient coopératifs, ce qui nous a permis de résoudre des problèmes. Avec d'autres structures de soins privées, nos efforts étaient vains. Même que dans certains dossiers, nous avons pris contact avec les régulateurs publics (l'ANAM, le ministère de la Santé, l'Ordre des médecins), sauf que rien n'a jamais été fait. Nos demandes sont restées lettre morte. En tant qu'institution de médiation sociale, quels sont les efforts déployés pour changer cette donne? Nous avons tenu à maintes reprises des réunions avec des organisations professionnelles de médecins. Lors de ces rencontres, nous avons appelé les médecins à lutter contre ces pratiques pour que cette image négative arrête de coller aux médecins. Ne fallait-il pas se montrer plus insistant auprès des organisations professionnelles des médecins? Dès la création de l'Association de défense de consommateur de Casablanca en 2009, les médecins étaient parmi les premières professions que nous avons contactées. Nous voulions travailler dans un esprit de collaboration. C'est ainsi que nous avons rencontré l'Ordre des médecins, l'Ordre des médecins dentistes et l'Association nationale des cliniques privées au Maroc (ANCP) ainsi que plusieurs organisations professionnelles. À cette époque, nous avons expliqué notre vision en long et en large, expliquant notre disposition à collaborer avec eux pour le bien des citoyens. Notre démarche ne vise jamais à casser un secteur ou à le critiquer gratuitement. Notre but ultime est la préservation du droit du consommateur. Dix ans après, je fais le bilan de cette expérience: les professionnels de la santé sont hermétiques aux critiques et aux réclamations. Cette attitude est confortée par l'absence de mobilisation de l'Etat et des régulateurs pour mettre fin à ces situations.