Les trois premiers mois de la nouvelle année sont aussi ceux des arrêtés des comptes pour les entreprises. En ces jours, les services financiers des entreprises et les experts-comptables travaillent à flux tendu. L'heure est à la préparation des bilans pour les Conseils d'administration. Si, à ce niveau, les grandes entreprises ne rencontrent aucun souci majeur du simple fait qu'elles disposent de services adaptés et par conséquent d'une comptabilité bien ficelée, appuyée par des arrêtés comptables mensuels, c'est loin d'être le cas de bien des PME marocaines. Le manque de rigueur qui prévaut trop souvent dans ce type de structures fait que leur «production de l'information comptable est sujette à un contrôle rigoureux», explique Mehdi Benouna, expert comptable. En cause, la différence organisationnelle entre les deux types de structures. Il va sans dire que les grandes entreprises sont celles qui disposent de la plus grande charge de travail, due notamment au volume des mouvements comptables, plus élevé que celui des PME, mais leurs méthodologies de travail se caractérisent par une organisation des systèmes d'information (SI) permettant le traitement des opérations comptables, de manière sécurisée, tout au long de l'année. Par contre, du fait des insuffisances de leurs SI, les PME doivent procéder à un ensemble de préparatifs pour pouvoir assurer une clôture des comptes fluide et dans les délais. Ceci étant, pour une PME comme pour une grande entreprise, les bilans de fin d'année sont d'une importance capitale. PME, sous les projecteurs du CAC À quoi peut bien servir une comptabilité des entreprises ? La réponse est simple. Il s'agit, en effet, de «donner une image fidèle de sa réalité économique aux acteurs extérieurs», explique-t-on parmi les comptables. Parmi ces derniers, deux se distinguent particulièrement, de part leur importance : le fisc d'un côté pour lequel il s'agit d'abord d'une disposition lgale et qui s'appuie sur la comptabilité des entreprises, et le niveau de leurs bénéfices pour déterminer la ponction fiscale; de l'autre côté, les créanciers, les banquiers et les actionnaires qui détiennent le cordon de la Bourse. Seulement, les uns et les autres ont, vis-à-vis de la comptabilité, des exigences contradictoires. À l'égard du fisc, les chefs d'entreprises ont intérêt à minimiser leurs bénéfices. À l'inverse, les mêmes chefs d'entreprises cherchent à présenter leurs sociétés sous leurs meilleurs jours aux créanciers. «Le bilan annuel, qui se donne l'apparence d'un document officiel, infaillible, et qui est une fidèle image de la réalité économique de l'entreprise, intègre en fait une bonne dose d'interprétation» déclare Mehdi Sanad, directeur administratif et financier d'Accenture Maroc Services. La loi offre aux services comptables une panoplie d'instruments leur permettant de réaliser un véritable toilettage du bilan et du compte de résultat. Les lacunes de ces règles ou, plus souvent, les incertitudes relatives à leur interprétation donnent lieu à une créativité comptable peu compatible avec l'image fidèle que les comptes sont censés donner de l'activité, des résultats et de la situation financière de l'entreprise concernée. En schématisant, l'art des services comptables consiste à présenter un bilan optimisé, tout en respectant la loi. Concrètement, comment entreprendre cette finalisation pointue des comptes de fin d'année ? Selon les experts comptables, les provisions sont l'outil privilégié des directions. Et pour cause «leur facilité d'emploi et l'importante marge de manœuvre qu'elles offrent», ajoute Sanad. Quand une société provisionne, elle inscrit comme charge un montant qui correspond à une dépense ou à un manque de recettes attendues, mais non certaines. Du coup, l'entreprise a légalement la possibilité de constituer des provisions sur tous les postes qui peuvent représenter une prévention de dépenses ou de pertes futures. Comme les provisions, les amortissements peuvent aussi servir à optimiser le résultat de l'exercice. En d'autres termes, quand une entreprise investit dans un bien destiné à durer plusieurs années, plutôt que d'en subir le coût sur un seul exercice, elle peut constater chaque année la dépréciation normale du bien par une dotation dite charge d'amortissement. Or, il existe plusieurs méthodes pour en évaluer les montants annuels. «Le fisc laisse d'importantes marges de manœuvre pour le choix de l'une ou l'autre de ces règles», explique cet expert. En effet, l'entreprise pourra amortir le bien sur une durée plus courte. Amortissements et provisions sont, par conséquent, les «ficelles» les plus connues pour optimiser sa comptabilité dans les règles légales. Dans le même esprit, il existe d'autres méthodes visant le même objectif, telles que l'évaluation des produits des travaux en cours et des stocks. Comment préparer une mission de CAC réussie La préparation d'une mission de commissariat aux comptes (CAC) réussie nécessite à la PME, la prise en compte de trois principales variables. D'abord, il faut savoir qu'une mission d'audit, coûte pour une PME, qui traite avec un modeste cabinet d'expert comptable, une prestation variant entre 50.000 DH et 120.000 DH. Ce prix est calculé sur la base des heures travaillées lors d'une mission. S'agissant du coût horaire, sa marge est comprise dans la fourchette de 700 DH à 2.000 DH. Du coup, chaque minute perdue est une perte d'argent. D'où l'intérêt d'optimiser la durée, car dans ce type de mission, le temps vaut de l'argent. Pour optimiser la durée, la PME doit, en premier lieu, revoir les recommandations et les réserves de l'exercice précédent, et réagir en fonction de ces dernières. «Les premiers points par lesquels commence, le CAC, sont ceux relevés lors de l'exercice passé», explique Mehdi Benouna, auditeur au Cabinet Kamar Benouna. En deuxième lieu, la PME a intérêt à procéder à une préparation de l'inventaire annuel, la collecte des relevés commerciaux ainsi que les pièces manquantes des transactions avec les fournisseurs, et surtout s'assurer que les commandes sont livrées avant la clôture de l'exercice comptable. Par la suite, elle doit préparer les copies et les originaux des documents comptables de base par département et par section comptable. Dans la troisième phase, l'entreprise doit préparer les analyses des comptes, notamment celles qui représentent un volume important comme les comptes sociaux, fournisseurs et clients. Car «force est de constater qu'au niveau de ces comptes, les comptables commettent d'énormes erreurs, c'est la préparation de ces analyses qui permettra de détecter les fautes avant le contrôle du CAC», explique Mehdi Sanad. Prudence de taille, l'entreprise ne doit pas déléguer la préparation du planning de la mission au commissaire. Ce dernier doit être préparé en concertation avec la PME, déclare Benouna, qui ajoute que cela permet à l'entreprise de connaître à l'avance les étapes de la mission, afin de pouvoir rendre disponible leur directeur durant cette période, mais aussi sensibiliser les collaborateurs sur l'importance de la CAC. Point de vue Mehdi Sanad, Directeur administratif financier de Accenture Service Maroc. La préparation aux arrêtés des comptes doit se faire de manière régulière tout au long de l'année. Cette démarche est surtout conseillée pour les entreprises disposant d'une comptabilité très mouvementée ou encore d'un effectif réduit au niveau de la direction concernée. La méthodologie de préparation peut aisément être adoptée par une PME. Pour ce faire, les entreprises concernées doivent procéder à une clôture comptable sur une base mensuelle pour revoir et analyser ces comptes. Cette discipline comptable leur permettra d'avoir une vision très claire de leur activité ainsi qu'une certitude raisonnable que leurs comptes sont bien analysés. Résultat, au moment de la clôture annuelle des comptes, l'entreprise ne fait pratiquement qu'opérer la consolidation d'un travail déjà réalisé mensuellement durant l'exercice.