Bernard Ferran. General Manager Europe, Middle East, Africa and CIS of Euroclear, dépositaire central La Blockchain serait la solution pour dynamiser les marchés. Or le problème est ailleurs. Risques opérationnels, cybercriminalité, manque de liquidité...autant de maux qui peuvent fragiliser un marché financier. Bernard Ferran, DG d'Euroclear, un des plus importants dépositaire central en Europe, donne son avis. Lors du 5e forum mondial des dépositaires centraux tenu le mois dernier à Marrakech, les intervenants ont beaucoup parlé de risques. Quels sont concrètement ces risques et faut-il y voir une réponse commune ? Les risques inhérents dans l'activité d'un dépositaire central sont principalement des risques opérationnels. Il y a aussi le risque de la technologie et ce qu'on appelle la cybercriminalité. C'est un sujet qui est très à la mode et qui demande énormément d'investissements pour être à niveau. Il y a donc matière à mutualiser tous ces efforts pour essayer d'arriver à une approche commune en matière de technologie mais une technologie renforcée. C'est-à-dire que si chacun s'équipe de son côté, chacun achète des software pour se protéger alors qu'il existe peut-être une nouvelle technologie qui permet d'éviter qu'il y ait des risques d'intrusion et donc je pense que les marchés en l'occurrence les dépositaires centraux comme Maroclear et les collègues partout dans le monde devraient pouvoir avoir un dialogue beaucoup plus en concertation de manière à essayer de mutualiser tous les efforts pour se défendre parce que ce n'est pas une question de quand est-ce que l'on va être attaqué mais plutôt de savoir si l'on est vraiment attaqué. Il n'y a rien de plus problématique que de ne pas savoir qu'on est attaqué ou que l'on sait qu'on subit une attaque parce que tôt ou tard, on va subir une attaque et à ce moment là on n'arrivera pas à réagir. Donc il est très important que tous ces dépositaires centraux de valeurs comme Euroclear et Maroclear puissent s'équiper et se mettre à niveau le plus vite possible mais cela demande énormément d'investissements et se chiffre en millions de dollars. Ce n'est pas quelque chose qui peut-être fait du jour au lendemain parce qu'il y a un coût pour le marché mais c'est un coût qui est nécessaire parce que le rôle principal d'un dépositaire, c'est avant tout de protéger les investisseurs. Et la protection pour moi n'a pas de coût. Il faut avoir cette démarche de se mettre à niveau pour éviter qu'une attaque ou une intrusion ne puisse être néfaste pour tout le marché. Le discours actuel prône la blockchain comme la solution à tous les maux du marché financier ? Qu'en pensez-vous ? Blockchain, c'est juste une solution technologique, ce n'est pas cela qui va changer le marché fondamentalement. Il y a des fondamentaux qui doivent être respectés dans un marché, à savoir des introductions en Bourse, de la liquidité, une certaine activité et tant que ces ingrédients ne sont pas réunis, ce n'est pas la Blockchain qui va révolutionner le marché. Pouvez-vous nous livrer votre appréciation sur le marché des capitaux marocains ? Comment estimez-vous son évolution ? Un de mes mandats, c'est également de couvrir l'Afrique, en plus du Moyen-Orient et de l'Europe. Je vois des économies à deux niveaux c'est-à-dire des économies un peu plus matures (au niveau européen) et des économies un peu plus émergentes dans les pays africains et les pays du Moyen- Orient mais pour le cas du Maroc et je ne cesse de le répéter : le Maroc n'a rien à envier aux autres. À savoir qu'en termes de réglementation, le Maroc est tout à fait à niveau. En termes de supervision, le Maroc atteint un niveau impressionnant. En termes de technologie, la Bourse de Casablanca et le dépositaire Maroclear sont vraiment au niveau des pays les plus matures. Je pense que le Maroc ne doit certainement pas rougir de ce qu'il est en train d'accomplir, au contraire. Le pays dispose d'un système assez puissant qu'il essaye d'exporter un peu partout en Afrique. Ce qui manque malheureusement au Maroc aujourd'hui, ce sont les liquidités. Il n'y a pas assez de liquidités sur la Bourse qui permettra justement de faire monter en puissance le Maroc. Une fois la liquidité revenue, puisqu'elle était là il y a encore quelques années après que les investisseurs se sont désengagés de la Bourse, le Maroc pourrait être considéré comme un pays émergent. Quelles sont les pistes, selon vous, pour retrouver cette liquidité ? Il faut avoir plus d'introductions en Bourse, que la courbe des taux au niveau obligataire soit un peu mieux établie, c'est-à-dire avoir des émissions plus régulières aussi bien de la part du Trésor que de la part des sociétés. Il faut inciter les entreprises à venir se coter en Bourse d'une manière un peu plus proactive. Le Maroc a une grande chance aussi grâce à la présence d'un grand nombre d'OPCVM considéré comme un instrument assez puissant sur le marché national. Il existe beaucoup d'avoirs et d'actifs en cours, ce qui représente un atout comparé aux pays voisins mais il manque toujours cette liquidité. De toute façon, cela reste un problème mondial et pas spécifique au Maroc…Le pays a été un peu pénalisé avec la crise de 2008 où les investisseurs se sont désengagés mais quelque part le Maroc a tous les atouts nécessaires pour pouvoir faire revenir les investisseurs ici. Et nous si Euroclear peut contribuer à les faire revenir au moins sur la dette du gouvernement. C'est quelque chose qu'on discute très fortement avec Bank Al-Maghrib et le Trésor.