La tête déjà à Davos, c'est un Benkirane égal débordant d'assurance qui s'est présenté hier devant les parlementaires pour répondre aux questions, et surtout aux critiques, qui ont fusé de partout sous la coupole. En costume et cravate, désormais une habitude, le chef du gouvernement, faisant montre d'un grand talent et d'une gestuelle éloquente pour marquer ses paroles, est apparu sous la forme du «sauveur», insistant sur le maintien des promesses faites dans sa déclaration de politique générale et réfutant, souvent de manière intelligente, les critiques de ses détracteurs. Ambiance détendue et climat frôlant parfois l'hilarité n'ont cependant pas fait oublier au chef de l'Exécutif la lourdeur des défis qu'il aura à mener lors de son mandat, à commencer par la gestion de cette opposition qui promet d'être virulente envers le PJDiste. Un clin d'œil particulier a été fait dans ce sens au PAM, (dont le secrétaire général présidait d'ailleurs la première séance devant les conseillers), rappelant que même si les deux partis ont souvent été du même côté, celui de l'opposition, sous l'ère Abbas El Fassi, cela ne justifiait en rien un rapprochement lors de la formation de la majorité. Le RNI de son côté, aurait surpris Benkirane lorsqu'il a choisi l'opposition alors qu'il s'apprêtait, dit-il, à faire appel à lui. Le cas de l'USFP, en revanche, paraît moins inquiétant pour le chef du gouvernement, lequel reconnaît avoir tendu la main au parti de la rose, lequel a préféré s'atteler à sa restructuration interne. Ferme, comme toujours Lors de son dernier oral avant le vote de la politique générale de son gouvernement, Benkirane est une nouvelle fois revenu sur la représentativité des femmes au sein du gouvernement. Pour lui, ceci n'est pas la faute du gouvernement en soi, mais c'est la responsabilité des partis eux-mêmes, qui doivent mettre en place des mécanismes à même de permettre une montée «naturelle» des femmes dans les instances. Au-delà de la justification, l'intervention du chef du gouvernement sur ce volet semblait plus prendre l'air d'un message adressé particulièrement aux femmes. «Je sais ce que vous attendez de moi», semblait en effet dire Benkirane lorsqu'il énumérait les attentes de la femme marocaine. C'est d'ailleurs là le volet où le speech de Benkirane, que ce soit devant les représentants ou les conseillers, prenait le plus un ton autoritaire et insistant, promettant à ce titre d'œuvrer pour pousser les partis politiques à mettre en place un cadre réglementaire garantissant aux femmes la représentativité demandée. Tentait-il de reconquérir son électorat féminin, qui paraissait perdu après l'annonce de la liste des ministres ? En tout cas, Benkirane a sorti son joker pour convaincre de sa sincérité en jouant cartes sur table et en mettant son parti dans le lot des partis qui devraient revoir leur copie à ce niveau. De quoi faire retentir les applaudissements d'une coupole qui paraissait acquise, ou presque, à la cause du chef de l'Exécutif. Ceci était également le cas lorsque celui-ci tapait, d'une main ferme, sur son pupitre, pour signifier aux parlementaires que le temps où l'enrichissement de «certains» se faisait sur le dos des citoyens était révolu. Sur ce point, le chef du gouvernement n'hésitait à aucun moment à tendre la main à l'opposition, l'invitant à s'allier à la majorité pour lutter contre ce fléau, chose qui a été accueillie par un «oui» unanime. C'est du moins ce que laissait paraître la réaction de l'auditoire. Le coup de grâce... c'est l'émotion ! En attendant de voir si tout cela va se concrétiser sur le terrain, force est de constater que Benkirane a usé «d'armes» différentes pour répondre aux critiques de ses détracteurs. Après le ton ferme, la main tendue, c'était autour de l'émotion de prendre le dessus dans son allocution. C'était notamment le cas quand Benkirane justifiait de l'intérêt qu'accorde son gouvernement à la réforme du secteur de la santé, citant une anecdote d'un proche de sa famille qui est décédé parce qu'il n'a pas été accepté dans un hôpital. Aux anecdotes, il faut rajouter les vieux dictons marocains qu'a maniés le PJDiste pour répondre aux critiques qui reprochaient au parti d'appliquer certaines mesures qu'il reprochait auparavant au gouvernement précédent lorsque le PJD était à l'opposition. Bref, Benkirane a prouvé une nouvelle fois dans ce grand oral qu'il avait plus d'un tour dans son sac pour faire valoir ce qu'il disait. Le chef de gouvernement a d'ailleurs regardé droit dans les yeux ses désormais «ennemis» en lançant: «je suis sûr de gagner la confiance même de ceux qui ne voteront pas».