Campagnes de santé scolaire, autopsies, caravanes médicales, réunions, formations.. toutes les activités du ministère de la Santé seront gelées jusqu'à ce que les conditions s'améliorent ainsi que les salaires. Avec un salaire maximum de 16.000 ou 18.000 DH, un médecin du public ne peut résister aux sirènes de l'émigration. Un médecin du secteur public commence sa carrière en tant qu'interne avec un salaire de 3.000 DH par mois. Il passe à 8.000 ou 8.600 DH lorsqu'il est titularisé et finit son parcours professionnel avec un salaire maximum de 16.000 à 18.000 DH. C'est dire combien les 12 années d'études dans des conditions spartiates et la dure sélection par laquelle il est passé ont eu peu d'effet sur sa situation matérielle. S'il faut ajouter à cela des conditions de travail rédhibitoires, voire dangereuses puisqu'en contact direct avec des citoyens mécontents, grèves et manifestations deviennent l'unique recours pour changer la donne. C'est au début de ce mois de mars que le Syndicat indépendant des médecins du secteur public a lancé l'acte 5 de son mouvement de protestations qui dure depuis des mois. Il a été décidé de porter, à partir d'hier lundi, le brassard du (509-complet) en rapport avec la revendication de revalorisation salariale sur la base de l'indice-échelon 509-1 au lieu du 336-1. Le 509-1 permettrait de passer de 8.000 DH à 12.300 DH par mois. Début avril, ce sera donc le port du blouson noir pendant deux semaines suivi d'une grève nationale de la même durée à partir du 17 du même mois. À l'exception bien sûr des services d'urgence et de réanimation. Les 11.000 médecins du public voient donc rouge, ne pouvant plus supporter des conditions d'accueil et d'exercice du métier, toutes spécialités confondues, très en-deçà du minimum requis par l'OMS. L'Organisation mondiale de la santé préconise un minimum de 23 médecins pour 100.000 habitants alors qu'au Maroc, selon les chiffres mêmes du ministère de la Santé, ce nombre ne dépasse pas 7,3. Des pays comme la Tunisie et l'Algérie font mieux avec 12 médecins/100.000 habitants et alors que l'OMS recommande que 12% du budget soit consacré à la santé, le Maroc ne dépasse pas dans le meilleur des cas les 6%. Ceci même après une amélioration de 10% du budget de la santé cette année. Contacté par les ECO, Dr El Mountadar Alaoui, SG du Syndicat indépendant des médecins du secteur public a expliqué que le ministère reconnaît la légitimité des revendications. «Mais nous attendons que le gouvernement honore ses engagements inscrits dans les accords du 26 octobre et du 24 décembre», a-t-il ajouté. Toutefois, sans exclure l'urgence de la situation matérielle des médecins, ledit secrétaire général insiste sur l'amélioration des conditions d'accueils et d'exercice. Sous ce chapitre, plusieurs problématiques émergent comme les rendez-vous trop espacés délivrés aux patients et le fait que ces derniers doivent acquérir des médicaments voire du matériel médical en dehors des hôpitaux publics. Une situation qui met les médecins face au courroux parfois violent des patients. Souvent, les médecins se trouvent poursuivis par des usagers suite à des complications post-opératoires dues essentiellement aux problèmes d'hygiène ou de manque de suivi médical. Alaoui a regretté le fait que le ministère n'assure les conditions optimales requises que lors des opérations saisonnières ou de caravanes médicales. Toutefois, à la fin de ces opérations ponctuelles, ce sont toujours les médecins exerçants dans les hôpitaux régionaux et provinciaux qui se trouvent contraints de traiter les éventuelles complications qui peuvent surgir après traitement. Ce manque de constance dans le secteur de la santé comme dans d'autres secteurs à caractère social interrogent aujourd'hui la volonté politique du gouvernement d'apporter le changement voulu et attendu par les Marocains. C'est aussi la raison pour laquelle le syndicat exhorte les médecins à multiplier les rapports adressés au ministère sur les conditions de travail et d'accueil. Il a aussi inscrit dans son programme de protestation de boycotter toutes les campagnes notamment celles de la santé à l'école en raison de l'absence du minimum requis des normes médicales et administratives en la matière. Idem pour les caravanes de santé (à l'exception du programme Riaya), les autopsies, les formations, la communication des chiffres, etc. L'autre facteur préoccupant est celui de la migration des médecins qui ne trouvent ni les conditions, ni les avantages salariaux et sociaux qu'ils pourraient espérer au Maroc. Le phénomène va en s'accentuant sachant que 7.000 médecins marocains exercent aujourd'hui en France. Plus inquiétant encore, cette nouvelle tendance de migration en groupe sonne le glas d'une crise sans précédent dans le secteur si rien n'est fait. Selon Alaoui, il y a une volonté débridée de plusieurs médecins d'immigrer au Canada, en France, en Espagne et aux Etats-Unis surtout parmi les jeunes en début de carrière et qui n'ont pas le problème de la barrière de la langue.