Depuis dimanche soir, au Sénégal, tous les regards sont braqués sur la Commission nationale de recensements des votes, seul organisme habilité à proclamer les résultats provisoires de l'élection présidentielle du 24 février. C'est un travail fastidieux qui peut prendre des heures voire des jours, car depuis la fermeture des bureaux de vote, à 18h, sur le territoire national et à l'étranger, les agents de la Commission nationale de recensements des votes, n'ont plus une seule minute à eux. Ils sont les seuls habilités à annoncer les résultats provisoires de l'élection présidentielle. Mais malgré cette disposition prévue par la Constitution du pays de la teranga, le Premier ministre et par ailleurs, directeur de campagne du président et candidat sortant, a surpris tout le monde, ou presque, en proclamant tard dans la nuit, à la télévision nationale, la RTS1, la victoire de son candidat. Selon Boun Abdellah Dione, «Macky Sall a été élu au premier avec pas de 57%». Une déclaration publique qui intervient quelques heures seulement après une conférence de presse improvisée par les deux principaux opposants du moment à Macky Sall à savoir le tonitruant fiscaliste, Ousmane Sonko, âgé de moins de 45 ans, et le «vieux crocodile du marigot» politique sénégalais et candidat malheureux lors de la précédente élection présidentielle de 2012, Idrissa Seck. Si les deux autres candidats à cette élection à savoir l'avocat Madické Niang et l'informaticien El Hadji Ibrahima Sall n'ont pas été invités à prendre part à ce face-à-face nocturne avec la presse, ils adhérent à la conclusion finale de ce rendez-vous. Un deuxième tour pour cette élection présidentielle qui devrait mobiliser prés de 6,5 millions (nombres inscrits sur les listes ) sur une population estimée à environ 15 millions de personnes, est inévitable. Une ligne de défense qui va au contre-courant de la volonté de la coalition «Benno bokk Yakkar» qui veut briguer un second mandat. Problème, le camp de Macky Sall n'a ni le visa du forum civil qui rejette toute idée d'une victoire au premier tour, ni le feu vert de l'Union des magistrats du Sénégal. «Vu l'engagement de vote des populations du Sénégal et de la diaspora, vu le résultat donné des reporters dans les radios, personne ne pourrait gagner les élections au premier tour», explique Brahim Seck du Forum civil. Ces deux structures n'ont aucun pouvoir pour empêcher à Macky Sall de renouveler son bail au palais présidentiel, mais leur refus d'accorder du crédit à la déclaration du chef du gouvernement peut agir comme une grosse douche froide et rebuter les ardeurs des lieutenants les plus fanatiques du «Maquis» (camp de Macky Sall), selon certains analystes politiques. «De toute façon, le Sénégalais n'est pas belliqueux tout va rentrer dans l'ordre. Personne ne va brûler le pays», tempère-t-on des deux cotés alors que l'idée d'une crise poste électorale n'est plus à écarter depuis que les deux camps, après une compagne très mouvementée marquée par la mort de plusieurs Sénégalais, se lancent des piques par médias interposés. Une situation qui expose les journalistes, en proie à de nombreuses attaques dans les rues de Dakar comme à l'intérieur du pays. C'est dans ce contexte d'ailleurs que la Commission électorale nationale autonome (CENA), soucieuse de voir se prolonger l'atmosphère générale de calme, de paix et de sérénité qui a marqué le vote du dimanche 24 février 2019, appelle les candidats et leurs partisans, ainsi que les acteurs de la société civile et la population, à s'abstenir de faire une quelconque déclaration prématurée sur les résultats. Par ailleurs, la CENA appelle comme à l'accoutumée les acteurs politiques à adopter le même comportement exemplaire que celui observé par les citoyens, qui ont mis en avant leur esprit civique au cours de la journée du dimanche 24 février 2019. Il faut retenir qu'aux termes de l'article L.86 du Code électoral, «la proclamation provisoire des résultats intervient au plus tard à minuit le vendredi qui suit le scrutin».