La relativité démontrée par Einstein n'aura sans doute jamais été aussi appréhendable à travers les chiffres. Quand il s'agit de parler de la croissance économique du Maroc, l'idée est d'autant plus cristallisée à travers la schizophrénie des pronostics jusque là avancés. On y retrouve de tout. Du haut degré d'optimisme prôné par le gouvernement PJD, au plus extrême des pessimismes exprimé récemment par le Centre marocain de conjoncture (CMC). L'observatoire vient en effet boucler la boucle des projections sur la croissance 2012, en touchant le plancher avec un taux de croissance de 3,2%. Un chiffre qui met la pression sur le gouvernement d'Abellilah Benkirane, réduisant de moitié les espérances de ce dernier, qui est parti pour atteindre la barre des 6%. Le constat pousse même certains avis à faire le rapprochement entre la présidence de cette structure, assurée par Habib El Malki – membre du bureau politique de l'USFP – et le nouveau rôle d'opposition politique que devrait jouer cette dernière entité. Ce serait vite aller en besogne. Ne nous attardons toutefois pas dans ces considérations, au point de se tromper de sujet. Le CMC et le gouvernement ne sont pas les seuls pronostiqueurs, dans ce jeu sérieux de la croissance économique. Sur la scène nationale, Bank Al-Maghrib a également livré sa façon de voir les choses, tablant sur un taux situé entre 4 et 5% de variation de l'évolution du PIB pour 2012. Une position «intermédiaire» entre l'idéalisme PJDiste et le réalisme du CMC. À l'international, les spots des organismes internationaux et cabinets d'intelligence économique, sont aussi braqués sur la question marocaine. Pour la première catégorie d'acteurs - regroupant des institutions crédibles et mondialement reconnues comme telles – les projections de croissance pour le Maroc se chiffrent à un taux de 4,5% en 2012, selon ce que prévoit le Fonds monétaire international. Dans la seconde classe d'acteurs internationaux se retrouve le pronostic de 4,5% du think thank britannique The Economist Intelligence Unit. Prises sous un angle synthétique, ces lectures internationales se fondent sur plusieurs arguments. Ces derniers intègrent notamment la perspective d'aggravation de la récession européenne en 2012, les menaces sur l'évolution du prix du pétrole, ainsi que les contre-performances attendues des rendements agricoles mondiaux sur cette même année. Tout cela nous ramène finalement à la relativité qui soutend tout ce qui précède. Objectivement, elle pourrait être justifiée soit par les décalages de calendrier ou de formulation de ces projections, cela, même si l'on sait que la plus vieille de ces dernières remonte à fin décembre... Qui croire? 5,5%, le PJD pourra-t-il assurer ? Finalement, le PJD aura retenu 5,5% de croissance pour 2012 au lieu des 7% avancés lors de la campagne électorale. C'est du moins ce que devrait contenir la déclaration de politique générale qui sera publiée dans les prochains jours. Pour les responsables du parti, le taux de 7% n'est qu'un objectif à long terme pour lequel le gouvernement devra œuvrer. Cela étant, dans le fond, force est de constater que le taux de 5,5% n'est qu'une moyenne des différentes promesses faite par les partis de l'alliance gouvernementale. Entre le PPS, qui tablait sur un 6%, et l'Istiqlal, qui avançait 5% seulement, le PJD a, semble-t-il, trouvé un juste milieu. Pour ce faire, le PJD devrait viser un déficit budgétaire de 3% et une hausse des exportations de 14%. Il reste maintenant à savoir si ces chiffres avancés seraient réalisables au vu de la conjoncture internationale, dont la morosité n'a fait que se renforcer, ces dernières semaines. Pour rappel, dans la première mouture du projet de loi de finances 2012, le gouvernement sortant avait tablé sur un taux de 4,8% de croissance en 2012. 4 à 5% de taux de croissance, pour la banque centrale La conjoncture nationale constitue un facteur d'inquiétude pour Bank Al-Maghrib (BAM). Au cours du point de presse qui a suivi la dernière réunion du Conseil de la banque centrale en décembre dernier, son gouverneur, Abdellatif Jouahri, avait clairement affiché sa préoccupation vis-à-vis de la conjoncture européenne difficile. Son incidence sur l'économie nationale risque, en effet, de se faire sentir lourdement, particulièrement sur la demande extérieure, qui reste un facteur central de la croissance. C'est dans ce contexte que BAM a reconduit ses prévisions de 2011, qui tablent sur un taux de croissance compris entre 4% et 5% pour l'exercice 2012. «Mis à part les transferts MRE, on assiste à une décélération au niveau du tourisme et des exportations hors phosphate», avait déclaré le wali. 4% à 5% de croissance dans ces conditions n'est-il pas surestimé ? «Bien que le repli de l'activité mondiale risque de ralentir la dynamique de la croissance au Maroc, celle-ci devrait rester soutenue du fait des éléments positifs liés à la demande intérieure», explique-t-on auprès de la Banque centrale. Cette dernière, malgré le déficit pluviométrique enregistré à ce jour, reste confiante quant à la campagne agricole 2011-2012. «Croissance au ralenti», selon Fitch rating Croissance au ralenti en 2012. C'est là la position de l'agence de notation Fitch rating dans son analyse de fin d'année 2011. L'agence qui étudiait les pays de la région MENA prévoit en effet un sérieux impact de la conjoncture en Europe sur le Maroc, contrairement à la Tunisie et l'Egypte qui eux devraient souffrir des répercussions du printemps arabes. C'est une position qui conforte celle du Centre marocain de conjoncture (CMC) même si elle ne donne aucune prévision chiffrée pour la croissance de l'économie marocaine en 2012. Selon l'agence, la pression sera principalement portée sur les exportations, le tourisme et les IDE qui proviennent, en majorité des pays de la zone euro en crise. Par ailleurs, si l'arrivé au pouvoir d'un parti à vocation islamique ne semble pas inquiéter Fitch, les attentes au niveau social des populations sont en revanche considéré comme des facteurs de pression sur le gouvernement. l'EIU table sur 4,5% 4,5%, c'est ce qu'a récemment prévu le Think Thank britanique The Economist Intelligence Unit. L'organisme, relevant du groupe de presse The Economist a, en effet, tablé sur l'augmentation de 13% de la production céréalière en 2011 pour stimuler la consommation en 2012. Tout est donc histoire de consommation interne, qui serait également soutenue par la maîtrise de l'inflation dont la Banque centrale fait son principal cheval de bataille. En parallèle, l'EIU avance dans sa livraison du mois de décembre dernier, que le poids des secteurs non agricoles dans la croissance devrait se renforcer, car il est le fruit des efforts du royaume, ces dernières années, en matière de promotion des secteurs manufacturier, industriel et de l'off-shoring. Sur un autre registre, est actée la poursuite du renforcement du dirham face à l'euro, ce dernier étant mis à mal par la conjoncture internationale, qui jouerait en faveur du Maroc, en réduisant le coût des importations. Celles-ci étant nettement plus importantes que les exportations rendent, en effet dans le contexte actuel le dirham plus fort, se présentant ainsi comme un atout pour l'économie marocaine. Le FMI parie sur 4,6% Le FMI serait-il trop optimiste pour le Maroc ? En tout cas, les prévisions de croissance de l'institution semblent être les plus proches de celles avancées par le gouvernement Benkirane. Le FMI table en effet, malgré les inquiétudes formulées pour les pays de la région MENA, sur un taux de croissance de 4,6% pour le Maroc en 2012. Selon l'établissement, contrairement à certains pays de la région qui connaissent un déclin de l'activité économique, des pays comme le Maroc enregistrent «une croissance solide». Cette dynamique de l'économie marocaine est due, en grande partie, à la hausse des cours des phosphates. Ce dernier devrait une nouvelle fois sauver la mise. Cependant, prévient le FMI, l'objectif prioritaire «n'est pas seulement une croissance plus vigoureuse, mais aussi une croissance plus inclusive et des gains en matière de développement qui soient largement partagés». Pour le FMI, le Maroc pourrait à terme prétendre à une croissance allant jusqu'à 7%, à condition d'appliquer les recommandations émises par la dernière mission du FMI au royaume (voir www.lesechos.ma). Le CMC... objectivité pessimiste C'est la plus récente et la plus pessimiste des projections avancées à ce jour. «Le taux de croissance prévisionnel pour l'ensemble de l'année 2012 devrait se situer à 3,2 %», selon le pronostic que vient de livrer le Centre marocain de la conjoncture (CMC). «Ce chiffre marque ainsi un recul de près d'un point par rapport à l'année 2011 et de plus d'un point et demi, comparativement à la moyenne des cinq dernières années», commentent les experts de l'observatoire économique. Cette situation serait due entre autres, selon le scénario prévisionnel du CMC, à une nette tendance au ralentissement de la demande globale, et à la détérioration prévisible des équilibres financiers. Ce repli du rythme de la croissance économique, pour l'année 2012, devrait répondre à des configurations plus ou moins marquées selon les secteurs d'activité. Le secteur agricole, qui constitue l'un des piliers de la croissance, devrait ainsi enregistrer des performances assez modestes en raison du déficit pluviométrique cumulé depuis le début de la campagne. La valeur ajoutée agricole devait progresser dans les hypothèses les plus favorables d'à peine 2,5 % par rapport à l'exercice précédent.