Les difficultés inhérentes au processus de création d'entreprises, notamment de PME, ont bien souvent découragé plus d'un investisseur. Et c'est principalement la lenteur des procédures qui est invoquée comme motif. Au Maroc, la durée minimum pour la création d'une entreprise est ainsi estimée à 12 jours. Les dysfonctionnements relevés ont trait à de nombreux facteurs, tels que le nombre élevé de formalités à accomplir, la dispersion géographique des administrations concernées et les coûts «cachés». Pour remédier à ces contraintes, la Direction de pilotage du programme e-gouvernement (DPGOV), associée aux Structures de pilotage e-gouvernement (SPGOV) de la Direction générale des impôts, s'attèlent à mettre en place une plateforme électronique de création d'entreprise en ligne, baptisée CREOL. Bien évidemment, l'objectif de ce projet consiste en la simplification des démarches nécessaires, en mettant à la disposition des demandeurs, l'information en ligne. Ainsi, à travers ce guichet unique de création d'entreprises, «le démarrage effectif des entreprises sera bien plus rapide qu'auparavant», explique le Chef du projet au sein de la DGI. Concrètement, il s'agit de la dématérialisation des processus de création d'entreprises : le certificat négatif, l'enregistrement des actes, le blocage du capital, l'inscription au registre du commerce, etc. En clair, l'entrepreneur ou les professionnels qu'il a mandatés à cet effet (expert comptable, notaire, avocat, conseillers juridique...) effectueront le dépôt du dossier et le paiement en ligne des droits associés. Ce n'est pas tout, puisque ces derniers pourront également suivre en ligne l'avancement de la procédure et apporter les compléments requis, si nécessaire. 2012, le top départ de l'e-création Le déploiement de ce projet, qui a nécessité une enveloppe globale de 10 millions de DH, s'opérera en deux étapes. La première phase qui débutera à partir du premier trimestre 2012 se focalisera, d'abord, sur le volet relatif aux démarches juridiques de création des sociétés de personnes morales. Pour cela, le projet sera notamment orienté vers les professionnels de la création d'entreprise, tel que les experts comptables, les bureaux d'études, les fiduciaires, les centres régionaux d'investissement.... En d'autres termes, ces derniers pourront, probablement, avoir accès à des formations pour une meilleure exploitation de ce site officiel. «Nous n'avons pris aucune décision pour le moment par rapport à la formation des mandataires». Toutefois, cette création d'entreprise en ligne se limitera, dans cette première étape, à la forme juridique SARL (société à responsabilité limitée). «Ce choix constitue l'une des chevilles ouvrières du projet CREOL, qui s'explique par la représentation forte des SARL», souligne Imane Halib, responsable au sein de la direction de l'économie numérique au ministère du Commerce, de l'industrie et des nouvelles technologies. En effet, la SARL est la forme juridique la plus fréquemment choisie par les nouveaux entrepreneurs. Elle est également la forme la plus adéquate à la structure des PME, vu sa souplesse en comparaison avec les autres formes, notamment, la Société anonyme. La SARL représente ainsi 80% des nouvelles créations. La deuxième étape, quant à elle, démarrera à la fin de l'année 2012. Elle consiste en la généralisation du procédé à toutes les autres formes juridiques d'entreprises. De plus, il est à noter que ce guichet sera ouvert à toutes les parties prenantes de la création d'entreprises, dont les entrepreneurs, au même titre que les professionnels de la création. Durée réduite... sans faux frais ! Les démarches de création d'entreprise ont toujours été entachées par un processus long et complexe, une multitude et une interdépendance des intervenants et une redondance des documents exigés, même si la production des uns repose sur la production préalable des autres. En outre, le déblocage du capital n'est réalisable qu'en fin de parcours, ce qui peut constituer un frein à l'entrepreneuriat. Du coup, l'ouverture d'un guichet unique dématérialisé permettra aux futurs entrepreneurs de réaliser des économies tant en termes de temps que de coût. Ainsi, l'entrepreneur pourra réaliser ses démarches en ligne, mais également fournir, en une seule fois, l'information. «Une réactivité qui va permettre au futur entrepreneur de démarrer plus rapidement l'activité de son entreprise», ajoute le chef du projet, sans pour autant qu'on puisse, à ce stade du projet, évaluer, de manière précise, le gain de temps effectif. En termes de coût, l'entrepreneur règlera en ligne les frais relatifs à la création de son entreprise, en évitant les déplacements auprès des différentes administrations, et les désagréments correspondants, sans oublier des gains financiers non négligeables. De plus, les futurs patrons d'entreprises, notamment de PME, peuvent, grâce à ce service, lancer leurs projets sans être obligés de recourir aux prestations d'un professionnel. Enfin, du côté de l'administration, le projet, grâce à la simplification et l'automatisation des procédures, améliorera la qualité des relations avec les entrepreneurs. En somme, CREOL est un projet qui jouera sans nul doute, un rôle important pour l'incitation à l'entrepreneuriat. Gageons qu'il suscitera bien des vocations d'entrepreneurs... Point de vue Soufiane Idrissi Kaïtouni Directeur délégué de la Fédération des professionnels de technologies de l'information (APEBI). La principale caractéristique qui distingue ce projet, c'est qu'il s'agit d'un guichet virtuel. Ce projet améliorera le nombre de créations d'entreprises au Maroc car, comme vous le savez, le premier handicap à la création d'entreprises, c'est le chemin de croix que doit parcourir l'entrepreneur. Dorénavant, il pourra parachever toutes ces procédures et payer les frais y afférent à partir de chez lui. C'est une véritable innovation, dans le sens où elle prend en considération les problématiques que subissent les jeunes entrepreneurs. En revanche, je pense qu'il serait bénéfique que ce portail englobe toutes les autres structures qui interviennent dans le processus de création d'entreprises (CNSS, OMPIC, DGI). Il serait intéressant de prévoir également l'extension de ce portail à des services opérationnels de manière à contribuer à améliorer le climat d'affaires au Maroc. Nabil Bayehya, Cogérant et associé au cabinet Mazars Audit et conseil. «CREOL aura un impact tangible sur le marché» Les Echos quotidien : Quel est votre avis sur le projet CREOL ? Nabil Bayehya : Le guichet unique de création d'entreprise en ligne est un projet très ambitieux. Il aura un impact tangible sur le marché de la création d'entreprises. Dans les années à venir, nous allons voir que ce marché va connaître une expansion continue. Il faut savoir que le but en soi n'est pas uniquement la facilitation des procédures, mais surtout l'encouragement à la création d'entreprise, notamment la SARL. En effet, c'est le créneau le plus pertinent sur lequel l'Etat peut agir. En d'autres termes, ce sont des mesures de création d'entreprises additionnelles qui n'auraient pas vu le jour dans le cadre de la création juridique classique. Que pensez-vous de la généralisation de cette expérience au reste des formes juridiques ? La généralisation de cette expérience aux sociétés sous forme de SA sera plus difficile, car la création de ce type d'entreprises reste assez compliquée et coûteuse également, d'autant plus que ce n'est pas au niveau de ce créneau que l'Etat peut aisément intervenir. Quel serait l'impact de ce projet sur les professionnels de la création d'entreprise ? Ces derniers vont voir désormais leur activité chuter. D'ailleurs, il faut savoir que même les procédures de mise en ligne par les Centres régionaux d'investissement ont eu un impact négatif sur eux. Vous pouvez dès lors imaginer l'impact de ce projet. USA, Canada... un modèle à suivre 11:27:27Par le projet CREOL, les entreprises vont pouvoir à l'avenir être montées rapidement et dans la simplicité. Maintenant, le plus difficile restera de maintenir la boîte en vie. L'exemple des Etat-Unis, ou encore du Canada, est très révélateur. La création d'entreprises dans ces pays ne demande que quelques heures. Mieux encore, ils ont dépassé le stade de la facilitation du montage juridique. En effet, aucun besoin de financement à la base n'est exigé pour l'organisation de la structure. En d'autres termes, le capital minimal exigé est presque nul, et les frais de montage sont très faibles. En outre, des sites publics de facilitation du recrutementont été mis en place. En effet, le marché de l'emploi et les gouvernements de ces pays encouragent fortement la création d'entreprises. Malgré tout, cette liberté ne dispense pas les investisseurs de toute prudence. En effet, s'il y a chaque jour des entreprises qui se montent, il y en a également beaucoup qui ne franchissent pas le cap des cinq ans. Il est donc nécessaire de s'assurer que l'entreprise à créer répond à un réel besoin et de bien peser le pour et le contre avant de se lancer dans une telle aventure. Pour cela, ces gouvernements incitent les jeunes entrepreneurs à profiter des économies réalisées sur la création d'entreprises, pour les investir dans des prestations réalisées par des professionnels. Ce cas est on ne peut plus valable pour les PME marocaines.