Après la CGEM et ses 20 mesures pour l'emploi, voici venue la proposition du CES et ses 10 mesures. Le problème du chômage est souvent ramené à une question de déséquilibre entre l'offre et la demande. Le chômage est la conséquence d'une demande d'emploi pléthorique et inadaptée à une offre rare et sélective. Pour rétablir un semblant d'équilibre, il faudrait donc dynamiser l'offre et améliorer, en l'adaptant, le profil des demandeurs d'emploi. Une double action est à entreprendre au niveau économique et pédagogique. Sur le plan économique, les solutions sont plus ou moins connues: encourager l'investissement, aider les entreprises à se développer, réduire le coût du travail, augmenter la compétitivité des entreprises, etc. Dans le domaine de la formation, il faudrait que l'offre des compétences soit compatible avec la demande des entreprises, en quantité mais surtout en qualité. On suivra donc l'évolution du marché en préparant pour les entreprises les profils dont elles ont besoin véritablement besoin. Agir sur l'économie pour créer plus d'emploi paraît malgré tout l'aspect le plus difficile à mettre en œuvre. Il n'est pas toujours facile de booster l'économie parce que les contraintes sont multiples et ne dépendent pas toujours de la bonne volonté du gouvernement. Par contre, on a l'impression que la formation n'est qu'une question de politique éducative. Pourquoi ne réussissons-nous pas à rendre notre système plus performant ? Un ami s'étonnait de la léthargie des responsables dans ce domaine. Il ne comprenait pas pourquoi on n'importe pas tout simplement un modèle qui a fait ses preuves ailleurs. Malgré sa naïveté, cette proposition a le mérite de montrer que le système éducatif n'est pas un ensemble de dispositions didactiques neutres qu'on peut implanter dans n'importe quelle société. Les sociétés sont faites de culture, d'habitudes, d'histoire, de croyances, de valeurs, etc. Tous ces éléments, qui s'acquièrent au sein de la famille et dans la société, se retrouvent à l'école. Les solutions sont lourdes à mettre en place parce qu'il faut souvent lutter à contre courant pour aller vers des pratiques que contredisent les «habitudes» et la culture de formation acquise. Le temps et l'ampleur de la tâche finissent par rendre toute réforme dans ce domaine difficile à mettre en œuvre rapidement. Or, il y a toujours dans ce domaine une urgence. Le problème commence au niveau primaire et secondaire, mais on s'acharne à le corriger au niveau supérieur parce que la proximité avec le monde du travail rend le supérieur le « coupable » le plus visible. La question de la culture de formation est importante. On oublie un peu vite que la plus belle des machines restera sans intérêt si elle ne dispose pas de bons pilotes. C'est pourquoi la question des acteurs est primordiale. Je sais par expérience que le meilleur des professeurs ne pourra donner qu'à hauteur de la moyenne de la classe qu'il a en face de lui. De même, la meilleure des réformes ne peut être opérationnelle si elle est portée par des acteurs sans moyens pour l'appliquer. On a toujours agi plus sur la motivation des professeurs que sur leur responsabilisation. Dans la logique des revendications syndicales, de meilleurs salaires et de meilleurs conditions donneront de meilleurs professeurs. En réalité, les meilleurs professeurs le restent, peu importe les conditions de travail et les moins bons ne voient pas leur rendement augmenter quand leur salaire augmente. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'occuper de cette catégorie. La réussite de toute réforme dépend de cela, mais cela ne sert à rien si cette amélioration ne s'accompagne pas d'un contrôle du rendement. Du côté des étudiants, on retrouve dans les recommandation du CES la question du développement personnel et des compétences linguistiques. On s'acharne à enseigner des contenus, parfois fort intéressants, mais dans de mauvaises conditions. Je sais, par exemple, que des matières qui devraient permettre à l'étudiant de développer ses compétences communicationnelles sont souvent présentées sous forme de contenus à apprendre que des attitudes à adopter. De leur côté, les étudiants entassés dans des salles qui débordent ne comprennent l'utilité de ces matières que comme des notes qui permettent de passer au niveau supérieur. Or, si l'on veut lutter contre le chômage, il faut d'abord lutter contre la conception désuète qu'ont les étudiants du travail et du monde de l'emploi. Tant qu'ils n'ont pas compris que la formation, c'est d'abord une recherche de compétences et non de notes et d'un diplôme, tant qu'ils pensent que le travail est un droit que procure la détention d'un diplôme, peu importe les compétences, tant qu'on leur inculque l'amour de la sécurité et la peur de l'initiative, toutes les mesures économiques et pédagogiques resteront vaines. Plus qu'une question de développement économique et de renforcement des compétences, la lutte contre le chômage au Maroc passe par une révolution des mentalités des acteurs qui mettent en œuvre la réforme et de ceux qui la subissent.