Le cœur de cette 21e édition est incontestablement la relève, ces jeunes maâlems qui reprennent les traditions de leurs «pères». Rencontre des grands et de leur descendance sur le plateau de RFI, émission «Musiques du Monde» de Laurence Aloir. Ecoles de Marrakech, d'Essaouira ou de Casablanca, le plus important est que les traditions persistent, qu'elles ne meurent pas. C'est ce que propose le Festival Gnaoua et Musiques du Mondes depuis sa création il y a 20 ans. Chaque année, on mise sur la relève, on l'expose, on lui donne de la visibilité, du courage pour perpétrer les traditions. «Sans le festival, la culture tagnaouite serait morte et enterrée», précise Karim Zyad, directeur artistique du festival, batteur pour plusieurs formations Gnawa et maghrébines. Face au grand maâlem Abdelkébir Merchane et son fils Hicham, le batteur algérien insiste sur l'importance de garder cette tradition qui a toujours été orale et qui a souvent été bafouée. Aujourd'hui, sa réputation est sauve grâce à ses anciens mais surtout à sa jeunesse. «Mon fils a passé son enfance sur mes genoux pendant que je jouais et que j'animais des lilas», avoue maâlem Merchane, sous l'œil bienveillant de Hicham Merchane. «J'ai tout appris de mon père, de son expérience, de son savoir-faire. J'observais beaucoup, je le regardais jouer et j'apprenais. J'ai aussi beaucoup appris de grands maâlems comme Baqbou et Guinéa», continue le fils prodige des Merchane qui est issu de la 2e génération des gnaouis. En effet, Abdelkébir Merchane n'a pas appris de ses parents, il est le seul Gnaoui de sa famille. Ses maîtres El Ayachi, Baqbou et Mohamed Sam l'ont initié à tagnaouite dans la plus pure tradition. Ses styles de prédilection : le marsaoui (Essaouira) et le marrakchi. Il a participé à de nombreuses fusions avec les plus grandes stars internationales. «Ne rentre pas dans la musique Gnaouie qui veut ! Il faut vraiment être un super musicien pour réussir une fusion» précise maâlem Merchane, qui se souvient d'une fusion ratée avec Keziah Jones. «Il n'avait pas répété avec nous, il faut toujours se préparer, l'improvisation n'est pas évidente», continue le maâlem exigeant et perfectionniste sous le regard admiratif de Houssam Guinéa, l'aîné de feu maâlem Mahmoud Guinéa décédé en 2015. Tout le monde se souvient de cette scène émouvante où le maître affaibli par la maladie remet le guembri à son fils, à la fin du concert. «C'est un moment que je n'oublierai jamais, je ne m'y attendais pas, il ne m'avait pas prévenu», se souvient Hossam Guinéa qui rappelle que le passage du guembri est un symbole fort de transmission du savoir-faire de génération en génération. «C'était une façon pour lui de me dire qu'il fallait continuer après lui, perpétrer la tradition, ne pas la perdre». Aujourd'hui la relève propose des concerts et des fusions à la grande scène, en première partie de soirée, tous les soirs. «On continue d'apprendre, on n'a de cesse d'apprendre auprès des anciens pendant qu'ils sont encore là», confie Hicham Merchane avant d'ajouter que les traditions sont importantes mais qu'il faut savoir s'adapter avec son temps. La question des femmes au guembri, comme Asmaa Hamzaoui, a gêné un peu ces maâlems et apprentis maâlems habitués aux us et coutumes d'antan, où les femmes se faisaient discrètes. Elles dansent, sont dans les coulisses mais jamais au devant de la scène. «Il n'y a pas ça de notre temps, c'est du jamais vu. Mais les temps changent, et il faut s'adapter», rappelle maâlem Abdelkebir Merchane, plein de sagesse.