75%des 714 internautes ayant répondu à notre consultation en ligne estiment que la valorisation par les actifs immatériels est adaptée aux entreprises. Dans l'autre camp, ils sont 25% à trouver que cette méthode ne leur est pas adaptée. Ainsi, ceux qui ont répondu par l'affirmative ont certainement en tête la Lettre du capital immatériel du site Goodwill Management, qui a indiqué que Royal Air Maroc avait fait appel lui afin d'évaluer son capital immatériel selon la méthodologie Thésaurus-Bercy. Ainsi, selon cette évaluation, au-delà de la flotte, ce sont certains actifs immatériels qui assureront la pérennité de RAM. Il s'agit notamment de la qualité de l'actif humain, de l'organisation et de l'actif client. En effet, dans l'absolu, l'actif immatériel d'une entreprise est son Goodwill, qui justifie sa valorisation d'une manière supérieure à ses fonds propres. Dans les méthodes classiques de valorisation, l'importance du Goodwill est estimée à travers l'actualisation des cash-flows disponibles. C'est aussi le cas dans les comparables boursiers. Dans le cas de la valorisation par l'actif immatériel, le Goodwill est notamment appréhendé via le capital humain, le capital partenarial, le capital organisationnel, le capital client ou encore le capital intellectuel. À titre d'exemple, ce dernier est mesuré par les bases de données ou par le process d'intelligence économique. Pour sa part, le capital humain peut être estimé via les compétences, la dextérité ou la productivité. C'est ainsi que cette méthode est adaptée notamment pour les start-up qui n'ont pas encore de revenus ainsi que les entreprises structurellement déficitaires. Aussi, même pour les entreprises matures, l'exemple d'Airbnb, qui vaut plus de 30 milliards de dollars, soit près de 3 fois la valeur boursière d'Accor, montre que le Goodwill peut résider davantage dans de l'immatériel (logiciels, base de données, marque...) que dans le matériel (hôtels). Par ailleurs, à un niveau macro-économique, l'étude faite par le Conseil économique, social et environnemental, en collaboration avec Bank Al-Maghrib, sur la mesure de la valeur et l'évolution de la richesse globale du Maroc entre 1999 et fin 2013, confirme cette tendance. Surtout, selon cette étude, le capital immatériel, formé par les capitaux humain, social et institutionnel, constitue la principale composante de la richesse globale du Maroc, avec une part moyenne de 73% entre 1999 et 2013. De même, pour structurer le contenu des politiques publiques le rapport propose un tableau de bord stratégique composé d'une cinquantaine d'indicateurs autour des sept axes suivants: le développement humain, la cohésion sociale, l'efficacité des institutions et gouvernance responsable, les diversité et dynamisme culturels, la dynamique économique, l'environnement et rayonnement international du Maroc. Quant à ceux qui doutent de la pertinence de cette méthode au niveau des entreprises, il s'agit probablement de la préoccupation sur la difficulté de noter des critères subjectifs en absence d'historique ou de référentiel. C'est un peu comme pour la méthode des comparables, quand une entreprise appartient à un secteur non coté en Bourse. Par ailleurs, le risque de l'obsolescence technique n'est pas nul, comme le montrent les exemples de Yahoo ou de Nokia. En effet, parfois, les choses vont vite, ce qui peut amener à sur-valoriser une start-up dont l'innovation peut être rapidement dépassée au niveau technique. Farid Mezouar DG de FL Market Que répondez-vous aux critiques sur l'immatériel ? La finance n'est pas une science exacte. D'où l'intérêt d'utiliser plusieurs méthodes pour cerner la valeur d'une entreprise. De plus, dans les fusions-acquisitions, les valeurs calculées servent souvent de point de départ pour les négociations avec une révision à la hausse ou à la baisse en fonction du rapport de force entre l'acheteur et le vendeur. Dans certains cas, en l'absence de revenus ou de bénéfices, seule la valorisation par le capital immatériel peut aboutir. Cette valorisation est-elle réservée à la nouvelle économie ? Non, car cette méthode n'est pas nouvelle, même si l'appellation a pu changer. En reprenant un ancien exemple, la valeur des fonds de commerce se négocie souvent selon un multiple du chiffre d'affaires. Or, par définition, ce fonds de commerce est immatériel car le local appartient à une tierce personne et le stock de produits appartient à l'ancien commerçant. Ainsi, l'acquéreur paie implicitement la base de clients, l'image de marque du lieu voire sa réputation. l