Depuis le dernier discours du Souverain, l'actif immatériel connaît un engouement important. Le but est de l'identifier et de mesurer ses conséquences sur l'économie. Les experts-comptables ont pris la mesure de l'importance du sujet et en ont fait leur thématique à l'occasion de la troisième édition des Assises de la comptabilité. Cette troisième édition des Assises de la comptabilité au Maroc s'est tenue mardi dernier, sous la thématique: «Les actifs immatériels : levier de la compétitivité des entreprises et des nations». Le choix du thème n'est pas fortuit, mais est au coeur des débats des sphères décisionnelles publiques et privées. Dans son discours à la Nation à l'occasion de la fête du Trône, le Souverain a insisté sur l'importance de l'actif immatériel comme critère fondamental dans l'élaboration des politiques publiques. La rencontre initiée par le corps des experts-comptables a justement pour leitmotiv de démystifier cette notion tout en apportant un éclairage sur ses composantes. « L'actif immatériel participe à la création de la richesse d'une entreprise sans pour autant apparaître dans son bilan» dira Abdellatif El Quortobi, Président du Conseil national de l'ordre des experts-comptables. La valorisation de cet actif incorporel n'est pas aussi systématique, elle est plus une déduction ou un gap entre le capital théorique et la richesse créée. En effet, telle qu'elle est conçue, la comptabilité nationale dans son approche classique identifie et valorise ce qui est comptabilisable et écarte ce qui ne l'est pas. Aujourd'hui, les normes comptables internationales définissent un actif matériel ou immatériel comme étant identifiable, procurant des avantages et pouvant faire l'objet d'un suivi ou d'un contrôle. Face aux actifs qui créent de la richesse, mais qui ne sont pas reconnus comptablement, les experts-comptables, conseillers privilégiés de l'entreprise ont du fil à retordre. Il s'agit de distorsions auxquelles la recherche en matière comptable doit trouver des solutions. En dehors de la valorisation du concept, ils sont appelés à sensibiliser les acteurs à l'importance du capital immatériel, de sa valorisation et de sa sécurisation en vue d'assurer le développement de l'entreprise. Le président du Conseil économique, social et environnemental, Nizar Baraka, a rappelé que l'actif immatériel se positionne au coeur des travaux du CESE et ce depuis que le Souverain a confié au conseil de mener une étude conjointe avec BAM sur la période 1999-2013. « L'étude consiste à évaluer ce capital pour pouvoir le retenir comme critère fondamental dans l'élaboration des politiques publiques» explique N. Baraka. Cette démarche capitalise sur les travaux déjà effectués par le CESE en matière de commandes publiques, de gouvernance... basés sur une approche participative. Cet exercice de valorisation s'avère nécessaire parce qu'il permet d'évaluer les composantes des richesses y compris le capital humain (innovation, recherche et développement, motivation), celui de confiance et le capital institutionnel (gouvernance, organisationnel, climat des affaires...). C'est un potentiel à valoriser pour en faire un levier de compétitivité et d'émergence pour notre pays. Alan Fustec, directeur scientifique de l'Observatoire de l'immatériel-France a rappelé que vers la fin des années 90, les modèles classiques ne permettaient plus d'évaluer l'entreprise. En 2005, les normes IFRS commençaient à comptabiliser l'incorporel. Et en 2007, a été créée l'agence des actifs immatériels de l'Etat. C'est ainsi que la méthode thésuaurus-Bercy a été demandée par Christine Lagarde pour évaluer l'actif immatériel des entreprises. Marques et brevets : contributeurs à la création de richesse Comme tout professeur universitaire, Ahmed Bounfour de l'université Paris-Sud commence sa présentation par une question : Pourquoi cet engouement pour le capital immatériel ? La grande transition du système socioéconomique sur le plan mondial, l'émergence de la problématique de la valeur dans un contexte où la combinaison, l'incertitude et la furtivité constituent la règle, l'explosion des demandes pour les droits de propriété intellectuelle... sont autant d'éléments de réponse. Aussi, l'information et l'innovation sont-elles deux dimensions importantes de l'actif immatériel qui restent difficiles à quantifier. Le problème est que l'entreprise ne dispose pas encore d'outils adaptés à cet actif et a du mal à définir ses frontières sans cesse mouvantes. La valeur d'une entreprise et son utilité sociétale ne seraient se limiter à sa valeur comptable. Il faut compléter la valeur comptable traditionnelle d'indicateurs de valeurs plus en phase avec les besoins réels du pilotage des entreprises. « Une entreprise qui pilote avec pertinence ses actifs immatériels est mieux armée pour affronter les mutations subies de l'environnement» rappelle F. Gegard, expert-comptable et membre de la commission du secteur public et non marchand.