Fatiha Zemmouri artiste peintre Les Echos quotidien : Pourquoi avoir choisi le nom de «L'œuvre au noir» pour votre nouvelle exposition dont le vernissage a eu lieu hier à la galerie 38 ? Fatiha Zemmouri : C'est une référence alchimique au stade de purification, par le feu, de la matière que j'utilise. Toutefois, il ne faut pas s'étonner de trouver des œuvres en blanc lors de cette exposition. En choisissant ce titre, j'ai repris juste l'idée maîtresse, sans pour autant tout dévoiler. Vous évoquez souvent le feu. Quelle est la nature de votre relation avec cet élément ? Si je le savais ! Il me faudrait une thérapie pour pouvoir expliquer ma relation avec le feu ! Je pense que c'est ce côté purificateur du feu, tout comme de l'eau, qui me fascine le plus ! Pour revenir à votre exposition, quels sont les matériaux que vous avez utilisés ? Il y a tout d'abord le charbon de bois, où le feu est emprisonné à l'intérieur. Le choix de ce matériau constitue également pour moi une référence culturelle. Ensuite, on trouve de la céramique, qui demeure le premier matériau que j'ai découvert et qui m'a permis de m'ouvrir sur d'autres modes de travail. La céramique est une matière très importante pour moi, puisqu'elle passe par plusieurs stades de transformation. Durant toutes ces étapes qu'il faut respecter, tous les éléments interviennent : le feu, l'eau, la terre, l'air... Enfin, il y a le bois calciné. Jai presque entrepris le même travail pour le charbon de bois et le bois calciné. Toutefois, j'ai respecté la configuration disponible pour le charbon. Quant au bois, je l'ai découpé d'abord avant de le brûler. On pourrait également parler du fil, puisque je parle dans cette exposition de la trame du tissu. Peut-on dire que cette exposition est une continuité de ce que vous avez déjà fait auparavant ? Tout à fait. Il y a toujours un fil conducteur entre toutes mes expositions personnelles, même s'il est infime. C'est vraiment exceptionnel qu'il y ait une cassure nette dans le travail d'un artiste, sauf si ce dernier décide vraiment de passer à autre chose. Sinon, je pense que la seule différence entre cette nouvelle exposition et celles précédentes réside en l'absence de la peinture. Pourquoi ce choix ? Je tenais à ce que l'exposition soit homogène en ne mélangeant pas deux médiums différents. Avoir dans une même exposition des tableaux ainsi que des travaux qui se présentent en volume n'est pas homogène visuellement, même si le fil conducteur est là. En plus, je n'avais pas vraiment envie de peindre durant cette période. Cela, ne veut pas dire que je ne vais plus peindre. Peut-être que j'organiserai une exposition 100 % peinture dans un an... Bref, je n'aime pas qu'on me catalogue dans un tel ou tel registre. Justement, on parle toujours d'une «nouvelle approche de la matière» signée Zemmouri. Êtes-vous d'accord ? Pas du tout ! Je ne comprends pas pourquoi on parle de cela, alors que chaque artiste approche la matière selon sa sensibilité. Je ne sculpte pas et mon travail se présente, comme je viens de vous l'expliquer, en volume. Je pense que c'est avant tout une question de sensibilité de chacun de nous. Comment qualifiez-vous votre style ? Je n'aime pas répondre à ce genre de questions, parce que si on doit qualifier un style, on risque de s'enfermer dans ce style. Tout ce que je peux vous dire, c'est que mes pièces sont en aplat et que je donne beaucoup d'importance à la matière. Quelques pièces de cette exposition ont été présentées en avant-première au Marrakech Art Fair II, où elles ont suscité la curiosité des visiteurs. Pensez-vous que cela va être le cas à Casablanca ? Je sais que les collectionneurs et les professionnels reconnaîtront mon travail, puisqu'il y a une continuité par rapport à ce que j'ai déjà fait. Toutefois, je n'ai absolument aucune idée sur la réaction du public. Franchement, je ne sais pas si ça va être le même accueil qu'à Marrakech ou pas ! Que représente la liberté pour vous ? C'est une notion à laquelle je tiens par-dessus-tout ! La liberté est indispensable à la création, ainsi que dans la sphère humaine. Je n'ai pas envie de philosopher là-dessus, mais tout ce que je peux vous dire, c'est qu'elle est très importante pour moi.