L'audience du 13 février a tourné au procès des conditions de détention dans la prison locale d'Oukacha. La détention préventive des 50 accusés rappelle la situation des prisons au Maroc. Nous sommes le 13 février, il est 18h30, un dispositif sécuritaire est en état d'alerte à la Cour d'appel de Casablanca. Les 50 détenus dans le cadre des événements d'Al Hoceïma se préparent à quitter l'enceinte du tribunal, direction la prison locale d'Oukacha. La DGSN a mobilisé deux véhicules de Compagnie mobile d'intervention (CMI), trois patrouilles de police et cinq motards pour accompagner le convoi composé de plusieurs estafettes de la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR). En cette fin de journée mouvementée, les parties de cette affaire quittent le tribunal avec un goût amer. Un nouveau clash entre la défense et le représentant du parquet autour de la confiscation des notes de Nasser Zefzafi et Habib Hanoudi par la direction de la prison remet sur les devants de la scène la relation tendue entre la DGPR et ces accusés en détention préventive. Depuis huit mois, ces détenus et leurs familles dénoncent des conditions de détention «déplorables». Contactée par Les Inspirations ECO, la DGAPR refuse de commenter ce sujet. La Commission régionale des droits de l'homme (CRDH) de Casa-Settat annonce une visite «imminente» à Oukacha. Trois groupes et deux pavillons Rappel des faits. Le 6 juin 2017, le juge d'instruction ordonne la mise en détention préventive à la prison locale de Casablanca de 49 mis en cause dans les faits relatifs aux événements d'Al Hoceïma. À ce groupe s'ajoutera Hamid Mahdaoui. Trois détenus sont poursuivis et en liberté provisoire. Les détenus de Casablanca sont répartis en trois groupes. Le premier est constitué de 32 détenus et se trouve au pavillon 8 de la prison. Le deuxième groupe composé de 16 accusés est écroué dans le pavillon 6. Chaque groupe est réparti dans des cellules de trois à quatre détenus. Le troisième groupe compte Zefzafi et Mahdaoui, les deux à être placés dans des cellules individuelles. «À leur arrivée à la prison, les conditions de détention étaient déplorables. Il a fallu la médiation du CNDH et un premier accord avec la direction de la prison pour voir les premières améliorations», rappelle Farid Hamdioui, père de Youssef, un des accusés dans ce dossier, joint par téléphone par Les Inspirations ECO. La journée des accusés était rythmée par deux sorties, une matinale et une deuxième l'après-midi de 30 minutes chacune. Les détenus obtiennent le droit de passer trois appels par semaine à trois numéros différents. Les accusés bénéficient du droit de recevoir des livres et des journaux et ont une télé par cellule. L'accès aux soins de santé est facilité pour les détenus. D'ailleurs, Nabil Ahamjik, Mohamed Jelloul et Nabil El Ablaq sont toujours hospitalisés à l'infirmerie de la prison, suite à leur dernière grève de la faim. Dès septembre, les détenus multiplient les protestations, la direction de la prison change, ainsi que l'attitude adoptée par la DGAPR. Des détenus sont mis dans des cellules individuelles et d'autres placés à l'isolement. Le détenu Mohcine Atari est sanctionné car il avait en sa possession une montre équipée d'une caméra. «Il y a eu des fouilles des cellules et les acquis sont retirés à l'ensemble des détenus», regrette Amine Khalid, membre du Comité de soutien aux familles détenus de Casablanca. À cette période entre septembre et décembre, une bataille des communiqués éclatent entre les détenus et la direction. La relation s'envenime. «La sortie journalière est réduite à 30 minutes par jour. Les détenus n'avaient plus droit qu'à un seul appel téléphonique par semaine», déplore Hamdioui. Colère d'automne, froid d'hiver La vie des détenus se complique après l'interdiction du panier hebdomadaire. «Les familles n'ont pas les moyens pour donner à leurs fils chaque semaine de l'argent pour acheter de la nourriture à l'épicerie de la prison. Déjà que chaque famille dépense 1.000 DH pour venir d'Al Hoceïma à Casablanca et assister aux trois audiences», décrit Khalid, dont le comité soutient les familles lors de leur visite hebdomadaire, programmée chaque mercredi. Cette semaine un détenu, Al Ablaq a déjà annoncé être en grève de la faim. «Nous allons nous déplacer à la prison pour nous enquérir de sa situation et étudier les raisons de cette décision», promet Hakim El Ouardi, représentant du parquet, lors de l'audience du 13 février. Al Ablaq proteste contre «la mauvaise qualité des repas et des produits vendus dans l'épicerie de la prison». Le Comité de soutien réclame une meilleure prise en charge, spécialement durant cette période hivernale. «Les détenus n'avaient pas assez de couvertures. Nous avons dû faire une collecte pour palier à cette situation. Les repas sont servis à 16h alors que les détenus ne reviennent du tribunal qu'à 22H», explique Khalid du comité de soutien. Et de conclure : «Le cœur du problème est que le procès se déroule à 600 km de la région d'origine des détenus. C'est illogique». Plus de 500 détenus dans 9 prisons La Direction générale des prisons a dû gérer la croissance exponentielle des détenus originaires de la région d'Al Hoceïma en détention prévention ou condamnés en 1re instance ou en appel. Les ONG de défense des droits de l'homme évoquent le chiffre de 500 détenus. Ces personnes sont réparties sur neuf prisons : Al Hoceïma, Casablanca, Fès, Guercif, Meknès, Salé, Taourirt, Taza et Zaio. Dans le lot, plusieurs mineurs se trouvent détenus dans le centre de détention pour mineurs d'Al Hoceïma. L'Observatoire marocain des prisons avait alerté à plusieurs reprises les autorités sur la situation de l'ensemble des détenus.