Au début du mois de novembre, le FMI a publié une présentation synthétique de ses conclusions sur les consultations bilatérales avec les autorités marocaines (www.lesechos.ma), en mettant l'accent expressément sur la politique monétaire et l'environnement des affaires, avec toutefois une mention spéciale pour la politique budgétaire. En ce début du mois de décembre, l'Autorité financière mondiale revient plus en détail sur «les politiques et la situation économique» du royaume, assortis de propositions de pistes de réflexion, de recommandations explicites, de mises en garde spécifiques et de projections chiffrées. Si en termes de politiques budgétaires, les questions de fonds ne sont plus un secret pour personne, le FMI interroge cette fois-ci notre économie nationale sur sa capacité à optimiser les investissements comme levier de croissance nationale. La question, dès lors qu'elle est posée en termes explicites, a valeur de mise en garde. L'heure n'est plus à la seule réforme, mais à l'action, et pour cette dernière, le FMI y va de ses franches recommandations. «Bien qu'en proportion du PIB, l'investissement ait nettement progressé au Maroc ces dix dernières années, cela ne s'est pas traduit par une croissance économique plus forte», souligne, en guise de préambule sur le thème de l'investissement, le rapport du FMI. Ce constat a le mérite d'éclairer sur les termes de la problématique centrale posée par les experts du FMI : «l'investissement pourrait-il stimuler davantage la croissance ?». En réponse à cette question, le FMI propose une série de mesures disparates, qui gagneraient d'ailleurs en cohérence si elles étaient modélisées. Les deux axes de travail qui s'imposent alors à notre économie seraient la productivité et, à moyen terme, la compétitivité. L'amélioration de la productivité passerait ainsi par le renforcement du rôle et de la part accordée au secteur privé «en tant que moteur d'une croissance durable à long terme» et l'amélioration continue de l'environnement des affaires. Elle est aussi tributaire de la consolidation du chantier phare de la gouvernance, du déploiement d'efforts supplémentaires pour accroître l'attractivité de l'économie nationale, et d'une plus grande «intégration commerciale avec les partenaires européens». Autant de chantiers qui, pour les observateurs du FMI, ne sont pas suffisamment investis. Il s'agit donc plus pour le Maroc de s'inscrire dans la continuité des réformes entreprises ces 10 dernières années, que d'opérer un nouveau virage dans le déploiement de la politique d'investissement nationale. Pour conforter leur propos, les émissaires du FMI mettent l'accent sur «la qualité et l'efficacité des projets d'investissement» en vigueur jusque là. La problématique de l'investissement comme levier de croissance se poserait non pas en termes quantitatifs, mais plutôt de manière qualitative. Autrement dit, les fonds dédiés à l'investissement existent, à des niveaux satisfaisants, mais ils sont en quelque sorte mal orientés. La preuve que ces fonds sont disponibles est qu'«entre 1999 et 2010, le taux d'investissement au Maroc (s'est) classé deuxième parmi les pays de l'échantillon», un échantillon qui comprend, entre autres, l'Egypte, la Turquie, l'Afrique du Sud et la Corée. Seulement, les experts du FMI constatent qu'entre 2005 et 2010, soit sur la seconde moitié de cette période, «l'efficacité de l'investissement, mesurée par le coefficient marginal de capital (ICOR), a diminué». Il y a donc des facteurs qui accentuent l'inefficacité de l'investissement national. Sur cette base, et sans se prononcer sur «le potentiel de croissance du Maroc» nécessaire pour l'identification de ces facteurs d'inefficacité, le FMI avance la thèse d'une accélération du rythme de croissance économique, sans que les bases minimales de développement économique soient instituées. En termes simples, le Maroc est productif, il cherche la compétitivité, mais il ne se donne ni le temps ni les moyens d'en constituer le cadre de développement. Pour passer de la productivité à la compétitivité, ultime étape de notre croissance nationale, les recommandations du FMI invitent les autorités marocaines à intégrer à notre «fonction de production nationale», assise jusque là sur les seuls facteurs de capital et de travail, une troisième composante, le facteur humain (recherche, formation, emploi des jeunes) et une autre, plus compliquée à intégrer, le facteur technologique (recherche, innovation, transfert technologique). Un nouveau modèle économique se profile alors, sans qu'il soit défini clairement, et dont la viabilité et l'essor sont fortement dépendants de l'amélioration de nos institutions. Il rappelle, à bien des égards, le modèle adopté par nos partenaires brésiliens et turcs, que les académiciens de tout bord nomment «modèle de croissance endogène» et que le FMI appelle sobrement «la théorie moderne de la croissance».