«Les autorités devront adopter des mesures vigoureuses de réorientation de la politique budgétaire et redoubler d'effort pour améliorer le climat des affaires». La recommandation émane de la commission du FMI en visite au Maroc en juillet dernier et qui vient de boucler son rapport. Il s'agit des conditions nécessaires, selon le FMI, pour permettre au royaume de réaliser un taux de croissance élevé et durable à moyen terme. Il faut dire qu'il en va de l'amélioration de la situation du marché du travail et, partant, de l'amélioration du niveau de vie des populations. L'institution estime même que l'un des défis majeurs du royaume est justement de pouvoir générer un taux de croissance du PIB suffisant pour permettre la réduction du taux de chômage. D'ailleurs, ce constat rejoint celui fait par la CGEM début 2011 et selon lequel le patronat estimait à 7% la croissance économique nécessaire pour absorber les nouvelles demandes sur le marché de l'emploi chaque année. Cela ne sera certainement pas une tâche aisée, car si en 2010 la reprise économique internationale a soutenu en partie la relance de la croissance au Maroc, «de nouveaux risques sont apparus en 2011», souligne le FMI. Ce dernier lance son avertissement et prévient que même si la croissance mondiale continue à être plus soutenue, le ralentissement de la croissance semble aujourd'hui se confirmer chez un certain nombre de pays de la zone euro, principal partenaire commercial du Maroc. La persistance des prix élevés des matières premières, le contexte régional et l'instabilité financière internationale sont également des facteurs qui poussent le FMI à prévenir quant aux incertitudes pesant sur l'économie marocaine. Est-ce donc le moment pour tirer la sonnette d'alarme et de craindre le pire pour l'économie marocaine, dans un contexte où l'Europe flirte avec une nouvelle crise depuis quelques jours ? Résilience ? Le FMI ne va pas jusque là et estime que le Maroc devrait tout de même continuer à enregistrer une performance économique solide. Les dernières estimations font ainsi ressortir une croissance de 5% du PIB par habitant en 2011. «À moyen terme, le taux de croissance pourrait atteindre 6%, mais ceci dépendra dans une large mesure de la poursuite de la mise en œuvre du programme de réformes structurelles et du maintien de la stabilité macroéconomique», insiste la mission du Fonds monétaire international. C'est dire que le précieux sésame passe avant tout par une rigueur au niveau des réformes annoncées et dont certaines tardent depuis plusieurs années. Parmi ces actions prioritaires, le déficit budgétaire ressort bien entendu en tête. Les pouvoirs publics ont pour objectif de ramener le déficit budgétaire à moyen terme à environ 3% du PIB, ce qui permettrait de maintenir l'endettement total du Trésor à environ 50% du PIB. C'est du moins ce que réclame l'institution monétaire, en arguant que «cela se traduirait par une décélération des importations, en particulier des produits énergétiques, due en partie à la rationalisation de la consommation, et des biens de consommation, qui pourrait ramener le déficit du compte courant à environ 2,5% du PIB en 2016». C'est dire que l'équation est finalement résoluble, à condition d'y mettre de la rigueur et, surtout, du courage politique, comme le soulignent certains économistes nationaux depuis plusieurs mois. En attendant, pour 2011, la carotte est déjà cuite et le FMI estime que l'augmentation de certains types de dépenses consécutivement aux mesures adoptées par les autorités pour répondre aux revendications sociales impliquera une hausse des dépenses publiques de l'ordre de 1,5% du PIB. Ceci devrait causer au final un creusement du déficit budgétaire de 2,1% supplémentaires aux estimations initiales de la loi de finances 2010. À cela, il faudra ajouter la hausse des salaires de la fonction publique, qui pourrait selon les calculs de l'institution mondiale, augmenter le coût de la masse salariale de 0,2% du PIB pour atteindre 10,7% du PIB. «Bien qu'en 2011 les autorités marocaines aient su mettre en place des politiques à court terme pour gérer ces contraintes, en 2012, elles devraient considérer la réorientation des dépenses publiques et retrouver un niveau de déficit budgétaire soutenable à moyen terme, qui permettrait une croissance inclusive et durable», lance le FMI. Le message est donc clair de la part d'un organisme qui pèse lourd de par son soutien financier aux différents projets initiés par le royaume : cette année, on ne pouvait que se contenter de gérer la situation, vu que le fléchissement de la croissance chez les principaux partenaires commerciaux du Maroc et que l'envolée des prix des matières premières ont entravé la gestion des équilibres macroéconomiques. À partir de l'année prochaine, il faudra y remédier. D'ailleurs, la réponse du ministre des Finances ne s'est pas fait attendre. Lors de la réunion du conseil de gouvernement de jeudi dernier où les principales hypothèses du projet de loi de finances 2012 ont été exposées, Salahedine Mezouar a mis l'accent «sur la nécessité de préserver les acquis relatifs aux équilibres macroéconomiques». Pronostics En attendant de voir comment la loi de Finances 2012 veillera à la concrétisation de cet aspect, le FMI annonce déjà la couleur : «Suite aux efforts pour limiter l'étendue de l'expansion budgétaire en 2011, les autorités s'apprêtent à adopter des mesures fermes de consolidation à partir de 2012», prévient la mission du FMI. Elle insiste également sur le fait qu'il existe peu de marges pour de nouvelles mesures d'augmentation des dépenses publiques. Cela dit, le salut des pouvoirs publics pourrait venir de l'intensification des efforts d'augmentation des recettes, avec une attention particulière au recouvrement, ainsi qu'à l'élargissement de l'assiette fiscale. La mission du FMI considère dans le même sens qu'une réforme de la TVA devrait assurer le maintien, voire l'augmentation, des recettes au titre de cet impôt. Cela encouragera-t-il les autorités à ressortir ce projet de réforme des tiroirs ? Sûrement pas à court terme, vues les répercussions que cela peut avoir dans une année électorale. En tout cas, les pistes pour assurer une stabilité macroéconomique ne manquent pas, comme en atteste l'efficacité des investissements publics relevée par le FMI comme un moyen de réduire la pression du budget d'investissement sur les caisses de l'Etat. Pour ce faire, une amélioration des procédures pour la sélection des projets, en permettant une plus grande participation du secteur privé, y compris dans le secteur des infrastructures publiques, serait une issue à considérer. «Ceci et la réforme de la Compensation donneraient plus de marge de manœuvre budgétaire pour augmenter les dépenses sociales, notamment en matière de santé et d'éducation», souligne-t-on auprès du FMI.