Une révolution citoyenne est en marche. Elle est en train de reconfigurer le monde. L'abondance d'événements dans les pays arabes puis sur les rives méditerranéennes atteste, indéniablement, d'une prise de conscience collective et trans-territoriale. Elle augure d'une ère de citoyenneté, militant pour un nouvel ordre plus équitable et plus démocratique. Face à un univers bouillonnant, imprévisible, des hommes, des femmes et beaucoup de jeunes expriment leur désarroi, s'indignent et se mobilisent en quête d'un futur plus serein. Leur objectif : refonder la politique, afin qu'elle devienne plus solidaire, plus proche de leurs préoccupations et agissante pour l'amélioration de leurs conditions de vie. Le processus du changement semble déclenché et les mois à venir promettent d'être encore plus riches en événements dont personne ne semble détenir ni maîtriser l'aboutissement. D'emblée, apparaît un registre sémantique neuf, corrélé à un nouvel état d'esprit : économie sociale et solidaire, entrepreneuriat social, responsabilité sociale de l'entreprise, démocratie citoyenne, social business... De telles notions se multiplient, se confrontent parfois, se concurrencent aussi, pour une meilleure lisibilité et compréhension des mutations en cours. Une nouvelle génération d'acteurs invente, de manière plurielle, une autre façon de gouverner et d'entreprendre. Elle tente aussi de repenser l'entreprise et ses responsabilités comme un vecteur d'épanouissement socio-économique. Assurément, une forme unique d'entreprise a souvent dominé le marché, en se soumettant à une exigence absolue : «le profit et l'accroissement financier». La crise actuelle et ses diverses conséquences incitent à sortir de ce modèle exclusif et monolithique, à donner une dimension plus humaine et sociale à la croissance économique. En effet, la performance de l'entreprise n'est pas seulement économique, mais aussi sociale et environnementale. La réussite de celle-ci est autant tributaire de sa capacité à former des compétences, à perfectionner leurs savoirs et à se préoccuper de l'environnement socio-économique et écologique dans lequel elle opère. Le profit doit être un moyen au service d'un projet social équilibré et il n'est pas une fin en soi. Aujourd'hui, l'économie produit des richesses impressionnantes, qui sont réparties de façon inéquitable. Elle se détourne des besoins collectifs nécessaires à la paix sociale quand ils ne semblent pas lui être rentables. Elle fait dépendre, malencontreusement, l'avenir de milliers de jeunes, celui des ressources et de l'environnement, d'impératifs financiers mettant en péril l'équilibre et la paix sociale. Comment s'affranchir de cette situation qui se révèle inapte à produire les régulations économiques et financières, donc sociales et à défaire les tensions socio-économique et politiques qu'elle entraîne? À l'heure d'une crise systémique sans précédent, le pseudo-réalisme est une imposture. Ce qui est fantaisiste, est de penser que nous pouvons continuer à gouverner comme avant. Il est plus réaliste d'envisager l'élaboration d'autres «modes de gestion» dans les domaines cruciaux : politique, économie, éducation, santé... Une multitude de chantiers à entreprendre, audacieusement, par un changement inéluctable des modes de gouvernance, afin de réfléchir, de décider et d'agir autrement. Les mouvements citoyens actuels, dont le printemps arabe, prouvent, indubitablement, l'attente pressante des peuples à plus de distributions équitables de richesses, de dignité, de droits et de justice sociale. Un des défis pour l'avenir est sans doute de concilier croissance et innovation sociale, de consolider la dimension solidaire et politique, tout en conservant le dynamisme économique. À l'heure où la crise financière provoque les prises de conscience et où la nécessité d'une économie à visage humain est plus que jamais prégnante, une dynamique émerge et s'instaure dans plusieurs contrées dont le Maroc, afin de faire du développement un outil d'émancipation, ainsi qu'un véritable levier de transformation sociale, juste et équitable. Face à des nouveaux défis comme le creusement des inégalités, la montée du chômage, la déréglementation des échanges, prime la conscience de «communauté de destin», d'action responsable et d'union sacrée de toutes les énergies entreprenantes pour faire du développement du Maroc une appropriation citoyenne assumée et entière. Il revient à toutes les forces vives de notre pays, à l'occasion de la prise d'effet de la nouvelle Constitution, de s'approprier, avec passion et abnégation, la question de ce développement, car sans économie intégrée, sans système politique solidaire, sans valeurs nouvelles basées sur l'équité, la transparence.... nous ne serions pas en mesure d'accéder à une paix durable et pérenne.