C'est un long chemin que la réforme de l'enseignement a parcouru depuis la première charte de 1999 et jusqu'à la vision stratégique 2015-2030. Pour capitaliser sur les acquis quantitatifs indéniables, il va falloir opter pour une nouvelle qualité de l'enseignement basée sur le facteur humain. Malgré les avancées quantitatives de l'éducation nationale durant les quinze dernières années, l'école publique marocaine fait toujours l'objet de scepticisme quant à sa qualité et ses performances. Ce constat partagé par la majorité des Marocains, par les enseignants ainsi que les acteurs du secteur de l'enseignement, a été celui d'Omar Azziman, président du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique. Intervenant mercredi à l'ouverture des travaux de la 12e session du conseil, il a souligné que malgré les résultats encourageants de la réforme de l'école marocaine, les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Un plan d'urgence qui a fait pschitt Dans son discours du 20 août 2013, SM le roi a remis les pendules à l'heure en mettant le doigt sur les manquements ainsi que sur l'urgence de prendre le sujet de l'éducation à bras-le-corps. Il a expliqué qu'il va falloir consolider les acquis d'une école marocaine qui a fait ses preuves, mais qui ne cesse de dégringoler au milieu de considérations politiques étriquées qui la vide de sa substance. Ce n'est pas la première fois que le souverain attire l'attention du gouvernement sur la position centrale de l'enseignement pour construire le citoyen de demain capable d'épouser le rythme de développement souhaité par le pays. Dès son accès au trône et aux premiers balbutiements de la Charte nationale de l'éducation et de la formation, le roi a mis en avant sa vision d'un enseignement intégré dans son environnement et respectueux des valeurs et fondamentaux de la société marocaine. Malgré les objectifs ambitieux de la charte, sur le terrain les choses n'avançaient pas au rythme escompté. Le souverain ne manquera pas de le signaler haut et fort en juillet 2007, à l'occasion du discours du trône, expliquant que malgré les efforts déployés dans l'amélioration des indicateurs quantitatifs de l'éducation nationale, cela ne s'est pas traduit par un changement qualitatif. Le plan d'urgence 2009-2012, mené par l'ancien ministre de l'Education, Ahmed Akhchichine, n'a pas été non plus la panacée pour hisser le niveau de l'école publique. Ce plan, rappelons-le, avait récolté des critiques dès sa mise en œuvre. D'abord parce qu'il a coûté cher au budget de l'Etat en mobilisant 35 MMDH pour des résultats non probants, ensuite parce qu'il a trop mis l'accent sur les indicateurs quantitatifs au détriment de la qualité. Comment sortir de l'impasse En juillet 2013, Mohamed El Ouafa, alors ministre de tutelle, dressait un tableau pas très reluisant du plan devant les députés membres de la Commission de l'enseignement au Parlement. Ledit plan ambitionnait de rendre l'école obligatoire jusqu'à 15 ans, de construire 8.000 écoles, de recruter 42.000 professeurs, de rendre les lycées et les universités plus attractifs, de former les enseignants et améliorer la gestion des établissements scolaires. Tout cela sachant que le secteur de l'éducation continuait d'absorber un tiers du budget de l'Etat et pour des résultats que tout le monde connaît et constate au quotidien. Certes, ledit Plan d'urgence s'inscrivait dans le prolongement de la Charte nationale de l'éducation et de la formation, néanmoins sa mise en œuvre péchait par manque de réalisme. Malgré tous les efforts déployés, l'abandon scolaire a coûté 8 MMDH au budget de l'Etat durant la même période du plan d'urgence, ce qui est énorme. Ce fut le sujet qui fâche, sachant que 10% du budget de fonctionnement du ministère de l'Education est happé par le phénomène à la peau dure qu'est le décrochage scolaire. Pour une réforme de concertation En octobre 2014, un an après sa nomination à la tête du Conseil supérieur, Azziman, pour qui la Charte de l'éducation de 1999 n'avait pas pris une ride, a voulu cerner la problématique de l'enseignement en menant une large concertation régionale, un peu à l'image de ce qui a été fait pour la société civile ou la réforme de la justice. Pas moins de 250 intervenants y ont pris part sur une période de deux semaines. L'objectif était de faire le point sur les avancées réalisées ainsi que sur les lacunes et proposer des pistes de réformes. Pour Azziman, tout scénario de réforme doit faire l'objet de consensus en impliquant au maximum les enseignants, lesquels étant les premiers concernés. Cette approche participative est censée aplanir les rugosités et autres réticences qui peuvent être rencontrées chemin faisant. Les partis politiques et les associations avaient adressé leurs mémorandums au conseil. Aujourd'hui, reconnaissant qu'une réforme de l'école ne se décrète pas sans les éléments nécessaires à sa réussite, la vision stratégique de la réforme 2015-2030 se veut un nouveau départ. Selon la définition du Conseil supérieur, cette vision a pour finalité d'asseoir une école nouvelle portée par trois grands fondements : l'équité et l'égalité des chances, la qualité pour tous et la promotion de l'individu et la société. Pour cela, elle vise à renforcer les acquis, proposer des solutions pour les questions transversales en suspend et opérer les coupures nécessaires. Gratuité ou pas de l'école, c'est tranché Depuis le lancement de cette nouvelle vision, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts y compris quelques malentendus ainsi qu'une confrontation monstre avec les enseignants en formation. Le principal malentendu a éclaté autour d'une éventuelle école publique payante avant que cela n'aboutisse à une clarification en faveur du maintien de la gratuité. Après moults tractations, ce ballon lancé dans l'air à travers les déclarations, parfois hasardeuses, de certains responsables gouvernementaux, n'a pas pris trop d'altitude avant que les choses ne se soient finalement rétablies. Quant à la confrontation avec les enseignants stagiaires, la loi a finalement prévalu mettant fin au privilège d'un accès libre à la profession d'enseignant alors que l'école a plus que jamais besoin de profils triés sur le volet. Pour les observateurs avertis, proches de la réalité de l'école marocaine, la vraie problématique est loin d'être matérielle et financière. Selon eux, il est temps pour le Maroc d'avoir une vraie volonté politique pour dépasser les mauvais rendements de l'école. Ils proposent d'apprendre des expériences des pays les mieux classés au niveau mondial en matière d'éducation. Ceci, tout en conservant la spécificité ainsi que l'ancrage social et culturel de l'école marocaine. Egalité des chances Voici quelques idées phares de la feuille de route du Conseil supérieur pour garantir une école de l'équité et de l'égalité des chances : ♦Engager l'État et les familles dans l'obligation de l'enseignement préscolaire et prévoir son intégration progressive dans l'enseignement primaire. ♦Faire bénéficier d'une discrimination positive la scolarisation dans les milieux ruraux, périurbains et les zones déficitaires pour rattraper les retards et aplanir les difficultés. ♦Garantir le droit à l'éducation et à la formation aux personnes handicapées ou dans des situations spécifiques. ♦Généraliser un enseignement inclusif et solidaire pour tous les enfants marocains, sans aucune discrimination et poursuivre les efforts pour garantir une place à tout enfant en âge de scolarisation, notamment dans l'enseignement obligatoire et pour la tranche d'âge 4-15 ans. ♦ Encourager la scolarisation des filles, mobiliser l'environnement de l'école et consolider «l'École de la seconde chance». ♦Préparer les cadres compétents nécessaires pour l'éducation, la formation et la gestion. ♦ Activer la participation des collectivités territoriales dans la réhabilitation de l'école et dans la réalisation de l'obligation et de la généralisation. ♦Poursuivre les efforts pour la mise à niveau de l'enseignement traditionnel. ♦Mettre à disposition des constructions scolaires dotées d'un bon encadrement et des équipements matériels et didactiques nécessaires et renforcer le soutien pédagogique et social.