Les médias sont essentiels au fonctionnement de la démocratie et à son affermissement. Ils sont révélateurs du degré de maturité et d'ouverture politiques d'un Etat de par la liberté qu'il leur assure ou les limites qu'il leur assigne. Une forme d'interdépendance caractérise d'ailleurs l'avancée d'une démocratie et celle de ses médias. En effet, ceux-ci jouent un rôle crucial dans la formation de l'opinion publique et dans la stimulation du débat national. Toutefois, en plaçant certains débats sur le devant de la scène, ils peuvent en occulter d'autres, selon des orientations échappant parfois aux seules préoccupations informationnelles. Ainsi, les médias doivent-ils se soumettre à une éthique : respecter la vie privée, l'exactitude de l'information et de ses sources... Assurément, la diversité médiatique aide au fonctionnement de la démocratie, dont elle est une condition essentielle. Toutefois, le pluralisme ne rime pas nécessairement avec pluralité d'opinions et crédibilité de l'information. Il peut n'en être qu'un simple simulacre, relevant plus d'une «cosmétique démocratique» que d'une stratégie volontariste, assurant le rôle de courroie de transmission de l'information entre gouvernants et gouvernés. D'autre part, le conformisme, la langue de bois et le manque de transparence peuvent être un moyen d'altération et de discréditation de l'information auprès du grand public. Aussi, le risque de manipulation n'est-il pas la conséquence du financement des médias par des capitaux privés qui peuvent façonner l'information, investir ou influer sur le cours politique. La concentration financière peut, pareillement, porter atteinte à l'indépendance des médias, les acculant parfois à des dépendances asservissantes. La démocratie est un régime politique fondé sur la souveraineté des citoyens, qui élisent leurs représentants librement. Une condition essentielle de la démocratie est l'existence d'une sphère publique, dans laquelle s'opère un véritable débat et s'exprime l'opinion publique par toutes ses composantes. Sans verser dans la démagogie ni dans le populisme, les médias ont pour rôle d'animer cette sphère, en garantissant le pluralisme des points de vue. L'accessibilité et la compréhensibilité sont incontournables pour que les citoyens puissent s'approprier les grands débats qui déterminent leur avenir. Indubitablement, tout citoyen doit avoir accès à une information qui rende compréhensible, sans pour autant la nier, la complexité des nouveaux enjeux sociétaux et économiques. Ceci implique une mise en contexte systématique des faits, surtout à un moment où le Maroc et d'autres régions du monde connaissent de profondes mutations. De nos jours, ce ne sont plus les seuls journaux, mais la télévision, le cinéma, la radio, l'Internet qui participent au débat démocratique. Les nouvelles technologies incitent à modifier les manières de travailler, en rapprochant la classe politique des citoyens. Ces médias de l'interaction complètent les vecteurs traditionnels de la démocratie, inventant de nouvelles formes d'information et d'expression. D'ailleurs, le printemps arabe en a démontré la force et la vigueur, édifiant deux voies parallèles : la voie de l'immédiateté, des prises de position à chaud et celles de la conventionalité... De surcroît, l'Internet a permis le contournement, à travers les nouveaux espaces de discussion, des censures politiques s'érigeant en une formidable caisse de résonnance des aspirations populaires. Assurément, il y a une alliance triangulaire entre hommes politiques, opinion publique et médias : ces derniers «reflètent autant qu'ils analysent» les phénomènes de société. Il leur revient comme pour les autres constituants du triangulaire d'agir pour la consolidation de la démocratie au Maroc. Le décalage de nos partis, non seulement en termes d'élaboration de projets de société, mais de rapports avec l'opinion publique, en versant dans une uniformisation et une neutralisation du discours politique, désabuse des franges considérables de nos concitoyens. D'autre part et en l'absence d'une culture communicationnelle, ces partis usent, maladroitement, de médias et de différents procédés dans leur obstination à séduire davantage d'électeurs, sans profondeur ni justesse. Un des enjeux majeurs de la question médiatique et de «la gestion de l'information» est leur refonte, afin d'accompagner le mouvement irréversible du Maroc sur la voie du progrès et de la modernisation de ses instances. Il s'agit de créer et de préserver des espaces de liberté, d'expérimentation, de créativité, qui se réapproprient les préoccupations citoyennes, avec un langage neuf échappant au formatage et ancré dans un souci de proximité et de transparence... Ce ne sont aucunement les nouvelles technologies ni les dispositifs de lois, sans efficience, qui rendront possible l'avènement d'une telle situation, mais c'est la volonté et l'audace politiques. Il n'y a pas de citoyenneté authentique sans pluralité active, s'exprimant librement et réciproquement. Le pluralisme ne peut être garanti qu'à travers une citoyenneté agissante et responsable.