En dépit de la sensibilité du stockage de sécurité, la question demeure peu appréhendée par les autorités. Résultat, l'on frôle la rupture de stock pour plusieurs produits vitaux sur le plan économique et social. Produits pétroliers 10 jours au lieu de 60 Le constat de la Cour des comptes est sans équivoque : «Les stocks de sécurité des produits pétroliers sont marqués par une insuffisance structurelle par rapport au niveau prévu par la réglementation qui est de 60 jours de consommation pour les produits raffinés chez les distributeurs». Pis, les écarts sont plus significatifs pour certains produits de grande consommation, comme le gasoil et le butane. Concernant le gasoil, les stocks disponibles à fin 2015, ne permettaient de couvrir, en moyenne, que 24,1 jours de consommation. Pour le butane, et pour la même année, ces stocks ne couvraient que 27,5 jours de consommation. Quant au supercarburant, les stocks disponibles ne couvraient que 34,8 jours de consommation. Les stocks de fuel, chez les distributeurs, présentent la situation la plus critique avec des niveaux ne dépassant pas cinq jours de couverture en 2015. À noter que dans plusieurs cas, à l'intérieur de la même année, les stocks atteignent des niveaux critiques ne dépassant pas 10 jours de consommation pour certains mois. Blé tendre Un arrêté attendu depuis...1996 ! Les magistrats de la Cour des comptes se sont arrêtés sur cette aberration qui en dit long sur les dysfonctionnements qui entourent les opérations de stockage du blé tendre : «L'arrêté, prévu depuis 1996 par le décret d'application de la loi relative à l'ONICL, devant fixer la consistance et le mode de constitution et de financement des stocks de sécurité, n'est pas encore établi». Autre contrainte, le stockage des céréales est, en général, marqué par un nombre élevé d'opérateurs (280 organismes stockeurs, 30 importateurs et 164 minoteries industrielles) avec des modes traditionnels et d'autres modernes. Plus globalement, durant les dernières années, les stocks de blé tendre ont globalement présenté des niveaux permettant l'approvisionnement normal du marché national. En 2015, le stock moyen a été de 14,9 MQx pour un écrasement moyen mensuel (représentant la consommation en ce produit), de près de 4 MQx, ce qui offre une couverture de plus de 3,5 mois d'écrasement. Cependant, des fluctuations significatives sont régulièrement enregistrées entre les mois de la même année. À titre d'exemple, le mois de décembre 2015 a enregistré un stock de 7,6 MQx, couvrant moins de deux mois d'écrasement. Sucre Fluctuations dangereuses La situation des stocks de sécurité en sucre (un mois de consommation) montre que les disponibilités chez l'opérateur dépassent en général l'obligation de stockage. Ainsi, en 2015, le stock disponible a dépassé, en moyenne, deux mois de consommation. Cependant, en cours d'année, le niveau des stocks connaît des fluctuations significatives avec des périodes de fortes réserves correspondantes, en général, à la période estivale et une phase de faibles réserves coïncidant avec la période hivernale et s'étalant jusqu'au début du printemps. Le mois d'avril enregistre systématiquement le niveau de stocks le plus faible. Par ailleurs, il est noté une prédominance des importations du sucre brut dans la production globale de sucre blanc. Ces importations ont représenté, en moyenne, environ 66% sur la période 2013-2015. Cette situation marque, ainsi, une dépendance du marché extérieur du sucre impliquant une exposition significative aux problèmes potentiels d'approvisionnement en ce produit sur le marché international et aux fluctuations de ses cours. Malgré les changements en amont et en aval de la filière sucrière, la réglementation n'a pas connu de modification pour tenir compte des implications de la nouvelle situation en vue de mieux sécuriser l'approvisionnement du marché national. Médicaments Système de suivi défaillant Depuis 2002, les établissements pharmaceutiques sont tenus d'avoir un niveau des stocks égal au quart du total de leurs ventes en spécialités pharmaceutiques au cours de l'année précédente. Cependant, la réglementation est «marquée par un manque de précision de certaines dispositions relatives aux produits concernés par le stockage de sécurité comme elle ne couvre pas certains produits essentiels, tels que les dispositifs médicaux», estime la Cour des comptes. Et de poursuivre : «Ce système rend le suivi des stocks de médicaments difficile et moins efficace». Peu d'opérateurs se conforment à l'obligation de déclaration prévue à cet effet. Cependant, le ministère de la Santé a déployé une plateforme informatique pour la déclaration des stocks et leur suivi. Sur le plan organisationnel, la mission de suivi des stocks de médicaments et de veille sur l'approvisionnement du marché est confiée, depuis 2001, à l'Observatoire national des médicaments et des produits de santé qui relève de la direction du médicament et de la pharmacie (ONMPS). Or, cet observatoire ne jouit pas du positionnement organisationnel et de l'autorité nécessaire pour prendre en charge les missions qui lui sont confiées en matière de suivi des stocks de sécurité des médicaments. En outre, il ne dispose pas des moyens à même de lui permettre de s'acquitter de ses missions, de manière convenable.