Bachir Baddou : Président de la Fédération marocaine des sociétés d'assurances et de réaussurance La mobilisation de l'épargne collectée par les assureurs au profit des investissements verts ne pourra se faire qu'en amendant la législation et en concevant des projets rentables. C'est ce que souligne le président de la Fédération marocaine des sociétés d'assurances et de réassurance (FMSAR), Bachir Baddou. Vous estimez que la mobilisation des financements ne constitue pas un problème pour le secteur des assurances. Quelles sont les difficultés liées aux financements verts ? Par définition, le secteur des assurances mobilise de l'épargne. À côté de notre fonction classique d'assureurs, il y a celle de la mobilisation de l'épargne et sa canalisation vers des investissements productifs. Cependant, je pense qu'il faut désormais travailler sur les investissements dans l'économie verte. Aujourd'hui, peu de projets sont relatifs à ce domaine. Abstraction faite des investissements lancés par MASEN, les projets ayant trait à l'économie verte sont quasi-absents. Pourquoi peu d'investissements sont-ils mobilisés dans ce créneau? Produire de l'énergie renouvelable est une nouvelle tendance. Le Maroc est en train de devenir un champion dans ce sens à travers la mise en place des centrales éoliennes et des centrales électriques. Jusque-là, les financements étaient publics. Sur cet aspect-là, on veut envisager la mobilisation du secteur privé en collectant l'épargne longue et en choisissant d'investir dans des projets de création d'électricité propre. À part l'énergie, peu d'opérateurs sont intéressés par l'investissement vert et la réduction des émissions de carbone. C'est une nouvelle tendance au Maroc. À l'occasion de la COP 22, toute une réflexion s'installe. Je pense que les assureurs peuvent réserver un pourcentage de leurs investissements dans ce cadre-là. Quelles sont les contraintes rencontrées lors de la mobilisation de l'épargne au profit des investissements verts? Quelques contraintes sont à souligner. Notre secteur est hyper-réglementé. La réglementation devrait évoluer pour nous permettre d'admettre en couverture de notre engagement technique les investissements verts. Il faut que notre régulateur nous l'autorise. Les discussions sont engagées avec le régulateur et il est disposé à accorder ces autorisations. Parmi les mesures que vont suggérer les assureurs avec l'autorité de supervision à la COP22 figure l'autorisation d'investir dans des projets verts. La réglementation va, donc, évoluer dans ce sens. On s'accorde sur l'évolution de la réglementation. Je pense qu'il reste un seul problème majeur: il faut avoir des projets pour que l'épargne puisse être investie. À ma connaissance, on ne voit pas de projets au Maroc labellisés verts que les assureurs peuvent accompagner dès demain. Il faut structurer ces projets et s'inspirer des expériences internationales pour que le Maroc puisse aussi initier des fonds verts. À ce moment-là, les assureurs joueront naturellement leur rôle d'investisseurs. Une autre contrainte est à souligner. En effet, les investissements verts doivent offrir des rendements intéressants. On ne peut pas investir dans des supports à très faible rendement. Il faut que le rendement soit compétitif par rapport à l'économie classique. Quid des expériences internationales? Des milliards de dollars sont déjà investis de par le monde en projets verts. Il faut s'inspirer de l'expérience d'autres pays. Il faut voir les secteurs dans lesquels sont investies les ressources financières des fonds verts. Il faut dire que même au niveau international, il s'agit d'une expérience qui débute. Le Maroc n'est pas particulièrement en retard. Le monde entier vient à peine de commencer. Qu'en est-il du volet de la prévention des risques climatiques? La couverture de certains risques climatiques va devenir obligatoire au Maroc en vertu de la loi. C'est une excellente nouvelle. Les assureurs accompagneront les entreprises en matière de prévention. D'ailleurs, on l'a déjà fait. Par exemple, à Tanger, la zone industrielle est inondable en cas de fortes pluies. Les assureurs ont accompagné des entreprises pour qu'elles essaient de se prémunir et prennent un certain nombre de dispositions afin d'éviter de subir des dégâts assez lourds. Donc, on a déjà fait de la prévention, mais il va falloir l'accélérer et la structurer et avoir une démarche plus volontariste. Consensus autour des assurances indicielles Mardi 8 novembre, dans le pavillon Maroc de Bab Ighli, la thématique des assurances indicielles a été parmi les questions phares de la journée. Un side event a été organisé par l'Agence marocaine pour le développement agricole, en partenariat avec l'Agence française pour le développement et le Fonds français pour l'environnement mondial, pour traiter de cette question ô combien cruciale ! A travers le continent africain, nombreuses sont en effet les plantations agricoles alimentées par les eaux de pluie et il se trouve qu'aujourd'hui, ces terres subissent déjà les effets du changement climatique. D'où l'urgence de mettre en place des mécanismes d'adaptation permettant de faciliter l'accès au financement à travers le développement d'un système d'assurances indicielles ciblant les petits agriculteurs. Les participants à la rencontre ont d'ailleurs été unanimes sur la question, tant le changement climatique affecte les rendements des petites exploitations avec des sécheresses récurrentes et des conditions météorologiques désordonnées. Plusieurs participants ont mis en avant l'impératif d'instaurer un système d'assurances indicielles à destination des petites exploitations pour renforcer leur résilience et leur adaptation aux effets du changement climatique. Le directeur général de l'ADA a affirmé à ce sujet que «les assurances indicielles étaient un élément essentiel de l'initiative marocaine Adaptation de l'Agriculture Africaine (AAA)», le programme cherchant à réduire la vulnérabilité de l'agriculture africaine au changement climatique, l'un des objectifs principaux de la présidence marocaine de la COP22.