Parler des relations entre les cultures et les peuples méditerranéens, entre les éléments qui les différencient et ceux qui les rapprochent, entre ce qu'était la population de la région hier et celle d'aujourd'hui, c'est, invariablement, introduire les notions d'échanges de tous ordres: les diversités des uns et des autres se fondent dans des métissages constants, nourris de ce qui est autre, étrange, différent et toujours semblable, car ce qui est humain est réductible au Même, comme dirait l'écrivaine marocaine Ghita El Khayat. Lorsque des sociétés, appartenant à des cultures différentes, partagent un même espace géographique, une même région, un même pays, il se pose à eux, inéluctablement, des problèmes de tolérance, de reconnaissance et d'acceptation mutuelles. Cette coexistence, appelée «diversité culturelle», se manifeste par la reconnaissance des différentes langues et histoires, identités, religions et traditions, mais aussi des différents modes de vie et particularités propres à une culture. Loin d'être un frein, la diversité culturelle est un vecteur de développement. Elle permet de réduire la pauvreté et de parvenir à un développement durable. Elle est un facteur de paix sociale sans laquelle tout développement serait vain, tout exercice de démocratie aléatoire et toute aspiration à la modernité incertaine. À condition, bien entendu, que ceux qui gouvernent, à travers leurs politiques culturelles, positivent cette cohabitation, facteur d'enrichissement fécond. À condition, surtout, que les détenteurs des cultures en présence soient constructifs et acteurs des décisions, de la conception des stratégies et mécanismes de développement et de leur mise en œuvre. Il s'agira d'identifier ce qui est commun et stimulant, ce qui est différent et complémentaire, ce qui spécifie mais ne nuit en rien; de tirer de tout cela l'enrichissement fécond qui crée et renforce la cohésion et écarte les conflits. Le cas spécifique du Maroc mérite que l'on s'y attarde. Certes, sa Constitution reconnaît deux langues officielles: l'arabe et l'amazigh. Cependant, le français est toujours dominant dans les domaines de l'éducation, des finances et des affaires. D'autres langues étrangères y sont enseignées, notamment l'anglais, l'espagnol et l'allemand, car l'élite marocaine est consciente de l'importance de ces langues dans l'ouverture du pays sur le monde. Le Maroc investit dans la coopération au sein de la Méditerranée et entre les régions. Sa stratégie met l'accent sur les capacités de défense et de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme, autant que sur les possibilités d'emploi, d'inclusion sociale et les droits de l'Homme. Qu'est-ce qui différencie les cultures en présence, et qu'est-ce qui les relie ? Unité et diversité sont indissociables pour permettre aux sociétés modernes d'exister, à la démocratie de s'exercer sans conflit. Je voudrais souligner combien il est impossible d'encapsuler le monde méditerranéen dans une seule culture, une seule civilisation ou une seule identité. L'histoire de la Méditerranée et de l'expérience actuelle affirme le contraire: les identités fluides et les échanges ont été et sont toujours la condition sine qua non pour que les individus du bassin méditerranéen cohabitent. Racines transculturelles, récits pluriels, les schémas sociaux partagés ont toujours enrichi le patrimoine de ces cultures qui ont fleuri le long des deux rives de la Méditerranée. Le forum international de la culture amazighe, qui a eu lieu à Fès en juillet dernier, a tracé les principales caractéristiques de ces valeurs communes: l'ouverture à la diversité, le communautarisme (par opposition à l'individualisme), un accueil chaleureux, des liens familiaux étroits et la recherche d'un équilibre entre tradition et modernité. Accepter et unir toutes nos cultures pour atteindre nos objectifs partagés et servir nos intérêts communs est un défi quotidien, mais c'est également notre plus grande force. La diversité est notre force. Moha Ennaji Chercheur universitaire, Fès