Le gouvernement a pu tirer son épingle du jeu en faisant passer la réforme des retraites au sein de l'institution législative. Introduit à la Chambre des conseillers, le seul amendement porte sur le relèvement progressif, sur six ans, de l'âge de départ à la retraite. Adoptés en commission mardi soir, les textes devaient franchir le cap du Parlement hier après-midi en séance plénière. Sans surprise, les projets de loi portant sur la réforme des retraites ont passé le cap de la Chambre des représentants comme une lettre à la poste. En effet, les députés ne sont parvenus à y introduire aucun amendement. Seul le groupe parlementaire de l'Istiqlal a présenté des propositions d'amendements qui ont toutes été rejetées par le gouvernement. Une position critiquée vertement par la députée de l'Istiqlal Mounia Ghoulam, qui pointe du doigt une réforme qui sera «entièrement supportée par le fonctionnaire». L'Istiqlal a notamment plaidé pour le calcul de la pension sur le salaire moyen des quatre dernières années au lieu de huit ans, ainsi que le principe d'un tiers pour l'employé et deux tiers pour l'Etat en matière de cotisation (10 et 20 %). Les «héritiers» de Allal El Fassi ont aussi appelé à laisser le choix à ceux qui vont partir dès l'année prochaine à la retraite de rester jusqu'à 63 ans. Mais c'était peine perdue. Appuyé par sa majorité, l'Exécutif a évité le transfert des textes à la Chambre des conseillers pour une deuxième lecture alors que la session parlementaire touche à sa fin. Non sans amertume, les députés de la majorité ont coupé l'herbe sous le pied de l'opposition en soutenant l'Exécutif et en évitant de présenter des amendements. Le gouvernement, rappelons-le, s'est montré intransigeant au sein de l'institution législative. Il a n'a introduit qu'un seul amendement aux textes de la réforme à la Chambre des conseillers où ils ont fait l'objet d'un bras de fer serré avec les syndicats. Il s'agit du relèvement progressif sur six ans (au lieu de trois ans) de l'âge de départ à la retraite. L'opposition n'y va pas avec le dos de la cuillère. «Le PAM n'a pas présenté d'amendement car il rejette de fond en comble cette réforme incomplète», souligne aux «Inspirations ECO» le député Younes Sekouri. Il est à rappeler que la réforme apportée par le gouvernement sera mise en œuvre à partir de l'année prochaine. L'âge de départ à la retraite sera progressivement portée à 63 ans sur six ans. La contribution de l'Etat et des cotisants sera augmentée de quatre points chacun sur quatre ans. La base de calcul des pensions portera sur le salaire annuel moyen des huit dernières années de travail (sur une durée de 4 ans à partir de 2017). Le taux annuel de calcul des pensions est révisé de 2,5% à 2% en ce qui concerne les droits qui seront acquis à partir du 1er janvier 2017 tout en maintenant un ratio de 2,5% pour les droits acquis avant cette date. Le montant minimal de la pension sera progressivement augmenté pour passer de 1.000 DH par mois actuellement à 1.500 DH. En ce qui concerne le texte portant création d'un RCAR, il porte sur l'augmentation progressive du montant du seuil minimal de la pension pour les retraités militaires et les retraités du régime collectif de 1.000 à 1.500 DH par mois. Le ministre chargé du Budget a souligné l'urgence de la réforme, précisant que la prochaine phase portera à moyen terme sur la mise en place d'un système à deux pôles (public et privé) en vue d'arriver à long terme à un système unifié. Mohamed Moubdii Ministre de la Fonction publique C'est un grand jour. Les projets de loi portant sur la réforme des retraites garantissent la stabilité de la caisse et les droits des adhérents et des prochaines générations tout en préservant les acquis. Les nouvelles dispositions nous permettent de faire, par la suite, une réforme globale et élargie. En effet, il s'agit d'un premier pas vers la réforme globale. Actuellement, on doit d'urgence passer à une réforme paramétrique pour garder l'équilibre budgétaire et garantir les droits. C'est une obligation pour stopper l'hémorragie. On ne peut pas aller à la dérive en attendant la réforme globale. Il faut passer à la mise en œuvre de la loi-cadre portant sur un plan d'action clair et précis pour arriver à une réforme globale. Cela nécessite des concertations, des études et un benchmark qu'on doit réussir. Le débat sera élargi. L'enjeu est important. J'espère que ce gouvernement aura la chance de continuer ces réformes lors de la prochaine législature». Younes Sekouri Député du PAM Les projets de loi sur les retraites ne représentent pas pour nous une réforme. En effet, la réforme est une succession d'actions lourdes qui mobilisent des moyens importants et qui créent un précédent. Ce ne sera pas le cas. Le premier point de divergence porte sur le périmètre de la réforme qui devrait concerner l'ensemble des régimes de retraite et les millions de Marocains qui ne bénéficient, aujourd'hui, d'aucune retraite à travers un projet de loi-cadre. Ce qui est impossible, pour la réforme d'une caisse, devient possible quand on élargit le champ de la réforme à d'autres caisses. Le deuxième point a trait au taux de croissance et d'emploi. On a l'impression que le gouvernement lance une série de mesures qui ressemblent aux pays dont la population est vieillissante. Or, le Maroc a des problèmes de retraite car beaucoup de Marocains ne travaillent pas. La gestion de portefeuille de la Caisse marocaine des retraites peut être améliorée. L'essentiel des investissements faits par la CMR se fait dans un cadre législatif et réglementaire qui ne lui permet pas de prendre des risques et privilégie la sécurité».