Le Maroc est le 5e exportateur d'habillement vers l'Union européenne et 7e, en termes de textile-habillement, parmi les pays de la Méditerranée. Il est, de loin, devancé par la Turquie, dotée de grandes entreprises structurées et de meilleurs accords commerciaux. La place du Maroc dans l'export textile s'est considérablement dégradée depuis le début des années 2000. Avec la concurrence turque et celle des pays d'Asie du Sud-Est, le Maroc est aujourd'hui 5e exportateur de l'Union européenne, parmi les pays de la Méditerranée, en termes d'habillement avec 2,3 millions d'euros en valeur et 7e concernant le textile-habillement, avec 2,49 millions d'euros. Il faut savoir que l'UE importe des pays de la Méditerranée 14,1 milliards d'euros. Le Maroc est, de loin, devancé par la Turquie classée 3e pays d'importation de l'UE dans les pays de la Méditerranée avec 9,184 millions d'euros en habillement et 2e pays d'importation de l'UE de textile-habillement, avec une valeur de 13, 69 millions d'euros. Enfin, la Tunisie vient en 8e position dans les deux catégories. C'est ce qu'a révélé une étude publiée par l'association française, Evalliance, opérant dans les secteurs du textile, habillement, cuir et chaussures, entre l'UE et ses partenaires, lors d'une conférence organisée, le 16 février dernier. Le Maroc à la traîne depuis 2006 Ce recul n'est pas né d'hier. Selon Jean-françois Limantour, président d'Evalliance, le Maroc perd des parts du marché européen, depuis 2006. Il en est de même pour la Tunisie. «Jusqu'en 2005, l'UE se protégeait contre les importations d'habillement et de textile en provenance d'Asie, ce qui favorisait les fournisseurs méditerranéens. En 2005, le système des quotas de l'Accord multifibres a été démantelé et l'Europe a alors grand ouvert les vannes aux importations asiatiques, notamment de Chine. L'autre raison est que l'UE a accordé d'importants avantages préférentiels à des pays d'Asie, en leur permettant d'exporter les vêtements à droits nuls vers les marchés européens», explique Limantour. Parmi ces avantages dont ne jouissent guère le Maroc et la Tunisie, figure l'utilisation des tissus de n'importe quelle origine pour fabriquer les vêtements exportés à droits nuls vers l'UE. Pour Jean-François Limantour, le Maroc et la Tunisie sont obligés d'utiliser des matières produites dans l'espace Euromed et dont les prix sont plus élevés que ceux disponibles en Asie; parfois deux fois plus chers. Et de renchérir, «Or les tissus entrent, en moyenne, pour 50 à 60% dans les prix des vêtements ! On mesure ainsi le handicap insurmontable pour les confectionneurs maghrébins», déplore-t-il. À noter que l'Asie exporte, vers l'UE, une valeur de 61,5 milliards d'euros en textile et habillement, chaque année. Dans cette partie du gâteau textile européen ou du moins celle réservée à la Méditerranée, c'est surtout la Turquie qui rafle la mise. La Turquie, 2e fournisseur de l'UE après la Chine «La Turquie bénéficie de deux grands avantages comparatifs par rapport au Maroc et à la Tunisie. Le premier est d'avoir une industrie textile très puissante. La Turquie est même le second fournisseur de textile de l'UE, derrière la Chine. Ceci permet à la Turquie d'avoir de grandes entreprises intégrées, allant de la filature à la confection, de mieux rationaliser les coûts et d'être beaucoup plus réactive (Fast Fashion) face à la demande européenne de produits finis. Ces entreprises turques très structurées font le poids pour rivaliser avec les grandes entreprises asiatiques contrairement aux PME maghrébines», assure Limantour. Mais la Turquie est aussi plus avantagée en termes d'accords commerciaux avec l'UE que le Maroc. «En effet, l'autre avantage comparatif de la Turquie est d'être en union douanière avec l'UE. Cela signifie que les industriels turcs peuvent exporter à droits nuls leurs vêtements vers les marchés européens, sans aucune condition d'origine. Les Turcs ne se privent pas d'ailleurs d'utiliser des tissus et des fils venant d'Asie à bon marché pour fabriquer des vêtements à prix compétitifs ni même d'importer des vêtements d'Asie pour les intégrer en l'état dans leurs propres exportations», affirme Limantour. Mais finalement, cette suprématie turque dans le textile peut ne pas être fatale pour le Maroc et les autres pays du Maghreb. Si les entreprises de l'ancien Empire Ottoman sont liées à des Sociétés de commerce international (SCI) turques et bénéficient de leur puissance financière et commerciale, les entreprises marocaines, tunisiennes, voire même égyptiennes et jordaniennes peuvent constituer des consortiums avec des groupes européens profitant des accords d'Agadir. C'est ce que préconise le président d'Evalliance. «Mais hélas, cela ne s'est pas fait, chacun campant sur ses positions nationales au lieu de jouer la carte de la complémentarité», déplore-t-il. Le Maroc très compétitif dans le Fast Fashion Les pantalons et les shorts, y compris les jeans, sont les vêtements les plus importés par l'Union européenne. L'année dernière, elle en a importé, au total, 1,7 milliard de pièces, pour une valeur de 10,7 milliards d'euros. Les autres produits les plus importés par l'Europe sont les pulls et chandails, les T-shirts et polos ainsi que les parkas et anoraks. Il n'est donc pas logique que les pantalons soient également les produits les plus exportés par le Maroc. Ce n'est pas une question de compétitivité, mais de taille et d'attractivité des marchés. Outre les pantalons dont les jeans, une des spécialités du Maroc, le prêt-à-porter pour femme : vestes, robes, jupes, chemisiers...est un domaine dans lequel le pays est très compétitif.