À quelques mois des élections législatives du 7 octobre, la révision du seuil électoral sera au cœur des tractations entre les partis politiques et le gouvernement. Alors que certaines formations politiques tendent à maintenir ou élever le taux actuel de 6%, d'autres appellent à le baisser, voire le supprimer. Le seuil électoral sera-t-il révisé ? En tout cas, c'est ce qu'espèrent bon nombre de partis politiques. À l'heure actuelle, ce seuil est de 6% au niveau des listes locales. Concrètement, une liste doit atteindre ce seuil pour avoir une chance de décrocher des sièges. Les formations partisanes sont divisées autour de cette question. Les grands partis politiques espèrent le maintien de ce seuil voire son augmentation pour pouvoir décrocher le maximum de sièges et écarter ainsi ce que l'on appelle «les petits» partis. Ces derniers, par contre, réclament de baisser ce seuil à 3% voire le supprimer. Les partis politiques devront soumettre le plus tôt possible leurs propositions au gouvernement. La plupart des formations n'ont pas encore officiellement tranché sur cette question au niveau de leurs instances décisionnelles. Du côté du parti de la Justice et du développement (PJD), qui avait raflé la mise en novembre 2011 en décrochant 107 sièges, celui-ci vient de créer une commission chargée de la révision des lois électorales. Globalement, la tendance est vers le maintien du taux actuel ou son augmentation. Le député du PJD et membre de la Commission de l'Intérieur de la Chambre des représentants, Aziz Guermat, signale qu'il s'avère important de trouver un consensus au sein de la coalition gouvernementale autour de cette question pour pouvoir jouer la même partition sauf qu'il pourrait être difficile de trouver un terrain d'entente car les alliés du parti de la lampe n'ont pas tous le même poids électoral et par conséquent le même avis sur ce point. Le parti du progrès et du socialisme (PPS), qui est arrivé huitième lors des dernières législatives avec uniquement 18 sièges, est pour la mise en place d'un seuil électoral «inclusif». Le président du groupe parlementaire du PPS au sein de la Chambre des représentants, Rachid Roukbane, précise qu'il faut permettre à toutes les forces d'être représentées au Parlement. Pour le chef de file des progressistes, Nabil Benabdellah, il y a lieu de trouver des mécanismes visant la rationalisation de l'échiquier politique tout en préservant le pluralisme. Un avis qui n'est pas visiblement partagé par certains militants du mouvement populaire, qui aspirent à maintenir le seuil actuel pour lutter contre la balkanisation. «Nous avons payé un lourd tribut lors de la fusion des trois composantes qui ont formé le MP. Notre position est donc claire. Les petits partis sont condamnés à disparaître pour rationaliser le champ politique. Pour cela, il faut maintenir ou élever le seuil électoral», souligne un haraki qui souhaite garder l'anonymat, mais la position officielle du parti de l'épi, qui s'est positionné au sixième rang aux législatives de 2011, est apparemment plutôt souple. Mohamed Moubdii, membre du bureau politique du MP signale aux Inspirations Eco que son parti est pour un consensus au sein de la majorité. S'agissant du Rassemblement national des indépendants (RNI), qui a laissé des plumes lors des précédentes législatives, bien qu'il soit arrivé troisième au classement avec 52 sièges, la position officielle n'est pas encore tranchée, selon un membre du bureau politique, mais il paraît que le RNI ne voit aucun inconvénient à baisser le seuil électoral à 3%. Le parti de l'Istiqlal, qui a occupé en 2011 la deuxième marche du podium, n'est pas du même avis. Lors d'une récente sortie médiatique, Hamid Chabat, secrétaire général des héritiers d'Allal El Fassi, appelle à fixer le seuil électoral à 10%. Un positionnement qui contraste avec celui de l'Union socialiste des forces populaires (USFP), son allié au sein de la koutla qu'on tente de réanimer. Il faut dire que la position de l'USFP surprend tant les observateurs que les acteurs politiques. Alors qu'il prônait auparavant l'augmentation du seuil électoral, le parti de la rose aspire à «faire sauter ce verrou». Contacté par les Inspirations Eco, Habib El Malki, président de la Commission administrative de l'USFP, signale qu'il s'agit d'un impératif démocratique, estimant que le champ politique s'oriente vers une fausse bipolarité qui exclut bon nombre de partis politiques dont plusieurs composantes de la gauche. L'USFP, en chute libre aux dernières élections, tend à stopper sa descente aux enfers et à réunir les forces de la gauche, qui sont sorties affaiblies des élections législatives de 2011. Numériquement, la gauche a beaucoup perdu au cours de ces dernières années. Rappelons que les partis de gauche ayant participé aux précédentes élections législatives n'ont pu obtenir que 16,42% des voix et 59 sièges sur un total de 395, soit moins de 15% du total des sièges de la Chambre basse. Quelques formations socialistes n'ont pu décrocher ne serait-ce qu'un seul siège, comme le parti socialiste. La suppression de ce seuil permettra à ces partis politiques d'être représentés au sein de l'institution législative. Par ailleurs, de l'avis de Mohamed Darif, professeur universitaire et président du parti des Néo-démocrates, il ne sert à rien d'augmenter ou de baisser le seuil électoral qui est appliqué au Maroc au niveau local. Pour lutter contre la balkanisation, «plusieurs pays ont opté pour le seuil national qui élimine les partis politiques, qui n'ont pas obtenu assez de voix en dépit de leurs réalisations à l'échelle locale», explique-t-il. Habib El Malki, Président de la Commission administrative de l'USFP L'USFP n'a pas changé. C'est le champ politique qui s'est modifié. Les règles dans ce domaine ne sont pas immuables. En effet, les mécanismes électoraux ne relèvent pas de la sacralité. L'enjeu du combat politique durant les prochaines années sera plutôt culturel et sociétal pour faire face au conservatisme politique sur une base religieuse. Tous les mécanismes électoraux permettant une grande ouverture du champ politique et ne peuvent que renforcer la démocratie au Maroc. Aussi est-il nécessaire de supprimer le seuil électoral. Bouchra Berjal, Députée et membre du bureau politique de l'Union constitutionnelle Nous pensons qu'il faut fixer le seuil électoral à 3% au lieu de 6% pour donner une chance aux partis politiques d'accéder au Parlement. Le seuil de 6% n'a pas permis comme escompté de faire émerger des pôles clairs et importants. Les grands partis politiques n'ont pas traduit la volonté des électeurs au niveau de leurs alliances. Il faut faire cesser l'hégémonie de quelques partis politiques qui se comptent sur les doigts de la main. Abdellatif Ouahbi, Député et membre du bureau politique du PAM Nous n'avons pas encore tranché cette question au sein du parti. Le seuil de 6% consacre l'hégémonie de deux partis politiques uniquement. Je pense que le seuil électoral est fortement tributaire de la nature de la décision politique. Veut-on garantir la représentation politique de toutes les forces politiques au Maroc ou renforcer les partis politiques qui dirigent la majorité ou l'opposition en vue d'une polarisation de l'action politique ? Il faut répondre en premier lieu à cette question. Le seuil n'est pas constitutionnel.